Provenances

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View full screen - View 1 of Lot 44. Spatule à chaux figurant une maternité, Îles Trobriand | Lime Spatula depicting a Maternity, Trobriand Islands.

Collection Marc de Monbrison - Vision d'Océanie

Spatule à chaux figurant une maternité, Îles Trobriand | Lime Spatula depicting a Maternity, Trobriand Islands

Atrribuée au Master of Prominent Eyes | Atrribuated to the Master of Prominent Eyes

No reserve

Lot Closed

July 11, 12:44 PM GMT

Estimate

30,000 - 50,000 EUR

Lot Details

Description

Spatule à chaux figurant une maternité, Îles Trobriand

Attribuée au Master of Prominent Eyes


haut. 29,5 cm, 11⅝in


Lime spatula depicting a maternity, Trobriand Islands

Atrribuated to the Master of Prominent Eyes

Collection Charles William Abel (1863-1930), missionnaire en Nouvelle-Guinée de 1890 à 1900, acquis in situ avant 1900

Collection Marc de Monbrison (1942-1985), Paris

Transmis par descedance

BERAN H., "Massim Lime Spatulas by the Master of the Prominent Eyes", dans Tribal Art, févrirer 1997: p.74 fig. 12.

La région Massim se situe à l’est de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, elle regroupe un important nombre de petites îles qui forment une des principales aires culturelles de la Mélanésie. Connue pour sa riche sculpture sur bois aux motifs singuliers, telle que les ornements de pirogues, boucliers et accessoires de danse, elle l’est aussi pour la production de petits objets précieux d’une grande qualité de réalisation. Les spatules à chaux sont les exemples les plus significatifs, qui font la réputation des maîtres sculpteurs de l’aire Massim. Objet usuel incontournable, la spatule est utilisée pour la consommation de bétel et de noix d’arec. Elle permet de prélever une portion de chaux - poudre obtenue en broyant des coquillages ou du corail - afin de la consommer pour atténuer l’amertume de la noix d’arec[1]. Si la plupart des spatules arborent une simple décoration de spirales et d'entrelacs, parfois ajourés, typique des motifs de l’Aire Massim, un petit nombre d’entre elles transcendent leur simple fonction usuelle pour s’imposer comme de véritable œuvre d’art, symbole du rang social de leur commanditaire.

 

Si la fonction et une étude générale des différents styles et matières des spatules à chaux de l’Aire Massim a fait l’objet d’un article par Philippe Bourgoin dans Tribal Arts en 1994[2], Harry Beran a publié dans le même magazine en 1997 un article intitulé « Massim Lime Spatula by the Master of the Prominent Eyes » se focalisant sur les grands maîtres sculpteurs et notamment sur le Master of the Prominent Eyes[3].

 

Un petit nombre de spatules avait déjà été isolé pour leur qualité de sculpture et leur richesse de décors, mais au sein de cet ensemble se sont détachés plusieurs groupes d’objets réunissant des décors similaires ou l’influence d’une même main. En particulier, le style du Master of the Prominent Eyes s’est tout de suite détaché par l’exceptionnel naturalisme de sa sculpture en ronde-bosse. Des singularités esthétiques se retrouvent sur un ensemble de dix spatules : une tête légèrement disproportionnée et de forme ovoïde, des yeux en relief, de grandes oreilles percées, un torse cylindrique avec des petits membres, et la figure repose sur une petite plateforme. En plus de ces critères, ce corpus se distingue par une iconographie variée, témoignant de la maîtrise du traitement du corps dans différentes poses. Tantôt les mains sur le ventre ou portées à la bouche, tantôt une main dans le dos, et dans le cas de la spatule de la Collection Marc de Monbrison, l’image universelle d’une maternité.

 

La spatule de la Collection Marc de Monbrison, réunit non seulement les critères esthétiques de la production du Master of the Prominent Eyes, mais peut également se prévaloir d’un bois d’ébène dense, privilégié pour ce type de sculpture, et d’une ancienne patine typique de ce corpus qui participe à la datation proposée par Harry Beran du milieu du XIXe siècle.

 

Quant à la portée symbolique de cette spatule figurant une maternité, et plus généralement de ces groupes de spatules attribués à des mains de maîtres, celle-ci est plus discutable. Harry Beran a à ce sujet recueilli le témoignage du chef Narubutau des Îles Trobriand affirmant que les spatules anthropomorphes avaient un pouvoir magique, et qu’un esprit pouvait les habiter, protégeant ainsi son propriétaire[4]. Dans le cas de la spatule de la Collection Marc de Monbrison, celle-ci a pu être commandée pour une jeune mère, ou dans le contexte d’un rite de fertilité. La représentation d’une maternité est extrêmement rare dans le corpus des spatules à chaux, et cet exemplaire l’est d’autant plus par son attribution au Master of the Prominent Eyes. La préciosité de sa sculpture et son naturalisme saisissant, en rupture totale avec les décors parfois redondants de l’art Massim, font de cette œuvre un témoin unique et majeur de la production de ces maîtres sculpteurs, figures de proue de l’art Massim.


[1] Bourgoin, « Spatules à chaux de la région Massim », dans Tribal Arts, Décembre 1994 : pp. 35-46.

[2] Ibid.

[3] Beran, « Massim Lime Spatulas by the Master of the Prominent Eyes », dans Tribal Arts, Printemps 1997 : pp. 68-76.

[4] Ibid. : p. 72.