Un cabinet de curiosités bibliophiliques : de Dürer à Alechinsky

Un cabinet de curiosités bibliophiliques : de Dürer à Alechinsky

View full screen - View 1 of Lot 135. Souvenir du Rhin. [Vers 1855-1856.] Dessin original, signé en rouge et or. Avec : Les Burgraves, 1843.

Livres et Manuscrits des XIX & XXe siècles (lots 99 à 171)

Hugo, Victor

Souvenir du Rhin. [Vers 1855-1856.] Dessin original, signé en rouge et or. Avec : Les Burgraves, 1843

Lot Closed

June 22, 02:14 PM GMT

Estimate

12,000 - 15,000 EUR

Lot Details

Description

Livres et Manuscrits des XIX & XXe siècles (lot 99 à 171)


HUGO, VICTOR 

Souvenir du Rhin.

Dessin original en couleurs, signé. [Vers 1855-1856.]


MERVEILLEUX DESSIN INÉDIT.


Plume, lavis d'encre brune, rehauts de gouache blanche ou grise et d'or, gouache rouge, mine de plomb, sur papier vélin.

66 x 72 mm (contrecollé sur un petit feuillet de 114 x 117 mm).

Signé en bas à gauche "Victor Hugo" en lettres capitales, avec le prénom à l'encre rouge rehaussée d'encre dorée, le nom de famille à l'encre rouge ; titré par lui "Souvenir du Rhin" en bas à droite.

Dessin très frais. Petit point de colle au coin inférieur droit.


On distingue la silhouette d'un château surmontant une étendue d'eau.


Victor Hugo et le Rhin. Au faîte de sa gloire, venant d'entrer à l'Académie française, Victor Hugo se lance, pour se reposer de ses travaux, dans une série de voyages dans la région du Rhin, si chère aux romantiques : les trois voyages qu'il effectue entre 1838 et 1840 avec Juliette Drouet le mènent de Cologne à Heidelberg, de l'Alsace à Lausanne. Chaque soir, il fait un compte-rendu sous la forme d'un journal (lettres et dessins) qu'il envoie à sa femme Adèle ou à son ami le peintre Louis Boulanger, en vue d'une publication future. En 1842, il livre ses impressions rhénanes sous forme de lettres, peut-être fictives, dans Le Rhin, lettres à un ami. Les bourgs médiévaux, les châteaux hautains, leurs silhouettes mystérieuses, mais aussi les légendes noires des contrées qu'il traverse lui inspirent ses dessins à l'encre comme ils marquent sa production littéraire.


Pour dessiner, Hugo utilise son matériel d'écrivain : plume et encre avec, parfois, des rehauts de gouache blanche. Des épisodes polychromes "viennent interrompre cet œuvre d'ombre et de lumière", notamment fin 1855-début 1856, puis en 1863-1864 et en 1871 (M.-L. Prévost, p. 208). Notre Souvenir du Rhin date probablement du premier de ces épisodes, qui coïncident aussi avec la période durant laquelle il signe régulièrement de son nom en lettres capitales mêlant l'or et le rouge. On connaît un petit nombre de compositions dans lesquelles l'artiste joue ainsi avec les lettres de son nom, en capitales, qu'il intègre parfois à la composition. Fin 1854, il écrit des "cartes de visite" portant son nom ainsi dessiné ; recevant l'une d'elles, son ami Paul Meurice le remercie en ces termes : "votre splendide carte rouge et or. C'est ainsi que votre nom flamboie dans nos jours sombres pour l'avenir" (Du chaos dans le pinceau..., cat. 66). D'autres dessins de la même période présentent les mêmes compositions onomastiques (ibid., cat. 65), pratique qui débute vers 1852 (ibid, p. 343 : "ce dessin illustre la manière dont le nom du poète devient partie intégrante de la composition dès le début du séjour à Jersey").


Une carte de visite. Ce dessin relève de ce que le poète a appelé, durant ses années d'exil, ses "cartes de visite", avec son nom "transcrit en lettres d’imprimerie ou reproduisant la signature manuscrite, qui représente ostensiblement l’auteur : le figure, le met en scène et, ce faisant, le rend présent. Beaucoup sont des 'cartes de visite', éloquemment qualifiées ainsi par Hugo, qui se plaisait à en envoyer au nouvel an à des amis chers restés en France. Façon pour l’absent de rendre visite en personne à ceux dont il est séparé" (P. Georgel, p. 194). La calligraphie, ainsi que l'a remarqué P. Georgel, rappelle l’imagerie publicitaire de l'époque.


[Relié dans :]

HUGO, Victor. Les Burgraves. Paris, E. Michaud, 1843.

In-8 (225 x 140 mm). Bradel, percaline verte à coins, pièce de titre de veau rouge avec titre doré, tête dorée, couverture conservée, non rogné (Reliure de l'époque).

Petites taches sur la percaline.


Deuxième édition, parue l'année de la première édition et de la première représentation de la pièce. Certains ont parfois considéré que la période romantique s'étendait de la première d'Hernarni (1830) à celle des Burgraves (1843).


L'intrigue comme le décor des Burgraves trouvent leur inspiration dans les voyages du Rhin. La préface des Burgraves évoque le séjour de Victor Hugo sur les bords du Rhin, sa vie "dans ces lieux peuplés de souvenirs", à explorer "quelque ancien édifice démoli", "la montagne et la ruine" qu'il gravissait tôt le matin, le crépuscule qui "ôtait leur forme aux collines et donnait au Rhin la blancheur sinistre de l'acier" et "toutes ces formes, vaguement dessinées par la lune et par la nuit, dont la légende a fait des spectres." (p. XI-XIII).


Monté à l'époque sur onglet dans la reliure, le dessin y a été merveilleusement préservé.


Ce dessin sera introduit dans le catalogue raisonné des dessins de Victor Hugo par M. Pierre Georgel, en préparation.


Pour d'autres dessins intégrant le nom du poète en lettres capitales, cf. G. Audinet, Victor Hugo, dessins, cat. 145-149 (datés 1856-1857) ; Du chaos dans le pinceau..., cat. 52, 60, 65, 66, 69, 114, 116, 256 ; Victor Hugo, dessins visionnaires, cat. 37-40 ; Cet immense rêve de l'océan..., p. 34-35, 99, 110.


Cf. aussi : https://www.parismuseescollections.paris.fr/fr/maison-de-victor-hugo/oeuvres/projet-de-frontispice-pour-le-rhin#infos-principales


LITERATURE:

Gérard Audinet, Victor Hugo, dessins, Maison de Victor Hugo, 2020.

Éric Bertin, Chronologie des livres de Victor Hugo, 2013, n° 180.

Cet immense rêve de l'océan... Paysages de mer et autres sujets marins par Victor Hugo, Musée Victor Hugo, 2005.

Du chaos dans le pinceau... Victor Hugo dessins, sous la dir. de Marie-Laure Prévost, 2000.

Pierre Georgel, "Peint par lui-même : les 'cartes de visite' de Victor Hugo", Carnets de Chaminadour, n° 15, septembre 2020, p. 185-209.

Victor Hugo, dessins visionnaires, Lausanne, Fondation Hermitage, 2008.