Proust, Marcel

Proust, Marcel

Les Plaisirs et les Jours.

Paris, Calmann-Lévy, 1896.

In-4 (190 x 200 mm). Demi-maroquin rouge à coins, dos à nerfs, tête dorée, couverture et dos (Canape). Exemplaire à toutes marges.

Couverture légèrement tachée, sinon très bel exemplaire.

PRÉCIEUX EXEMPLAIRE DE JOSÉ-MARIA DE HEREDIA, AVEC UNE AQUARELLE ORIGINALE DE MADELEINE LEMAIRE.

Édition originale, réunissant les nouvelles publiées depuis 1892 dans Le Banquet, La Revue blanche, Le Gaulois et L’Année des poètes.

Illustrée par Madeleine Lemaire de nombreux dessins, dont 14 hors texte, avec également 13 pages de partitions musicales de Reynaldo Hahn pour Les Portraits de peintres.

Préface d’Anatole France.

L’un des 1 500 exemplaires sur papier d’édition, non numérotés.

Envoi autographe signé et daté, sur un feuillet blanc :

"A Monsieur

José Maria de Heredia

hommage de reconnaissance et d’admiration

Son respectueux

Marcel Proust

Juin 1896".

L'une des critiques émises à l'encontre des Plaisirs et les Jours fut que s'y ressentait trop l'influence du parnassien Heredia.

Proust avait rencontré l'auteur des Trophées (1893), au faîte de sa gloire, dans le salon de la princesse Mathilde. Le poète sera le dédicataire des Portraits de peintres, partition de Reynaldo Hahn sur des poèmes de Proust en 1896, qui seront repris dans Les Plaisirs et les Jours : il est bien naturel que Proust lui en ait offert un exemplaire dès sa sortie en librairie (12 juin 1896).

Très proche des Heredia, qu'il invite à dîner à plusieurs reprises dans l'appartement de ses parents, Proust devient, en particulier, très ami avec l'une des filles de José-Maria de Heredia, Marie, future Mme de Régnier, qui, après l’élection de son père à l’Académie française, en 1894, fonde avec Proust une Académie plus jeune et plus divertissante, l’Académie Canaque, dont elle se proclame première reine et qui eut une existence éphémère (1894-1895). Citons cet envoi à Henri de Régnier sur Sodome et Gomorrhe II : "[...] je ne sais si sa majesté la Reine des Canaques désire un exemplaire pour elle seule. Je lui en enverrai un bien que la NRF me donne cela au compte-goutte..." (Bibliothèque Hubert Heilbronn, Sotheby's, 11 mai 2021, n° 301). Premier Canaque, le secrétaire perpétuel Marcel Proust se chargeait d’ordinaire des statuts et des harangues improvisées ; les autres membres de la "Canaquacadémie" furent les jeunes Henri de Régnier, Paul Valéry, Pierre Louÿs ou Léon Blum.

Il s'agit probablement du seul ouvrage connu avec envoi de Proust au poète.

Enrichi d’une aquarelle originale de Madeleine Lemaire, représentant deux tiges de chèvrefeuille, sur une page de garde, avec envoi autographe de l'artiste :

"à Monsieur J.M. de Hérédia

Bien affectueusement

Madeleine Lemaire".

Les 20 exemplaires de tête étaient tous rehaussés d'une aquarelle originale de Madeleine Lemaire, qui en a également réalisé d'autres pour les exemplaires du tirage courant offerts à quelques amis prestigieux, comme celui-ci.

Luxueux, d’un auteur encore inconnu, illustré par une artiste mondaine et préfacé par une gloire littéraire, l'ouvrage fut considéré comme un caprice d'un bas-bleu mondain. Il se vendit mal : son prix de 13,50 F pour les exemplaires courants contrastait absurdement avec celui pratiqué à l'époque dépassant rarement 3 F. Vingt ans plus tard, seuls 329 exemplaires sur un tirage de 1 500 exemplaires avaient été vendus... probablement en grande partie à l'auteur lui-même, qui les offrait souvent à ses relations. En vain, Proust tentera plus tard de faire rééditer son recueil dans une édition plus modeste, épurée des dessins de Madeleine Lemaire, afin d'en rendre la lecture plus accessible aux vrais lecteurs, l'édition de luxe n'ayant été lue que par des "gens riches qui ne lisent pas, et non nullement des lettrés de qui je souhaite être lu" (lettre inédite à Calmann-Lévy de décembre 1895, Bibliothèque littéraire Hubert Heilbronn, Sotheby's, 11 mai 2021, n° 285).

Provenance : José-Maria de Heredia (envois). ─ Armand Godoy (12 octobre 1988, n° 148).

Référence : R. Gallo, Proust latino, Buchet-Chastel, p. 233-258. ─ J. Suffel, "Marcel Proust et Marie de Régnier, reine des Canaques", Bulletin du Bibliophile, 1971, p. 379-381. ─ P.O. Walzer, "Marie de Heredia, Pierre Louÿs, Proust, Valéry et l'Album canaque", Versants : revue suisse des littératures romanes, n° 4, 1983, p. 137-141.