Un cabinet de curiosités bibliophiliques : de Dürer à Alechinsky

Un cabinet de curiosités bibliophiliques : de Dürer à Alechinsky

View full screen - View 1 of Lot 142. Exceptionnelle lettre illustrée et inédite à Mme Jules Guillemet. 1880. 3 p. Aquarelles originales (différentes pochettes) et portrait de Jules Guillemet.

Livres et Manuscrits des XIX & XXe siècles (lots 99 à 171)

Manet, Edouard

Exceptionnelle lettre illustrée et inédite à Mme Jules Guillemet. 1880. 3 p. Aquarelles originales (différentes pochettes) et portrait de Jules Guillemet

Lot Closed

June 22, 02:21 PM GMT

Estimate

30,000 - 50,000 EUR

Lot Details

Description

Livres et Manuscrits des XIX & XXe siècles (lot 99 à 171)


MANET, ÉDOUARD 

Lettre autographe signée, illustrée, à Mme Jules Guillemet.

Bellevue, jeudi [juillet 1880].


UNE "POCHETTE" DE MANET : LETTRE INÉDITE ILLUSTRÉE D'AQUARELLES.


3 pages in-8 (200 x 124 mm) sur un bifeuillet. Aquarelle et lavis d'encre ; portrait et écriture à l'encre noire, plume. Signée "E. Manet".


6 dessins, dont 5 à l’aquarelle et un à la plume : 5 pochettes et le portrait de son ami Jules Guillemet.


Manet et les accessoires de mode. Pour le peintre, la mode et ses accessoires sont loin d’être secondaires : ils représentent la vie moderne. Le motif de l’accessoire de mode est fréquent dans ses lettres : "Plusieurs de celles-ci renferment des références picturales à des éléments de la parure féminine : chapeaux, bottillons, sac à main, ombrelle, etc. Les chapeaux et le sac apparaissent comme des éléments de nature morte […] Ces petites aquarelles sont autant de manifestations légères d’un intérêt profond que nous relevons dans la conception plus sérieusement pensée de ses ‘grandes’ toiles" (G. Mauner, "Un arrosoir et quelques articles de mode", Manet, les natures mortes, Musée d’Orsay, 2001, p. 140).


[p. 1 et 3 : Les Aumônières]. Pour Mme Guillemet, Manet a dessiné à l’aquarelle cinq modèles d’aumônières, que Manet appelle pochettes, de formes et de couleurs variées, lui demandant de choisir le modèle qu’elle souhaite : il lui rapportera le modèle qu’elle désire d’un prochain passage à Paris :

"Bellevue, Jeudi

Très bien choisie, la brioche. Je ne l’ai [pas] réussi [sic] hier je la recommencerai aujourd’hui. J’irai à Paris probablement ces jours-ci et je vous apporterai en échange un rose, un jaune, ou un bleu à votre goût. Ecrivez-moi ce que vous voulez et la forme ; écrivez-moi ce que vous vouliez. J’irai vous demander à déjeuner ce jour-là. Ce n’est pas gentil de nous avoir fait faux bond mardi. [...] 

Amitiés,

E. Manet".


Cette lettre suit une autre lettre inédite (voir lot 141), écrite après une visite de ses amis à Bellevue, puisqu’il avoue n'avoir pas réussi la brioche "hier". Et elle précède probablement une autre lettre, écrite vers la fin juillet 1880 :"je ne pourrai pas aller demain à Paris […] vous n’y perdrez rien j’enverrai la pochette à votre adresse et je tiens à l’acheter moi-même étant sûr de le faire à votre goût" (Manet and Modern Beauty, n° 39, p. 297).


[p. 2 : Portrait de Jules Guillemet]. Dessin à la plume, décalque d'un autoportrait du mari de sa correspondante : "Voilà Jules dessiné par lui-même je le décalque avec tout le soin possible".


La lettre est montée en tête d'un volume in-8 (248 x 160 cm). Bradel demi-vélin, pièce de titre en maroquin havane, titre doré, couverture conservée (Reliure du début du XXe siècle). Rousseurs éparses, dos un peu passé.

Ce volume contient ces trois études sur Manet :


BAZIRE, Edmond. Manet. Paris, A. Quantin, 1884.

Édition originale de la première biographie de Manet, publiée quelques mois après la mort de l'artiste par son grand ami.

Elle est illustré de 2 gravures originales de Manet L'Odalisque couchée et La Convalescente (M. Guerin, n° 64 et 65, celle-ci en 3e état), de 3 eaux-fortes d’après Manet par H. Guérard, de 6 héliogravures d’après Manet, d'un facsimilé d'une lettre à Mme Guérard et de nombreuses autres illustrations.


BIEZ, Jacques de. Édouard Manet. Conférence faite à la salle des Capucines le mardi 22 janvier 1884. Paris, Ludovic Baschet, 1884.


PÉLADAN, Joséphin. "Le procédé de Manet d’après l’exposition de l’École des Beaux-Arts", L'Artiste, février 1884, p. 101-117.


Ces trois études sur Manet ont paru l’année suivant celle de sa mort. Les textes de Bazire et de Péladan sont chacun précédés d’un portrait de leur auteur (tirages argentiques d’époque, 146 x 103 cm, contrecollé sur une page avant le texte). Figurent aussi dans le volume un portrait de Manet (bois gravé, sur papier de Chine) et une reproduction du dessin de son Polichinelle (p. [13] et 14 d’une revue non identifiée, contrecollée et dépliante, déchirure à la pliure).


Nous remercions Mme Juliet Wilson-Bareau et M. Samuel Rodary pour les renseignements qu'ils nous ont aimablement communiqués.


PROVENANCE:

Une note manuscrite insérée dans le volume (voir reproduction) permet d'établir ces provenances :


Mme Jules Guillemet (1850-1913), destinataire de la lettre. On ne peut savoir si elle a gardé sa lettre après son divorce en 1888, avant de se remarier en 1906 et de mourir en 1913.


Stchukine (d'après la note manuscrite dans le volume).

Il pourrait s’agir d’Ivan Stchoukine (1869-1908), frère du grand collectionneur Sergueï Stchoukine (voir Icônes de l'art moderne. La collection Chtchoukine, Fondation Vuitton, 2016-2017), qui s’établit en France en 1893. Dandy, séducteur, érudit, il possède une riche bibliothèque dont ses amis peuvent profiter à loisir. Il se défait de sa collection de tableaux impressionnistes, qui l’ennuient, pour se tourner vers les maîtres anciens espagnols. En 1905, il voyage en Espagne avec Ignacio Zuloaga et Renoir, et rapporte des tableaux attribués à Goya ou Zurbarán, collection qu’il vend en partie en 1907. Son train de vie dispendieux contribue à sa fin tragique et théâtrale : en janvier 1908, il réunit son cercle d’amis pour le nouvel an russe et leur propose de leur donner ou d’acheter pour une somme modeste ses tableaux espagnols, avant d’être retrouvé mort le lendemain. Surpris, ses amis découvrent alors les énormes dettes qu’il avait contractées.


Collectionneur non identifié, qui a reçu le volume et les deux lettres de Stchukine (toujours d’après la note jointe). Il s’agit peut-être de Plácido Zuloaga (1834-1910), dont les relations avec Ivan Stchoukine, semblent bien attestées. Un tableau attribué à Goya qui fit partie de leurs collections respectives, d'abord à Zuloaga, puis à Stchoukine (A Catalogue of Painting i the Collections of Mr and Mrs Charles P. Taft, 1920, p. 89).


Vente à Drouot (après juillet 1910, Paris ; le volume aurait été acquis après la mort de P[lácido] Zuloaga).


Valentina Zuloaga (ex-libris gravé par son mari), belle-fille de Plácido Zuloaga et épouse du peintre Ignacio Zuloaga (1870-1945). Proche d’Ivan Stchoukine, dont il réalise en 1899 un portrait (Musée de l’Ermitage), Ignacio Zuloaga l’a accompagné, en Espagne en 1905.


Maria Rosa Suárez Zuloaga, nièce d’Ignacio Zuloaga.


LITERATURE:

Aglaé Achechova, "Aux origines du fonds russe de la BULAC : le don ultime du mystérieux M. Stchoukine. Partie 1", 5 mars 2018, voir https://bulac.hypotheses.org/5883.


Françoise Cachin, ‎Manet, lettres à Isabelle, Méry et autres dames‎. ‎Paris, Arts et métiers Graphiques, Centre Georges Pompidou, Flammarion, Herscher, Skira,1985.


Arnauld Le Busq, Manet, lettres illustrées, Paris, Bibliothèque de l’image, 2002.


Leah Lehmbeck, "‘L’Esprit de l’atelier’: Manet’s Late Portraits of Women, 1878–1883" in Manet, Portraying Life, London, Thames and Hudson, 2012.


Manet 1832-1883, Paris, Grand Palais, 1983.


Manet and Modern Beauty, the artist's last years, Los Angeles, J. Paul Getty Museum et Chicago, The Art Institute of Chicago, 2019.


Manet, Les Natures mortes, Musée d’Orsay, 2001.