Splendeurs : Chefs-d’oeuvre des Arts d’Afrique

Splendeurs : Chefs-d’oeuvre des Arts d’Afrique

View full screen - View 1 of Lot 7. Statue agenouillée, Senufo, Côte d'Ivoire | Senufo kneeling Figure, Côte d'Ivoire.

Property from an Important Private Collection

Statue agenouillée, Senufo, Côte d'Ivoire | Senufo kneeling Figure, Côte d'Ivoire

Auction Closed

June 8, 01:00 PM GMT

Estimate

700,000 - 900,000 EUR

Lot Details

Description

Property from an Important Private Collection

Statue agenouillée, Senufo, Côte d'Ivoire


haut. 30 cm ; 11 ¾ in


Senufo kneeling Figure, Côte d'Ivoire

Merton D. Simpson, New York, ca. 1950

Collection Renee & Chaim (1902-1991) Gross, New York, acquis au précédent avant 1960

Sotheby's, New York, The Sculptor's Eye: African and Oceanic Art from The Renee and Chaim Gross Foundation, 15 mai 2009, n° 25

Collection privée importante, acquis lors de cette vente

Rubin A., The Sculptor's Eye, Washington, D.C., 1976 : n° 10b, reprod. p. 1.

Roberts W. M. and Nooter N. I., African Art in American Collections, Washington et Londres, 1989 : fig. 167, pp. 118-119.

Par Dr. Till Försters

Professeur d'anthropologie sociale à l'Université de Bâle


Style et questions de genre dans la sculpture anthropomorphique sénufo


Dans l'art sénufo, le style est intimement lié aux ateliers. En effet, les sculpteurs sénufo se forment en leur sein et en reproduisent le style - mais il est difficile, souvent même impossible, de situer lesdits ateliers dans des lieux géographiques précis. Pour comprendre le style dans l'art sénufo, il faut examiner attentivement les espaces même des ateliers et la capacité d'action individuelle des artistes lorsqu'ils travaillent selon les conventions stylistiques. Une analyse approfondie permet d'éviter les idées occidentales préconçues sur la manière dont l'art sénufo, et plus généralement l'art africain, s'articule autour du style et du genre : dans de nombreux catalogues d'exposition et livres d'art, des caractéristiques stylistiques spécifiques, telles que les corps étirés ou plantureux, les ventres minces ou rebondis, sont attribuées à des ateliers et à leur positionnement au sein d'un continuum dans une région étendue. Ces variations sont censées correspondre à des lieux placés sur une carte imaginaire - tout comme les « groupes ethniques et les centres de style » étaient autrefois considérés comme les perles enfilées sur un collier destiné à embellir le continent. Ce genre d'images ne correspond pas aux réalités complexes du terrain. En outre, cette statuette ne répond pas aux critères habituels des amateurs d'art qui s'attendraient à ce qu’un personnage sénufo se tienne debout et qu’il ait des jambes plus courtes. Alors, comment les sculpteurs Senufo en sont-ils venus à produire une œuvre d'art aussi exceptionnelle ?


Comme beaucoup de leurs voisins, les sculpteurs sénufo apprennent et travaillent principalement au sein d'ateliers. Par conséquent, la formation et la diffusion des styles reposent sur les interactions entre les membres d'un même atelier. Cependant, ceux-ci ne sont pas - comme on pourrait le supposer à la vue de leurs homologues médiévaux ou modernes en Europe par exemple - des institutions liées à un ancrage physique. Les ateliers chez les Sénufo et nombre de leurs voisins constituent plutôt un espace social, qui peut s'étendre sur un groupe de villages situés à plusieurs heures de distance les uns des autres, voire à plusieurs jours à pied ou à vélo.


Les artistes, et notamment les sculpteurs, commencent généralement à apprendre leur métier dans l'atelier le plus proche du village où ils ont été élevés. Les ateliers ont une structure centrale, généralement dans le quartier du village où vivent la plupart de leurs membres les plus âgés. Le plus souvent, les jeunes sculpteurs ont des liens de parenté étendus avec eux et font leurs gammes avec d'autres jeunes garçons et hommes du même groupe d'ascendance. Un atelier typique est articulé autour d'un abri circulaire composé d'un toit de chaume sur des piliers en bois sans murs. Il peut facilement réunir entre cinq et dix apprentis et un nombre équivalent de sculpteurs confirmés. Les plus jeunes sont des adolescents, les plus âgés ont la vingtaine, la trentaine, ou, s'ils sont « vraiment vieux », la quarantaine. Plus un sculpteur vieillit et plus il est expérimenté, plus il est susceptible de travailler dans un abri de même type mais à usage personnel et plus proche de son domicile. Ces abris individuels sont souvent plus petits que ceux qu'utilisent les autres sculpteurs, mais ils n’en sont pas très éloignés car ceux-ci - les kùlíbèlè en langue Senari, parlée par les Sénufo - appartiennent à des lignées différentes de celles des agriculteurs majoritaires et vivent dans des quartiers qui leur sont propres. Ainsi, ces abris plus petits appartiennent toujours à l'atelier en tant qu'espace où les sculpteurs travaillent. Pour pouvoir apprendre la sculpture, il faut être membre d'une lignée de sculpteurs par la naissance. Les quartiers des sculpteurs étant - jusqu'au lancement des travaux d'infrastructure routière modernes - des agglomérations compactes et densément peuplées, les sculpteurs plus âgés et expérimentés étaient toujours en mesure de communiquer directement avec ceux qui étaient encore en apprentissage ou qui n'avaient pas d'abri personnel.


Le fait de vivre et de travailler ensemble dans un environnement proche a été et, dans une certaine mesure, est toujours le fondement de la formation des styles d'atelier. Les jeunes sculpteurs apprennent en observant les artistes plus expérimentés, et ils bénéficient également de leurs enseignements. Le plus souvent, celui-ci ne prend pas la forme d'un cours au sens propre, il s'agit surtout de démonstrations en face à face pour démontrer la manière dont certains détails d'une sculpture doivent être réalisés. Parfois, les sculpteurs plus âgés utilisent également une technique que l'on pourrait qualifier d' « échafaudage » : ils saisissent alors les mains ou les bras d'artisans plus jeunes et mettent leur corps et leurs membres en mouvement pour leur donner une idée de la façon dont la gestuelle doit être accomplie. Les déclarations à caractère prescriptif sur la qualité d'œuvres spécifiques sont relativement rares. Les apprentis apprennent en faisant, et non en écoutant.


Les premiers objets qu'un jeune sculpteur réalise sont de petits éléments domestiques tels que des tabourets, des cuillères ou des bobines de fil, en fonction des besoins éventuels des clients du village concerné. Considérant qu’il s’agit là de pièces de débutants souvent un peu déformées et fabriquées avec une certaine maladresse, elles sont soit données gratuitement, soit vendues à très bas prix. À ce stade, les apprentis acquièrent une première forme de compréhension, encore approximative, de ce à quoi un certain objet doit ressembler. Les premiers critères sont la symétrie et les surfaces lisses. Ainsi, les tabourets doivent s’y conformer car la plupart des clients ne vont pas acheter des tabourets bancals, et les bobines de fil ne rempliront pas leur office si elles manquent de symétrie.


Les jugements normatifs poussés quant au style et à la qualité esthétique émergent lentement au fil des ans, lorsque les compétences des sculpteurs progressent. Tout comme l'apprentissage de la pratique gestuelle de la sculpture, ceux-ci sont inscrits dans les interactions quotidiennes au sein des ateliers. La plupart des sculpteurs ne font pas appel à un vocabulaire spécialisé pour formuler de tels jugements esthétiques. Seuls les artistes âgés et expérimentés qui communiquent régulièrement avec les clients peuvent décrire les caractéristiques liées à la qualité et au style. La plupart des déclarations à caractère prescriptif font généralement usage d’un lexique limité et élémentaire, notamment du mot ɲɔ, qui est souvent, mais incorrectement, traduit par « beau ». Étant donné que ni l'art ni les jugements esthétiques ne sont autonomes dans la culture sénufo, le terme se rapporte à la fois à l'utilité et au plaisir sensoriel. Il serait en fait plus juste de considérer les deux notions comme les deux faces d'une même pièce.

Cependant, le véritable enjeu de la conceptualisation d'un style est lié à la dimension physique des ateliers. L'atelier situé dans la ville natale d'une lignée de sculpteurs n'en est que le centre. Une fois les compétences nécessaires acquises pour réaliser des commandes de toutes sortes, les jeunes sculpteurs peuvent mettre leurs connaissances en pratique et quitter leur ville natale pour aller passer quelques années dans d'autres villes et villages. Certaines villes peuvent se trouver plus loin dans la même région, certains sculpteurs poussent plus avant encore, par exemple dans des endroits où ils espèrent rencontrer un public touristique. Grand Bassam et les zones touristiques importantes plus à l'est attirent certains sculpteurs, tandis que d'autres se contentent de se rendre dans des villages situés à 30 ou 40 km de chez eux.


Dans chaque ville, les jeunes sculpteurs peuvent rester quelques mois, voire un an ou deux, pour y gagner leur vie quand aucun autre artisan n’est présent pour y offrir ses services. Ils assurent alors le remplacement de toutes sortes d'objets domestiques jusqu'à ce que la demande soit satisfaite. Bien entendu, les sculpteurs peuvent également remplacer des objets plus précieux, notamment des figures anthropomorphes. Elles coûtent plus cher que les ustensiles habituels et le petit mobilier que les foyers locaux ont coutume de posséder.[1] Bien plus que des objets domestiques, les figures anthropomorphes, et tout particulièrement les grandes statues, témoignent d'un style bien défini. Contrairement aux masques, qui doivent respecter certaines caractéristiques iconographiques ou refléter les attentes d'une clientèle touristique, les figures anthropomorphes laissent suffisamment de liberté à l'artiste pour travailler selon ses propres critères normatifs. Il peut alors essayer de mettre ses compétences à l'épreuve et de naviguer entre, d’une part, les différents modèles qu'il a appris de ses aînés dans sa ville natale, et, d'autre part, ce que ses clients peuvent trouver acceptable ou suffisamment intéressant.


Ces années passées sur les routes sont souvent l'occasion pour les sculpteurs de développer des variantes du style qu'ils connaissent déjà. Beaucoup s'en tiennent aux styles traditionnels, mais certains veulent continuer leurs recherches. Jouissant d'une plus grande liberté que lorsqu'ils sont dans l'entourage immédiat de leurs aînés, ils peuvent ainsi devenir des artistes originaux, tandis que d'autres s'appuient davantage sur les conventions des modèles établis. Ces sculpteurs devenus artistes se servent du style de leur atelier d'origine, c'est-à-dire de ce qu'on leur a enseigné lorsqu'ils étaient encore apprentis. Plus tard, lorsqu'ils ont profité de la liberté que procure le fait d'être loin de chez eux pendant une période plus longue, ils peuvent aller jusqu'à proposer d'autres variations et d'autres caractéristiques stylistiques. Ainsi, les particularités stylistiques d'un atelier donné ne sont pas liées à un lieu mais plutôt répandues dans la région où les jeunes sculpteurs se sont établis depuis un certain temps. Ceux qui ont cherché à tirer parti de la liberté relative d'un lieu éloigné peuvent créer des œuvres d'art qui prennent la forme de créations individuelles, encore plus ou moins liées au style de l'atelier qu'ils avaient assimilé dans leur jeunesse.


Certains sculpteurs restent indéfiniment dans un lieu qu'ils avaient d'abord pensé ne visiter que quelques mois. Les raisons en sont multiples : si le tourisme était encore un facteur économique en Côte d'Ivoire, les endroits situés le long de la côte et aussi sur certains marchés d'Abidjan étaient beaucoup plus attrayants que les villages reculés de l'intérieur du pays - même lorsque ces derniers étaient plus proches de l'ancien domicile du sculpteur. D'autres tombent amoureux d'une femme et préfèrent ne pas retourner sur leurs terres d'origine. Et d'autres encore veulent conjuguer la sculpture avec d'autres activités auxquelles ils ne pourraient pas s’adonner ailleurs. Si les sculpteurs sont moins ambitieux, le style de leur atelier d'origine reste la trame centrale de leurs œuvres - avec de légères variations, bien évidemment. Ceux qui reviennent une fois adultes et s'installent à nouveau dans les villes et les quartiers où ils ont été élevés retrouvent leur place chez eux. Plus ils sont âgés, plus ils sont susceptibles de bâtir des abris plus petits à proximité de leurs maisons, parfois même juste devant leur porte d'entrée. Il leur est ainsi plus facile de travailler dans une certaine proximité avec les autres tout en étant à même de se concentrer davantage sur leur propre travail, par rapport à ceux qui œuvrent ensemble sous de plus grands abris.


Ainsi, l'organisation géographique d'un atelier et le style de celui-ci apparaissent variables et fragmentés. Cela ne correspond pas à la représentation populaire de nombreux amateurs d'art africain selon laquelle chaque style peut être identifié en fonction d'un emplacement précis sur une carte. Ils sont plus définis en fonction des personnes qui les composent que d'un espace physique particulier. En outre, les sculpteurs pouvaient rencontrer des sculpteurs d'autres ateliers et échanger avec eux. A terme, il était tout à fait possible qu'un village donné possède des œuvres d'art ressemblant fortement à celles d'un lieu éloigné, alors que le village voisin pouvait arborer de nombreuses figures et statues d'un style d'atelier différent, réalisées par des sculpteurs venus d'un lieu proche. Grosso modo, les styles peuvent présenter une certaine spécificité régionale, mais plus on se penche en détail sur des localités particulières, plus l'image se nuance.


Les figures anthropomorphes en sont un bon exemple. Les sculpteurs – kùlíbèlè - utilisent un terme générique pour parler des statues et statuettes qui constitue un des genres les plus répandus de la statuaire sénufo. Ils les appellent des tugu (pl. tugubèlè). Cette catégorie englobe des sculptures de toutes tailles, allant de minuscules statuettes de cinq centimètres de haut à de lourdes statues semblables à des piliers de plus d'un mètre. La traduction littérale de tugu signifie « être du monde sauvage ». En français colonial, on les appelait génies de brousse, "bush spirits" en anglais. La signification précise est toutefois dépendante du contexte. Elle varie en fonction de la personne qui communique, de celle qui reçoit l’information et des circonstances. Pour les sculpteurs, toutes les statues anthropomorphes relèvent de ce terme - peu importe que les statues représentent des personnes vivantes, des ancêtres humains ou des êtres qu'aucun homme ou femme ordinaire ne peut voir. La forme, qui doit être celle d'un homme ou d'une femme, est essentielle dans le cadre de cet usage.


Pour les simples paysans, les tugubèlè sont des êtres nains qui vivent dans les profondeurs de la nature sauvage. Leur vie et leur apparence rappellent celle des humains, mais ils n'appartiennent pas à la même catégorie existentielle que les hommes et les femmes. Les tugubèlè sont beaucoup plus petits que les êtres humains, et certaines de leurs caractéristiques physiques les en différencient également. Ils vivent généralement en couple et font preuve d'une moralité sans faille. Ainsi, les tugubèlè servent souvent de conseillers aux humains qui ont le devoir de mener une vie modeste - tout comme ils le font eux-mêmes. S'ils agissent ainsi, il ne leur arrive rien de mal. Beaucoup d'hommes et de femmes ont des relations personnelles avec les tugubèlè, et c'est pourquoi ceux-ci étaient également appelés « esprits gardiens ». En tant qu'« esprits », ils disposent de lieux où ils sont chez eux, souvent au pied d'un arbre près d'un ruisseau ou dans un cours d’eau lent. Lorsqu'un lieu de ce type est identifié, les tugubèlè peuvent faire savoir à leurs possesseurs qu'ils s'attendent à ce qu'ils y construisent un sanctuaire et y effectuent régulièrement des sacrifices. En tant qu'êtres du monde sauvage, les tugubèlè ont quelques signes distinctifs, mais il est plus important que leurs statues soient reconnues comme des êtres ressemblant à des hommes - humanoïdes mais différenciés. Ainsi, leur forme et leur silhouette évoquent leurs caractéristiques fondamentales - être proches des humains mais ne pas en faire partie.


Les statues et statuettes des sculpteurs donnent à voir - mais sans jamais la représenter – leur personnalité imaginaire. C'est la pratique et l'usage qui définissent ce qu'« est » profondément une figure tugu. La forme et le style n'ont qu'une importance secondaire. Cependant, une fois que le caractère d'un tugu est mieux connu des populations, celles-ci veilleront à ce que sa statue reçoive le respect et l'attention qu'elle mérite. Des offrandes et des sacrifices - parfois un poulet ou un coq, peut-être même une chèvre - seront offerts. Le possesseur s'agenouille et donne aux êtres tout ce que ceux-ci peuvent saisir. Au sens figuré. Cette gestuelle évoque fortement notre personnage agenouillé, qui a peut-être été créé par un sculpteur durant son temps de cheminement, lorsqu'il a pu se livrer à des recherches sur des formes et des caractéristiques diverses. Cependant, cela doit remonter à un certain temps, probablement à la première moitié du 20e siècle. Le corps et les bras sont finement recouverts de traces sacrificielles. Mais la plante des pieds ne l'est pas, ce qui peut nous donner des indications sur la position dans laquelle étaient placés de tels objets. Ils devaient faire face à leur détenteur de sorte que les pieds étaient rarement en contact avec les offrandes rituelles.


La statue Sénufo agenouillée de la Collection Gross


Par ses qualités esthétiques et sa richesse iconographique, cette figure féminine agenouillée issue de la collection Gross, est une œuvre exceptionnelle. Mesurant 29,8 cm de haut, elle fut sculptée au XIXe ou au début du XXe siècle par un artiste Senufo inconnu. Bien que les figures anthropomorphes soient très répandues chez les Senufo, la posture agenouillée de cette sculpture est très rare.


Cette œuvre illustre le style typique des villages Fodombele (Fodonon) établis dans la région centrale du Sénufoland, au nord de la Côte d'Ivoire. La région est principalement peuplée de Sénoufo parlant le tyebara, lesquels ont également produit la plupart des œuvres d'art collectées sur ce territoire après la Seconde Guerre mondiale. À la fin des années 1940 et au début des années 1950, l’émergence d’un mouvement de renouveau religieux - le culte de Massa - a bouleversé la culture et la société Senufo. Les prêtres de ce culte ont incité les propriétaires de ces œuvres d'art à les abandonner en faveur du nouveau culte iconoclaste. Ce dernier pénétra également les villages habités par la petite minorité des Fodombele, qui parlaient un autre dialecte et conservaient une culture rurale avec des forêts sacrées, auxquelles très peu de Tyebara avaient accès. Les célèbres sculptures de Lataha, qui font aujourd'hui partie de collections éminentes, ont également été abandonnées à cette époque, avant d’être "redécouvertes" par un missionnaire, suscitant ainsi l’intérêt des marchands d’art qui se mirent à les collectionner.


Cette statue fut probablement collectée à la même époque et dans la même région. Son style est proche de celui de la figurine debout conservée au Musée Rietberg de Zurich (RAF 301, publié dans Goldwater 1964 : ill. 94, Phillips 1995 : 459, et Gottschalk 2002 : 98-99). Bien que le peigne représentant la coiffure soit légèrement plus grand, l'expression du visage est très similaire. Elle présente les mêmes mâchoires saillantes, la même bouche et les mêmes lèvres. La ligne fine et légèrement incurvée qui sépare les joues de la partie frontale du visage est également similaire à celle que les chercheurs actuels attribuent à l'atelier dit de Lataha.


Le style de cet atelier est également visible dans le traitement des bras et des mains. Les cicatrices ornementales qui figurent sur les joues et le haut des bras, cependant, n'appartiennent pas à la culture Fodombele. Comme les Fodombele n'avaient pas de sculpteurs, ils acquéraient leurs figures et masques en bois auprès de groupes Senufo voisins, en particulier les Kulibele, un autre sous-groupe de langue Tyebara spécialisé dans la sculpture sur bois. Aussi, les marques de scarifications se rattachent-elles sans doute aux pratiques culturelles propres aux Kulibele.


La posture agenouillée de la figure en fait un exemple unique de l'art Senufo. Tandis que la plupart des cérémonies et des rituels Senufo exigent des figures droites, le corps agenouillé et courbé vers l'avant est une position typique du travail quotidien. Par ailleurs, la figure est relativement grande pour un objet qui aurait pu appartenir à un devin, mais elle est aussi trop petite pour un objet du poro, la société secrètes des hommes. La figurine présente cependant des signes visibles d'utilisation, et sa fine patine indique une longue intégration dans les pratiques rituelles. Elle pourrait ainsi avoir fait partie de la société féminine sando'o, qui complétait le poro dominé par les hommes. Cette société secrète possédait un attirail qui n'était pas révélé aux hommes - ni par conséquent aux chercheurs -, ce qui pourrait expliquer pourquoi aucun autre exemple présentant une iconographie similaire n’ait été enregistré.


Merton D. Simpson a acquis la sculpture à la fin des années 1950, indiquant qu'elle a peut-être quitté le Senufoland à la même époque où les figurines de Lataha ont été collectées. L'âge des sculptures de Lataha, ainsi que de celle de Gross, est cependant plus ancien ; cette dernière remonte en effet au début du XXe, voire du XIXe siècle, à l’image de celles qui furent abandonnées en raison du culte de Massa.


[1]Aujourd'hui, les chaises et les tables produites par les menuisiers sont venus compléter ou même remplacer complètement les tabourets et autres meubles sculptés monoxyles.



By Professor Dr. Till Försters

Institute of Social Anthropology

University of Basel, Switzerland


Style and Genre in Anthropomorphic Senufo Sculpture


Style in Senufo art is related to workshops. Indeed, Senufo carvers learn and reproduce workshop styles – but it is difficult and often impossible to locate workshops in precise places. To understand style in Senufo art, it is necessary to carefully examine the spatial dimensions of workshops and the agency of the artists when they are working along stylistic conventions. A thorough analysis helps to avoid Western preconceptions of how Senufo and more generally African art relate to style and genre: In many exhibition catalogues and art books, specific stylistic features such as elongated or plump bodies, slender or roundish bellies are attributed to workshops and to their location along a continuum across a wider region. It is assumed that variations mirror places on an imaginary map – very much as ‘ethnic groups and centres of style’ were once seen as beads on a string that embellishes the continent. Such images do not correspond to the complex realities on the ground. This figure also does not meet the usual expectations of art connoisseurs who would expect a Senufo statuette to stand upright and to have shorter legs. So, how comes that Senufo carvers produce such an outstanding work of art?


As many of their neighbours, Senufo sculptors mainly learn and work in workshop settings. Accordingly, the formation of styles and their proliferation builds on the interactions between the members of a workshop. However, workshops are not – as one may assume when taking medieval or early modern workshops in Europe as an example – an institution tied to a physical space. Workshops among the Senufo and many of their neighbours are much more a social space, which may extend over a group of villages situated many hours or even days apart when walking or travelling by bicycle.


Artists such as sculptors usually begin to learn their craft in the nearest workshop of the village where they were brought up. Workshops have a centre, which is usually a structure in the neighbourhood of the village where most of its older members live. Most often, younger sculptors are related to them by extended kinship ties and acquire their skills together with other young boys and men of the same descent group. A typical workshop is centred around a circular shelter composed of a thatched roof on wooden pillars without walls. It can easily bring five to ten apprentices and the same number of elder sculptors together. The youngest will be teenagers, the elders may be in their twenties, thirties, or, if they are ‘really old’, in their forties. The older a sculptor gets and the more experienced he is, the more likely will he work in a personal shelter of the same type closer to his home. These shelters are often smaller than the ones that are used by the others, but they are not far away as sculptors, – kùlíbèlè in Senari, the language of the Senufo – belong to lineages apart from those of the majoritarian farmers and live in neighbourhoods of their own. So, such smaller shelters still belong to the workshop as a space where sculptors work. Learning to carve requires being a member of a sculptors’ lineage by birth. As the neighbourhoods of the sculptors were – until the beginning of modern road constructions – compact and densely inhabited settlements, older and experienced sculptors were still able to communicate directly with those who were still learning or who had no personal shelter.


Living and working together in proximity was and to some extent still is the foundation for the formation of workshop styles. Younger sculptors learn by watching the more experienced artists, and they are also instructed by them. Most often, these instructions do not adopt forms of literal teaching, they are mainly face-to-face demonstrations of how certain details of a sculpture should be made. Sometimes, older sculptors also use a technique that is best described as ‘scaffolding’: They then take the hands or arms of younger artisans and move their bodies and limbs to give them a feeling of how the movements should be executed. Predicative statements on the quality of specific pieces of work are comparatively rare. The apprentices learn by doing, not by listening.

The first objects a young sculptor produces are small household objects such as stools, spoons, or thread reels, depending on what possible customers in the respective village may need. As beginners’ workpieces are often a little distorted and inaccurately produced, they are either given away for free or sold at very low prices. At this stage, apprentices acquire a first, still rough understanding of how a certain object should look like. The first criteria are symmetry and smooth surfaces. In particular stools have to fulfil such criteria because most customers would not buy wobbling stools, and thread reels will not work if they lack symmetry.


Advanced normative judgements of style and aesthetic quality emerge slowly over the years when the skills of the sculptors improve. Very much as learning the bodily practice of carving, these judgements are embedded in the daily interactions within the workshops. Most sculptors do not make use of specialised vocabularies for such aesthetic judgements. Only old and well experienced artists who regularly communicate with customers may describe features of quality and style. Most predicative statements generally make use of very few basic terms, notably of the word ɲɔ, which is often but falsely translated as “beautiful”. As neither art nor aesthetic judgements are autonomous in Senufo culture, the term covers both usefulness and sensory pleasure. In fact, the two are best thought of as two sides of the same coin.


However, the real problem of conceiving style is the spatial character of workshops. The workshop in the hometown of a sculptors’ lineage is but the centre of it. After having acquired sufficient skills to carry out commissions of different kinds, young sculptors may take their knowledge to the road and leave their hometown to spend a few years in other towns and villages. Some of the towns may be in the wider region, other sculptors are travelling farer away, for instance to places where they hope to address a tourist audience. Grand Bassam and the big tourist resorts further East were attractive to carvers while some just went to villages some 30 or 40km away.


In each town, young sculptors may stay a few months, sometimes a year or two to make a living because there is no other artisan who can offer their services. They replace all sorts of household objects until the demand is satisfied. Of course, the sculptors will also replace more precious objects, among them anthropomorphic figures. They are more expensive than the usual utensils and the little furniture that local households used to have.[1] Much more than household objects, anthropomorphic figures, in particular larger statues, show a specific style. Unlike masks, which have to respect certain iconographic features or should mirror the expectations of a touristic clientele, anthropomorphic figures leave enough freedom to the artist to work along his own normative judgements. So, they may try to experiment with their skills and navigate between the models that they have learned from their elder relatives in their hometown and what their customers may find acceptable or interesting enough.


These years on the road are often a time when carvers develop variations on the style they already know. Many will stick to the older styles, but there are some who will want to explore more. Enjoying more freedom than in the immediate vicinity of their elders, they may become original artists while others rely more on the conventions of settled models. Such sculptors becoming artists will make use of the style of their home workshops, that is, of what they had been taught when they were still apprentices. Later, when they have enjoyed the freedom of being away from home for a longer time, they may try out more variations and other stylistic features. Hence, the stylistic particularities of a particular workshop are not bound to a place but rather spread in the area where young carvers had settled for some time. Those who tried to profit from the relative freedom of a distant place may create artworks that become visible as individual creations, still more or less loosely tied to the workshop style they had learned as young men.


Some sculptors stay forever in a place which they had thought to visit only for a few months. The reasons are manifold: When tourism was still an economic factor in Côte d’Ivoire, the places along the coast and also some markets in Abidjan were much more attractive than remote villages somewhere in the interior – even when the latter were closer to the sculptor’s former home. Others fell in love with a woman and preferred not to go back to their places of origin. And still others wanted to combine sculpting with other activities that they could not execute elsewhere. If the sculptors were less ambitious, the style of the original workshop remained the backbone of their work – with smaller variations, of course. Those who came back as mature men and settled again in the towns and neighbourhoods where they had been brought up found a place again back home. The older they were, the more likely they built smaller shelters close to their houses, sometimes directly in front of the entrance doors. It made it easier for them to work in some proximity to the others while being able to focus more on their own work, compared to those who were working together under the bigger shelters.

Hence, the spatial organisation of a workshop and its style in uneven and fragmented. It does not correspond to the popular imagination of many connoisseurs of African art that each and every style can be identified with a precise location on the map. They are connected to people rather than physical space. In addition, carvers could encounter sculptors from other workshops and exchange with them. Eventually, it was possible that a given village had artworks which resembled largely those of a distant place, while the neighbouring village had many figures and statues of a different workshop style, made by sculptors who had come from a place close by. Grosso modo, styles may have a blurred regional dimension, but the more one looks at the localities, the less clear the image is.


Anthropomorphic figures may serve as an example. The sculptors, the kùlíbèlè, use a generic term for anthropomorphic statues and statuettes, which constitute one of the widest genres of Senufo sculpture. The carvers call them tugu (pl. tugubèlè). The genre covers figures of all sizes, from tiny statuettes of only five centimetres to heavy pillar-like statues of more than a meter. Literally translated, tugu means “being of the wilderness”. In colonial French, they were called génies de brousse, “bush spirits” in English. The precise meaning is, however, situational. It depends on who communicates to whom and under what circumstances. For the sculptors, all anthropomorphic statues are covered by the term – regardless of whether the statues represent living persons, human ancestors, or beings that no ordinary man or woman can see. Central to this usage is the shape, which must resemble that of a man or a woman.


For ordinary farmers, tugubèlè are dwarfish beings, which live deep in the wilderness. They and their lives resemble that of humans, but they do not belong to the same existential category as men and women. Tugubèlè are much smaller than human beings, and they have a few physiognomic features that also make them different. They usually live as couples and have morals of the highest standards. Therefore, tugubèlè often serve as advisors to humans who should conduct a modest life – just as the tugubèlè do. If they do, nothing will happen to them. Many men and women have personal relationships to tugubèlè, and therefore, the tugubèlè were also called ‘guardian spirits’. As ‘spirits’, they have places where they are at home, often at the bottom of a tree close to a stream or in lazy water. Once such a place is identified, the tugubèlè may let their owners know that they expect them to build a shrine and to conduct regular sacrifices there. As beings of the wilderness, tugubèlè have a few personal features, but it is more important that their statues are recognised as manlike beings ­– humanoid but different. So, their form and shape point at their basic feature – being like humans but not being humans. 


The statues and statuettes of the sculptors’ present – but never represent – their imaginary character. Practice and use define what a tugu figure ‘is’. Form and style are of secondary significance only. However, once the character of a tugu is better known to the people, they will pay attention that its statue receives the respect and attention it merits. Offerings and sacrifices – a chicken or a rooster from time to time, maybe a goat – will be donated. The owner will kneel down and give to the beings whatever it can grasp. In a virtual sense. Such gestures look very much like this kneeling figure, which was perhaps created by a carver during his time of the road when he experimented with various forms and features. However, it must have been some time ago, probably in the first half of the 20th century. The body and arms are thinly covered with sacrificial traces. But the soles of the feet are not, which may point at the position of such figures. They had to face their owners so that the feet were rarely touched by ritual offerings.


The Senufo Kneeling Female Figure from the Gross Collection


The kneeling female figure from the Gross Collection is, by virtue of its quality and iconography, an extraordinary work of art. Measuring 29.8 cm high, it was created in the 19th or early 20th century by an unknown Senufo artist. Though anthropomorphic figures are widespread among the Senufo, the kneeling posture of this sculpture is very rare.

The sculpture shows the typical style of the Fodombele (Fodonon) villages in the central region of Senufoland in northern Côte d'Ivoire. The region is mainly inhabited by Tyebara-speaking Senufo, who also produced most of the artworks that were collected in the area after World War II. The late 1940s and early 1950s were a time when a movement of religious revival—the cult of Massa—rocked Senufo culture and society. The priests of the cult urged many owners of such artworks to abandon them in favor of the new and iconoclastic cult. They also penetrated the villages that were inhabited by the small minority of the Fodombele, who spoke another dialect and still maintained a rural culture with sacred forests, to which very few Tyebara had access. The famous sculptures of Lataha, now in major international collections, were also abandoned at the time and then "discovered" by a missionary and subsequently collected by art traders.


It is likely that this kneeling figure was collected around the same time and probably in the same region. The style of the figure, in particular its head and upper body, comes close to the one of the standing figure now in the Rietberg Museum, Zurich (accession no. 'RAF 301', published in Goldwater 1964: ill. 94, Phillips 1995: 459, and Gottschalk 2002: 98-99). Though the comb representing the hairdo is slightly bigger and more dominating, the facial expression is very similar. It shows the same protruding jaws, mouth, and lips. The fine, gently-curved line that separates the cheeks from the frontal part of the face is also similar to the one that present scholarship associates with the so-called workshop of Lataha.


The style of this workshop is also visible in the treatment of the arms. Though the lower arms and hands do not show the same grace and downward-bound shape of the most famous Lataha sculptures, they are still close to how the carvers elaborated the hands of their figures. The long and straight ornamental scars on the cheeks and also on the upper arms, however, do not belong to Fodombele culture. Since the Fodombele had no carvers, they ordered their wooden figures and masks from the neighboring Senufo groups, in particular from the Kulibele, another Tyebara-speaking subgroup, which specialized in wood carving. The Kulibele carvers possibly depicted what they were familiar with and added scarification marks representing their own cultural context.

The backward bend of the body and, in particular, the kneeling posture of the figure, make it a unique example of Senufo art. Almost all Senufo ceremonies and rituals demand upright figures, while the kneeling and forwardly-bent body is a typical position in daily work. Women often do fieldwork and housework in such postures. The figure is comparatively high for an object that might have been part of a diviner's ensemble, but it is also too small for an object of poro, the men's secret society. The figure, however, shows clear signs of use, and it has a fine patina that points to a long integration into ritual practices. It may have been part of the female sando'o society, which was a complement to the male dominated poro. This secret society had paraphernalia that were kept undisclosed to men, and later to researchers, which may explain why no other example with similar iconography was ever recorded.


Merton D. Simpson owned the figure in the late 1950s, which indicates that it may have left Senufoland around the same time the figures of Lataha were collected. The age of the Lataha figures, as well as of the Gross figurine, however, is much greater and seems to go back to the early 20th or even 19th century, as in the case of the other artworks that were given up because of the cult of Massa.


[1] Today, chairs and tables produced by carpenters have complemented or completely replaced stools and other furniture sculpted out of one wooden block.


References

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Förster, Till. 1997. Zerrissene Entfaltung. Cologne: Köppe.

_____. 2013. Work and Workshop. In: Sidney Kasfir and Till Förster (eds.); African Art and Agency in the Workshop, pp. 325–359. Bloomington, IN: Indiana University Press.

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Goldwater, Robert. 1964. Senufo Sculpture from West Africa. New York: Museum of Primitive Art.

Kjersmeier, Carl. 1935. Centres de style de la sculpture nègre africaine. Paris: Morcane.

Leuzinger, Elsy. 1972. Die Kunst von Schwarz-Afrika. Recklinghausen: Aurel Bongers.  

Willett, Frank. 1985. African Art. London: Thames and Hudson.