Apollinaire, Guillaume

Livres et Manuscrits des XIX & XXe siècles

APOLLINAIRE, GUILLAUME 

Calligrammes.

Paris, Mercure de France, 1918.

ÉDITION ORIGINALE AVEC UN MAGNIFIQUE ENVOI EN FORME DE CALLIGRAMME.

In-8 (228 x 140 mm). Broché, chemise et étui modernes.

Exemplaire très défraîchi, débroché, dos manquant, feuillets en partie effrangés, papier uniformément jauni.

Édition originale, illustrée d'un portrait de l'auteur par Pablo Picasso gravé sur bois par Jaudon. 

Exemplaire du tirage courant (n° 626).

Avec une correction autographe, que l’on retrouve dans plusieurs exemplaires de l'édition originale, p. 189 : "Poète honore-la / Souci de la Beauté", devenant : "Souci d’être parfait".

Envoi autographe signé, probablement inédit, du du 25 juin 1918, à Madame Tournaire, à l’encre noire, couvrant tout le premier feuillet de garde :

"A Madame Tournaire

Je vous fais des vers doux comme des mains de femme

Le poème promis Madame le voici

Mais l’ex-dono de mon livre ce l’est aussi

Et somme toute c’est un corps à plusieurs âmes

C’est un sonnet ce sont aussi des calligrammes

[sur une ligne concave, tracée au crayon :]

Celui de l’arc mortel de votre beau sourcil

[mots ou syllabes inscrits dans de petites étoiles, également dessinées au crayon :] Ou / les / C /i/eux / les / ét/oi/les / qui / revivent /aussi

Sur ce joyeux théâtre où l’on jouerait des drames.

Le temps s’attriste et fuit le matin meurt déjà

Ce matin d’un été plus mort que fin d’automne

Ce matin où tout seul un poète songea

En même temps à vos yeux un temps monotone

Au firmament stellaire et la triple beauté

N’est-ce dont point la vie et toute la clarté 

Guillaume Apollinaire

25 juin 1918".

Les cieux et les étoiles renaissant dans un joyeux théâtre, évoqués dans la seconde strophe, ne sont pas sans rappeler un vers du Prologue des Mamelles de Tirésias (créées en juin 1917) : "Il est grand temps de rallumer les étoiles". Ce sonnet en alexandrins, qui alterne des images de clarté et d'obscurité, d'affection et de solitude, est empreint d'une douce mélancolie et d’une poignante conscience d’une mortalité imminente.

Trépané, poumons abîmés, le poète-soldat n'avait plus que quelques mois à vivre.

Andrée Tournaire, née Louise Andrée Léa Klotz (1893-1980), était la belle-fille de l’homme d’affaires et collectionneur d’art André Level, correspondant et ami d’Apollinaire, qui avait ouvert une galerie d’art rue de la Boétie à Paris, avec son associé Jean Tournaire qu’Andrée épousa en mars 1918. La jeune Andrée se trouva au contact de nombreux artistes d’avant-garde soutenus par son beau-père, comme Modigliani, Matisse, Derain, Dufy, Rouault ou Picasso qui devait lui dédier d’ailleurs, en juillet 1918, un collage cubiste.

Apollinaire adressa à Mme Tournaire un autre envoi-calligramme sur un exemplaire de Perceval le Gallois (voir lot suivant).

LITERATURE:

Absent de Correspondance générale, III : Lettres non datées, envois..., éd. V. Martin-Schmets, Champion, 2015.

Cl. Debon. "Calligrammes" dans tous ses états. Calliopées, 2008.

P. Read. Apollinaire. Lettres. Calligrammes. Manuscrits. Textuel - Bnf, 2016.