[Manuscrit ─ Heures]

Livres d'heures (lots 1 à 9)

[MANUSCRIT ─ HEURES]

Livre d’heures [à l’usage de Paris].

En latin et en français, manuscrit enluminé sur parchemin.

France, Paris [et Bourges ?], vers 1500.

HEURES PEINTES ENTRE PARIS ET BOURGES, AUX ACCENTS LIGÉRIENS.

139 ff., précédés d’un feuillet de garde et suivis de deux feuillets de gardes, manuscrit lacunaire (collation : i12, ii9 (10-1, manque ii), iii9 (10-1, manque iii), iv10, v10, vi10, vii9 (10-1, manque iii), viii9 (10-1, manque vii), ix10, x10, xi10, xii10, xiii10, xiv8, xv2), écriture bâtarde à l’encre brune, texte sur 22 lignes, réglure à l’encre rouge pâle (justification : 82 x 48 mm), rubriques à l’encre rouge pâle, bout-de-lignes de bois écotés dorés ou décor bleu ou rouge foncé avec rehauts à l’or, initiales de 1 à 2 lignes de hauteur à l’or sur fonds brun, rouge foncé ou bleu, plus grandes initiales de 3 lignes de hauteur en bleu avec rehauts blancs sur fonds rouge avec décor floral ou de rinceaux d’or, introduisant les grandes divisions liturgiques, bordures enluminées dans la marge extérieure (parfois un feuillet sur deux ; parfois en continu, tous les feuillets), 12 petites miniatures entourées de bordures enluminées (sur trois côtés), 13 grandes miniatures inscrites dans des bordures enluminées sur fonds de couleur (bleu, or liquide, rouge foncé) ou fonds réservés avec motifs géométriques chargés de rinceaux, de feuilles d’acanthe de couleur, des motifs floraux, fruits et bestiaire ou grotesques, une bordure sur fond bleu avec un semé de grosses larmes ou gouttes stylisées (fol. 94).

Reliure de veau brun, dos à 4 nerfs cloisonné et fleuronné, roulette sur les coupes (restaurations, mors et coins), contregardes et gardes de papier marbré peigné, roulette sur les coupes, tranches dorées.

Dimensions de la reliure : 145 x 100 mm ; dimensions des feuillets : 138 x 90 mm.

Quelques frottements (en particulier, visage de saint Marc (fol. 18) ; visages de saint Prye et de la donatrice (fol. 138) ; quelques taches au parchemin. Manuscrit conservé dans une chemise de demi-veau brun, dos cloisonné et fleuronné, chemise insérée dans un boîtier cartonnage recouvert de papier marbré. 13 grandes et 12 petites miniatures attribuables à l’entourage du Maître de Philippe de Gueldre et à un second artiste (berrichon ? entourage du Maître de Monypenny ?).

La composition de ce manuscrit présente une sorte de fusion schématique et libre de compositions d'artistes ligériens ─ Jean Bourdichon mais aussi Jean Poyer ─ pratiquée par un groupe d'enlumineurs actifs à Paris mais aussi à Bourges. Dans le présent livre d’heures, un artiste parisien ou son atelier (Maître de Philippe de Gueldre) côtoie un autre artiste peut-être berrichon (?), rappelant certaines compositions du Maître de Monypenny, qui réalise les trois grandes miniatures des évangélistes illustrant les péricopes évangéliques (ff. 14v, 16, 18). Ce second artiste présente des points communs avec le Maître de Monypenny, dans ses compositions et figures contenues par exemple dans les Heures Vanderbilt (Yale, Beinecke Library, MS 436 ; calendrier à l’usage de Paris, usage liturgique de Rome, peint à Bourges) ou encore dans des Heures conservées à Grenoble, BM, MS. 1011 (“Livre d’heures du dauphin de France”).

Le Maître de Philippe de Gueldre est un artiste actif à Paris de 1500-1510, baptisé du nom de Philippe de Gueldre (1464-1547), duchesse de Lorraine, pour qui il peint en 1506 une Vie du Christ (Lyon, BM, MS. 5125). Il illustre des manuscrits de luxe tout en travaillant régulièrement pour le livre imprimé et notamment pour Antoine Vérard (actif entre 1485 et 1512 ; imprimeur parisien) pour qui il peint des frontispices. Son art trahit une influence des artistes de Bourges et il a été avancé que le Maître de Philippe de Gueldre avait collaboré avec des artistes berrichons tels le Maître de Spencer 6 (Voir Avril et Reynaud, 1993, p. 278). De plus amples recherches sont nécessaires autour du présent livre d’heures, mais signalons qu’une bordure avec un semé de grosses larmes (fol. 94) présente des similarités avec une bordures des importantes “Almanac Hours” (Maître de Monypenny) [Christie’s, Londres, 29 juillet 2020, lot 17].

Texte :

1-12v, Calendrier, en français, en or, rouge pâle et bleu, à l’usage de Paris (suit généralement le calendrier universel composite. 13-21v, Péricopes évangéliques, manque le commencement du péricope évangélique de saint Jean, texte restitué par un feuillet copié d’une main XVI^e ou XVII^e s., manque la miniature (ff. 13-13v). 22-23, Prière à la Vierge, manque le commencement et très certainement une miniature, incipit, “[…] matre eiusdem salvatoris nostri…”. 23v-75, Heures de la Vierge [manque le commencement de matines et de none avec les miniatures], à l’usage de Paris, avec matines (ff. 23v-41v, manque le début, rajouté par une main XVI^e ou XVII^e s. (f. 23v) ; laudes (ff. 42-50v) ; prime (ff. 51-55v), antienne, Benedicta tu ; capitule, Felix namque ; tierce (ff. 56-59) ; sexte (ff. 59v-62v) ; none (ff. 63-65), antienne, Sicut lilium ; capitule, Per te dei genitrix ; vêpres (ff. 65v-70v) ; complies (ff. 71-75). 75v-87v, Psaumes de la Pénitence [manque le commencement, rajouté par une main XVI^e ou XVII^e s. ; manque la miniature], suivis des litanies et prières (parmi les litanies, citons : Étienne, Martial, Laurent, Vincent, Maurice, Eustache, Georges, Eutrope, Sulpice, Léonard, Geneviève). On notera l’importance des saints Laurent, Étienne et Sulpice pour le Berry. 88-90v, Heures de la Croix. 91-93v, Heures du Saint-Esprit. 94-129v, Office des morts, à l’usage de Paris, avec les leçons suivantes : (1) Qui Lazarum ; (2) Credo quod ; (3) Heu michi ; (4) Ne recorderis ; (5) Domine quando ; (6) Peccantem me ; (7) Domine secundum ; (8) Memento mei ; (9) Libera me ; 130-137v, Suffrages aux saints, avec Michel, Jean-Baptiste, Jacques, Sébastien, Christophe, Etienne, Antoine, Laurent, Madeleine, Marguerite, Catherine et Barbe. 138-139, Prière (rajoutée, changement de main) dédiée à saint Prye, en latin, incipit, “O christi presul inclite / beate martir Preiecte [sic pour Proiecte]…” ; rubrique finale, en français : “La feste de monseigneur saint Pry est le jour de la conversion saint Paul en janvier et la translation est le .xii. jour de juillet”.

Il s’agit de Priest de Clermont ou Priest d’Auvergne (saint Projet ou Projectus), dont la fête est fixée au 25 janvier. Il est appelé en Île-de-France et en Picardie “saint Prix” : l’église du village de Saint-Prix (Val-d’Oise) conserve les reliques du saint.

Illustration :

13 grandes miniatures et 12 petites miniatures. La dernière grande miniature est peinte par une autre main et fut rajoutée peu après, de manière proche.

14v, Saint Luc et son symbole (bœuf), dessinant la Vierge (grande miniature). 16, Saint Mathieu et son symbole (ange), écrivant sur un phylactère (grande miniature). 18, Saint Marc et son symbole (lion), écrivant sur un phylactère (grande miniature). 42, Visitation (grande miniature). 51, Nativité (grande miniature). 56, Annonce aux bergers (grande miniature). 59v, Adoration des mages (grande miniature). 65v, Fuite en Egypte (grande miniature). 71, Couronnement de la Vierge (grande miniature). 88, Crucifixion (grande miniature). 91, Pentecôte (grande miniature). 94, Résurrection de Lazare (grande miniature). 130, Archange saint Michel et le diable (petite miniature). 130v, Saint Jean-Baptiste (petite miniature). 131, Saint Jacques (avec un bourdon de pélerin) (petite miniature). 131v, Martyre de saint Sébastien (petite miniature). 132v, Saint Christophe et l’Enfant Jésus (petite miniature). 133, Saint Étienne (lapidation) (petite miniature). 134v, Saint Antoine Abbé (petite miniature). 135, Saint Laurent (petite miniature). 135v, Sainte Madeleine (petite miniature). 136, Sainte Marguerite (petite miniature). 136v, Sainte Catherine (petite miniature). 137, Sainte Barbe (petite miniature). 138, Donatrice en prière devant saint Prye ou saint Prix ; grand encadrement architecturé ; armoiries au pied de l’encadrement architecturé (grande miniature).

Jusqu'au XV^e siècle, il y a un village appelé “Tour” ou “Thor”. La paroisse avait pour patron saint Fiacre, moine irlandais, fondateur au VII^e siècle d'un monastère à Meaux (Seine-et-Marne). Vers 1520, le village de “Tour” disparut au profit de “Saint-Prix”, nom d'un évêque de Clermont dont les reliques avaient été offertes à l'église en 1278 par Jean de Thor ou de Tour, trésorier du Temple à Paris. Le renom du saint, réputé soulager “les personnes impotentes des bras et des jambes”, entraîna le développement d'un grand pèlerinage à Saint-Prix. Il se déroulait en juillet autour de la fontaine où l'on plongeait les infirmes.

EXHIBITED:

Manuscrit copié pour un usage à Paris, d’après des éléments liturgiques (Heures de la Vierge et Office des morts, à l’usage de Paris). Toutefois on notera aux litanies l’inclusion de saints associés aussi à Bourges, en particulier Étienne, Sulpice et Laurent. Sur le plan stylistique trois des petites miniatures semblent proches de manuscrits berrichons. Quelques années après la première campagne d’enluminure, une propriétaire du début du XVIe siècle a fait rajouter deux feuillets avec une prière à saint Prye et une miniature la figurant agenouillée en prière devant le saint (fol. 138). Vêtue de rouge, elle porte un chapelet doré autour de la taille. Des armoiries (pour l’heure non identifiées) sont peintes dans la bordure inférieure et l’encadrement architectural doré n’est pas sans rappeler ceux que l’on trouve dans des manuscrits liés à Bourges.

Inscription à l’encre brune au verso de la première garde : “Chaffaudelle” (famille non identifiée).

LITERATURE:

Pour le calendrier : 

P. Perdrizet, Le calendrier parisien à la fin du moyen âge, Paris, 1933.

Drigsdhal, http://manuscripts.org.uk/chd.dk/cals/pariscal.html).