De la précieuse bibliothèque Jorge Ortiz Linares
De la précieuse bibliothèque Jorge Ortiz Linares
Lettre autographe adressée au Maréchal de Luxembourg. Marly, le 2 août [1693].
Auction Closed
December 14, 05:51 PM GMT
Estimate
8,000 - 12,000 EUR
Lot Details
Description
Racine, Jean
Lettre autographe signée adressée au Maréchal de Luxembourg
À Paris, le 2 août 1693
MAGNIFIQUE ET RARE LETTRE AUTOGRAPHE SIGNÉE DE JEAN RACINE ADRESSÉE AU VAINQUEUR DE LA BATAILLE DE NEERWINDEN (29 JUILLET 1693), LE MARÉCHAL DE LUXEMBOURG.
LE POÈTE ET HISTORIOGRAPHE DÉCRIT LES RUMEURS DE LA COUR, DE MARLY ET LE BRUIT DU TRIOMPHE.
UNE DES TROIS LETTRES DE RACINE AU MARÉCHAL DE LUXEMBOURG QUE L'ON CROYAIT PERDUES.
Chacune des lettres est vendue séparément (voir aussi lots 77 et 78).
4 pp. in-4 (225 x 165mm), quelques taches d’encre.
“En attendant que nous soyons instruits par vous-même du détail de votre victoire, trouvez bon, Monseigneur que je vous dise qu’elle est regardée ici comme la plus grande et la plus héroïque action qui se soit passée à la guerre. Vous avez vaincu non seulement des ennemis fort braves et fort aguerris, mais même des ennemis qui combattaient en désespérés, et qui se voyaient dans la nécessité ou de faire une défense extraordinaire ou de voir périr toute leur armée. Je vois bien que c’est ce qui a causé cette opiniâtreté avec laquelle ils vous ont disputé leurs retranchements, et qui vous a obligé de donner sept batailles pour une. Mais, Monseigneur, le scrupule me prend d’oser parler devant vous de choses si élevées au-dessus de moi.
Je ferai mieux de vous raconter simplement ce que j’en ai ouï dire au Roi même. Il ne parla d’autre chose tout hier. Il répéta plusieurs fois que c’était une grande, une glorieuse action. Il parut vous savoir un fort bon gré d’avoir fait autant respecter son Infanterie à ses ennemis qu’ils respectaient déjà sa Cavalerie. Il loua extrêmement et se fit un plaisir d’expliquer vos marches depuis la prise de Huy, et parlant du nombre des morts, il dit que ces grandes actions ne s’exécutaient point sans qu’il en coûtât aux particuliers. Je lui entendis de fort bon cœur : “je voudrais qu’il me vint d’Allemagne une pareille nouvelle”. Enfin, il lut quatre fois en public la lettre que vous lui écriviez par M. d’Artagnan, aussi noble dans sa simplicité aussi belle que l’action même.
Madame de Maintenon, entre autres, m’en parut fort touchée, et la loua extrêmement. Je la retins par cœur et j’en charmai hier Madame la Princesse de Conti et aujourd’hui Mr Despréaux qui prétend bien comme moi que l’histoire n’en doit pas perdre une syllabe. Tous ceux qui, ce jour-là, étaient à Marly, je dis même les plus avides louangeurs, se récrièrent aussi bien que Sa Majesté sur la grandeur de cette action, et je fus assez aise de voir vos ennemis défaits aussi bien que ceux du Roi. Je vous envoie une lettre de Mr le Comte de Toulouse, qui me fit l’honneur de me choisir entre tous vos serviteurs pour me la confier. Elle est accompagnée de celle de Mr d’Ô, son Gouverneur. Mr de Cavoye m’a dit de vous mander que vos victoires devenaient trop fréquentes et épuisaient son éloquence, qu’il fallait que vous lui donnassiez le temps de respirer et de retrouver de l’esprit.
J’oubliais de vous dire que le Roi a dit à Mr le Prince devant tout le monde que vous aviez sauvé la vie à Mr le Duc en lui faisant prendre des armes malgré lui. Vous jugez bien que Sa Majesté a dit beaucoup d’autres choses que je ne puis pas avoir entendues. Mais, quoi qu’il en soit, je puis vous assurer que je ne l’ai jamais vu si content.
Il est présentement dans de justes inquiétudes pour ce qui se sera passé en Allemagne, et Dieu veuille, comme il l’a dit lui-même, que les nouvelles soient aussi bonnes de ce côté-là que celles qui lui sont venues de vous.
Pardonnez une si longue lettre à la joie que vous m’avez causée, et à l’extrême intérêt que je prends à votre gloire qui me semble tous les ans ne pouvoir plus croître et qui croît pourtant tous les ans”...
PROVENANCE : Antoine Eugène Minoret (1816-1891) — Président Robert Schuman (1886-1963 ; sa vente, Précieux autographes composant la collection du Président Robert Schuman, Paris, 4 et 5 mars 1935, exp. Cornuau et Castaing, n° 250, acquis par Pierre Berès pour 19.249FF)
François-Henri de Montmorency-Bouteville, duc de Piney-Luxembourg (1628-1695) est fait maréchal de France en 1675. Il est l’un des plus brillants chefs de guerre de Louis XIV, entré dans l’histoire sous son surnom de Tapissier de Notre-Dame. Sa victoire de Neerwinden, le 29 juillet 1693, contre les armées du roi d’Angleterre, Guillaume d’Orange, fut avec un total de 28.000 morts l’une des plus meurtrières des guerres de la Ligue d’Augsbourg. Racine, ici, n’est plus poète. Sa merveilleuse langue s’est mise au service du pouvoir puisqu’il est avec Boileau devenu historiographe de Louis XIV. Il cite d’ailleurs Boileau qui prétend, avec lui, que devant les différents récits d’une telle victoire “l’histoire n’en doit pas perdre une syllabe”.
À propos de ces trois lettres, J. Lesaulnier écrit dans sa publication de la Correspondance de Jean Racine : “Conservées ensemble peut-être dans la famille du maréchal, elles ont été vraisemblablement mises en vente par la suite. La publication d’Eugène Minoret, qui nous les a révélées en 1884, paraît avoir été tenue sous le boisseau pendant près de cent trente ans. Depuis cette date en effet, les trois lettres de Racine à Luxembourg, n’ont été à aucun moment ni commentées, ni même répertoriées” (pp. 430-431). La première, celle du 2 août 1693, avait pourtant figuré dans le catalogue de la vente de la très remarquable collection du président Robert Schuman en 1965.
BIBLIOGRAPHIE
Jean Racine, Correspondance, éd par J. Lesaulnier, Paris, 2017, n° 138 — A. E. Minoret, Trois lettres inédites de Jean Racine (1693), Paris, 1884
Magnificent and rare autograph letter signed by Jean Racine addressed to the victor of the Battle of Neerwinden (July 29, 1693), Maréchal de Luxembourg.
The poet and historiographer describes the rumors of the court, of Marly and the sounds of triumph.
One of the three letters from Racine to Maréchal de Luxembourg: astonishing discovery of the letters that were thought to be lost.
Excepcional carta autógrafa, firmada por Jean Racine, dirigida al vencedor de la Batalla de Neerwinden (29 de julio de 1693), el Mariscal de Luxemburgo.
El poeta e historiador describe los rumores de la corte, de Marly y el estruendo del triunfo.
Una de las tres cartas de Racine al Mariscal de Luxemburgo: curioso redescubrimiento de las cartas que creíamos perdidas.