Splendeurs : Chefs-d’oeuvre des Arts d’Afrique
Splendeurs : Chefs-d’oeuvre des Arts d’Afrique
Auction Closed
June 8, 01:00 PM GMT
Estimate
60,000 - 90,000 EUR
Lot Details
Description
Statue, Lumbu, Gabon
haut. 53 cm ; 20 5/6 in
Lumbu Figure, Gabon
Collection Jacques Viault, ca. 1970
Grand-Dufay C., "La statue Lumbu", in Tribal Art, n° 77, Automne 2015 : p. 121 et couverture.
Grand-Dufay C., Les Lumbus un art sacré, 2016 : n°39, pp. 143-144.
Par Charlotte Grand-Dufay
Historienne de l'art
Acquis dans la région de Mayumba, au sud Gabon, ce buste-reliquaire mbumba (« arc-en-ciel ») figure parmi les témoins les plus remarquables du – rare - corpus de la statuaire Lumbu. Peuple d’origine Bantou autrefois intégré au royaume Kongo, les Lumbu, dont le territoire s’étend de la rivière Nyanga (Gabon) à la lagune de Conkouati (République du Congo), se situent à la confluence de plusieurs cultures, notamment Punu, Galwa, Vili et Yombe. Leur statuaire constitue tant une synthèse des différents styles environnants qu’une interprétation unique de la tradition Kongo à laquelle elle se rattache.
De cette civilisation relève l’iconographie du bras levé (qui devait originellement brandir un insigne de pouvoir), geste archétypal de la statuaire Kongo. De surcroît, d’un point de vue conceptuel, elle en incarne majestueusement deux institutions essentielles : le culte des ancêtres et l’assise matrilinéaire du pouvoir.
Gardiennes des reliques, à l’instar des effigies Kota mais comparativement beaucoup plus rares, les statues mbumba étaient autrefois intégrées dans un panier ou un sac en peau d’animal cerclé de liens végétaux. La statue, ici résumée à l’essence symbolique d’un buste féminin, représente l’ancêtre fondateur du clan. Caractéristique de la statuaire Lumbu, elle porte à son extrémité une charge magico-religieuse enduite de résine d’okoumé et rehaussée d’un miroir, dont le rôle est de rappeler la présence des ancêtres qui veillent sur les vivants. Cet élément la rapproche des nkisi des peuples Kongo.
L’assise matrilinéaire du pouvoir est signifiée par la main gauche posée sur le sein, traduisant le statut primordial de la femme qui transmet la vie et assure la pérennité du clan. Cette fonction souveraine est exaltée par les traits d’une jeune fille à la beauté idéalisée. Au buste juvénile signifié par une poitrine gracile et un élégant port de tête répondent la clarté du visage aux traits délicats, blanchi au kaolin à l’image des masques Punu et le raffinement de la coiffe aux nattes torsadées. Le regard perçant – aux pupilles rehaussées de noir - est souligné par les yeux en amande sertis d’éclats de verre. Au sommet de la tête, inscrit dans un cercle, se dessine en champlevé une croix à six branches. Ce motif renvoie à la fois aux points cardinaux de l’univers et au destin des hommes semblable à celui du soleil, qui meurt sur terre pour renaître sous l’eau, où le « soleil nocturne » l’éclaire.
Ornée des trois couleurs fondamentales de l’Afrique bantoue – bleu, blanc et rouge – cette représentation féminine affiche une polychromie combinatoire empreinte d’un haut symbolisme.
La coiffe et la pointe des seins sont teintées au bleu de Guimet ou « bleu de lessive », évoquant l’eau, demeure des génies. Le visage et le cou blanchis au kaolin extrait de l’argile des rivières, renvoient au géni Bunzi des Kongo et à un symbole de paix. Le rouge, symbole du feu, du sang et de la chair, domine. Le torse est enduit de la poudre rouge de padouk ; les paupières et la bouche charnue en sont fardées, de même que le traditionnel triangle frontal – insigne de l’homme – que l’on retrouve sur certains masques myené des Galwa (Lambaréné, Gabon). Enfin, comme sur plusieurs autres statues-reliquaires de ce corpus, une bande rouge s’étire de la bouche vers le menton et se prolonge le long du cou. Les éclats superficiels laissent entrevoir la succession des couches chromatiques, appliquées lors des grands évènements, attestant du long usage rituel de ce mbumba.
Cet admirable buste-reliquaire témoigne d’une tradition artistique et religieuse exceptionnellement riche et complexe, exaltée par le buste Lumbu du musée du quai Branly - Jacques Chirac (inv. 71.1943.0.433X). Elle se rattache en particulier au buste de l’ancienne collection d’Helen et Robert Kuhn (Sotheby’s New York, 20 novembre 1991, n° 78).
Mis à l’honneur sur la couverture de Tribal Art (automne 2015), il compte parmi les trois plus admirables figures de reliquaire d’un ensemble de huit figures apparentées (p. 121, fig. 21), dont le buste vendu chez Sotheby’s à Paris (21 juin 2017, lot 71).
By Charlotte Grand-Dufay
Art historian
Collected in the region of Mayumba, southern Gabon, this Mbumba (“rainbow”) reliquary bust is one of the most remarkable testaments to the - rare - corpus of Lumbu statuary. The Lumbu are a people of Bantu origin who were once part of the Kongo kingdom. Their territory stretches from the Nyanga River (Gabon) to the Conkouati Lagoon (Republic of the Congo) and they stand at the confluence of several cultures, most notably Punu, Galwa, Vili and Yombe. Their statuary is both a synthesis of the various surrounding styles and a unique interpretation of the Kongo tradition it belongs to.
The iconography of the raised arm (which was originally designed to brandish an insignia of power), the archetypal gesture of Kongo statuary, can be traced to this civilization. Moreover, from a conceptual point of view, it is a regal embodiment of two essential institutions: ancestor worship and the matrilineal basis of power.
As guardians of relics, much like Kota effigies but comparatively much rarer, Mbumba statues used to be encased in a basket or bag made of animal hide and bound with strips of plant material. The statue, summed up here to the symbolic essence of a female bust, represents the founding ancestor of the clan. It is characteristic of Lumbu statuary: its extremity carries a magic-religious charge coated with okoume resin and set with a mirror, the purpose of which is to evoke the presence of the ancestors who watch over the living. This feature is a trait shared by the Nkisi of the Kongo people.
The matrilineal basis of power is evidenced by the left hand placed on the breast, reflecting the primordial status of woman, who gives life and ensures the continuity of the clan. This function as sovereign authority is exalted in the features of a young girl with an idealized beauty. The youthful bust, as represented in the slender chest and elegant posture of the head, finds an echo in the brightness of the face with its delicate features, whitened with kaolin like Punu masks, and in the intricate beauty of the coiffure with its twisted braids. The piercing gaze - its pupils enhanced with black - comes through in the almond-shaped eyes set with shards of glass. On top of the head, within a circle, a six-pointed cross is outlined in champlevé. This motif refers both to the cardinal points of the universe and to the destiny of mankind, similar to that of the sun, dying on earth only to be reborn under water, where illuminated by the “night sun”.
Adorned with the three fundamental colours of Bantu Africa - blue, white and red - this feminine representation features a polychromatic combination imbued with a high degree of symbolism.
The coiffure and tips of the breasts are colored with Guimet blue also known as “detergent blue”, which evokes water, where genies dwell. The face and neck, whitened with kaolin extracted from river clay, evoke the Bunzi genie of the Kongo and a symbol of peace. The colour red, a symbol of fire, blood and flesh, is predominant. The torso is coated with red padouk powder; the eyelids and full mouth also, as well as the traditional forehead triangle - a man's insignia - which is found on certain Myene masks of the Galwa (Lambaréné, Gabon). In addition, as on several other reliquary statues within this corpus, a red band stretches from the mouth to the chin and continues down the neck. The superficial chipping reveals successive chromatic layers, which were applied for major events, attesting to the long ritual use of this Mbumba.
This magnificent reliquary bust is a testament to an exceptionally rich and complex artistic and religious tradition, as exalted by the Lumbu bust of the Quai Branly - Jacques Chirac Museum. (inv. #71.1943.0.433X). It is particularly closely related to the bust from the former Helen and Robert Kuhn collection (Sotheby’s New York, 20 November 1991, #78).
Featured on the cover of Tribal Art (Fall 2015), it is one of the three most admired reliquaries amongst a group of eight related figures (p. 121, fig. 21), including the bust sold at Sotheby's Paris (21 June 2017, lot 71).