Bibliothèque de Pierre Bergé : le dernier chapitre

Bibliothèque de Pierre Bergé : le dernier chapitre

View full screen - View 1 of Lot 75. Salammbô. Paris, Michel Lévy frères, 1863. Édition originale. Exceptionnel exemplaire de Victor Hugo..

XIXe siècle ─ lots 47 à 144

Flaubert, Gustave

Salammbô. Paris, Michel Lévy frères, 1863. Édition originale. Exceptionnel exemplaire de Victor Hugo.

No reserve

Lot closes

October 28, 02:15 PM GMT

Estimate

30,000 - 50,000 EUR

Current Bid

6,000 EUR

36 Bids

No reserve

Lot Details

Description

Flaubert, Gustave

Salammbô.

Paris, Michel Lévy frères, 1863.


In-8 (227 x 146 mm). Maroquin rouge janséniste, dos à nerfs, cinq filets dorés en encadrement intérieur, tranches dorées, couverture (Chambolle-Duru).


Exceptionnel exemplaire de Victor Hugo, avec envoi.


Du plus petit au plus grand : "Maximo Parvus".


Édition originale.


Envoi autographe signé, sur le faux-titre à l’encre brune :

"au Maître !

Gve Flaubert à Victor

Hugo

Maximo Parvus".


Hugo, le maître. Flaubert vouait une véritable admiration à Victor Hugo, preuve en est la façon très révérencieuse dont il s’adressa à lui dans les différents exemplaires qu’il lui envoya : Madame Bovary est offert "Au Maitre, souvenir & hommage" (Bibliothèque Pierre Bergé, I, n° 84), La Tentation de Saint-Antoine, recouvert de la même reliure "Au Maître des Maîtres, c’est à dire à Victor Hugo, j’offre avec tremblement La Tentation de Saint Antoine” (voir lot 76), et enfin celui-ci, envoyé "du plus petit au plus grand" ("Maximo Parvus").


Flaubert rencontra Victor Hugo en 1844, dans l’atelier de James Pradier : "Personnellement, déjà je vous ai vu ; nous nous sommes rencontrés quelque fois, vous m'ignorant et moi vous considérant. C'était dans l'hiver 1844 chez ce pauvre Pradier, de si gracieuse mémoire ! On était là cinq ou six, on buvait du thé [...]" (Lettre à Victor Hugo du 2 juin 1853).


Le 3 décembre 1843, il décrivit ainsi à sa soeur Caroline la forte impression que lui avait faite le poète : "C’est un homme comme un autre, d’une figure assez laide et d’un extérieur assez commun. Il a de magnifiques dents, l’air de s’observer et de ne vouloir rien lâcher, il est très poli et un peu guindé. J’aime beaucoup le son de sa voix. J’ai pris plaisir à le contempler de près, je l’ai regardé avec étonnement, comme une cassette dans laquelle il y aurait des millions et des diamants royaux, réfléchissant à tout ce qui était sorti de cet homme, les yeux fixés sur sa main droite qui a écrit tant de belles choses. C’était là, pourtant, l’homme qui m’a le plus fait battre le cœur depuis que je suis né et celui, peut-être, que j’aimais le mieux de tous ceux que je ne connais pas…".


C’est aussi en ces mots qu’il manifesta son admiration à Louise Colet : "Hugo, en ce siècle, enfoncera tout le monde, quoiqu’il soit plein de mauvaises choses. Mais quel souffle ! quel souffle !" (lettre du 25 septembre 1852). C’est elle qui parlera pour la première fois de Flaubert au grand poète.


Recevant Madame Bovary à Guernesey, Hugo répondit par ces éloges : "Vous avez fait un beau livre, Monsieur, et je suis heureux de vous le dire. Il y a entre vous et moi une sorte de lien qui m’attache à vos succès. Je me rappelle vos charmantes et nobles lettres d’il y a quatre ans, et il me semble que je les revois à travers les belles pages que vous me faites lire aujourd’hui. Madame Bovary est une œuvre. L’envoi que vous avez bien voulu m’en faire, ne m’est parvenu qu’un peu tard, c’est ce qui vous explique le retard même de cette lettre. Vous êtes, Monsieur, un des esprits conducteurs de la génération à laquelle vous appartenez. Continuez de [tenir] haut devant elle le flambeau de l’art. Je suis dans les ténèbres, mais j’ai l’amour de la lumière" (lettre du 30 août 1857).


En 1862, à la réception de cet exemplaire de Salammbô : "Je vous remercie de m’avoir fait lire Salammbô. C’est un beau, puissant et savant livre. Si l’institut de France, au lieu d’être une coterie, était la grande institution nationale qu’a voulu faire la Convention, cette année même vous entreriez, portes ouvertes à deux battants, dans l’Académie française et dans l’Académie des Inscriptions. Vous êtes érudit de cette grande érudition du poète et du philosophe. Vous avez ressuscité un monde évanoui, et à cette résurrection surprenante vous avez mêlé un drame poignant. Toutes les fois que je rencontre dans un écrivain le double sentiment du réel, qui montre la vie, et de l’idéal, qui fait voir l’âme, je suis ému, je suis heureux, et j’applaudis. Recevez donc, Monsieur, mon applaudissement, recevez-le, comme je vous l’offre, avec cordialité" (lettre du 6 décembre 1862).


À la veille des obsèques de Flaubert, on demanda à Victor Hugo s’il prononcerait ou écrirait quelques mots sur son ami : "Je l’aurais fait, mais on ne m’a rien demandé. J’aimais Flaubert parce qu’il était bon. L’humanité a, avant toutes choses, deux grandes catégories : les hommes bons et ceux qui ne le sont pas. Je ne veux point dire les méchants. Flaubert était de ceux qui sont bons, et à cette grande bonté, il ajoutait un grand talent. Je l’aurais dit volontiers" (1880).


Cette admiration de Flaubert pour Hugo est également soulignée par les Goncourt dans leur Journal, le 14 février 1863 : "Flaubert dit que c’est [Hugo] l’homme dans la peau duquel il aimerait le mieux être."

Victor Hugo (envoi).

 

Daniel Sickles (I, 1989, n° 65).

 

Louis de Sadeleer (ex-libris).

 

Pierre Bergé (II, 2016, n° 356).

M. Haloche, Victor Hugo vu par Flaubert, Les Amis de Flaubert, 1955, Bulletin, n° 6, p. 25, en ligne : https://www.amis-flaubert-maupassant.fr/article-bulletins/006_025/


Une lettre de Victor Hugo à Flaubert, Les Amis de Flaubert, 1961, Bulletin, n° 18, p. 53.


J.B. Guinot. Dictionnaire Flaubert, 2016, p. 369-371.

Bibliothèque nationale, Gustave Flaubert, exposition du centenaire, 1980, n° 241.