Livres et Manuscrits
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XIXe siècle
18 lettres à Ludovic Vitet, 1829-1859, évoquant notamment "Hernani" ou "Marion de Lorme"
Lot Closed
December 8, 01:46 PM GMT
Estimate
4,000 - 6,000 EUR
Lot Details
Description
XIXe siècle
Hugo, Victor
18 lettres autographes signéesà Ludovic Vitet.
Avril 1829 - mars 1859.
26 pages in-8 ou in-12 (de 213 x 133 à 165 x 115 mm), 14 lettres avec adresses autographes et marques postales. Signées de ses seules initiales ou de son nom complet.
Quelques plis marqués et minimes déchirures par bris de cachet ; parfois datées ultérieurement au crayon bleu.
TRÈS INTÉRESSANT ENSEMBLE, OÙ IL EST NOTAMMENT QUESTION D'HERNANI ET DE MARION DE LORME.
Ludovic Vitet (1802-1873) se destina à l’enseignement avant d’opter pour les lettres. Rédacteur au Globe ainsi qu’à la Revue française, à la Revue des Deux Mondes et au Journal des savants entre autres, il fut d’abord un fervent avocat du libéralisme et du romantisme naissant. Ayant pris parti pour une monarchie constitutionnelle, il poursuivit une fructueuse carrière politique jusqu’à l’avènement du Second Empire : inspecteur des monuments historiques, secrétaire général du ministère du Commerce, député de la Seine-Inférieure, conseiller d’État. Il abandonna la politique après le coup d’État de 1851, se consacrant à des études d’histoire, d’art et d’archéologie. De nouveau élu député de la Seine-Inférieure à l'Assemblée nationale en 1871, il meurt deux ans plus tard.
Victor Hugo recommande auprès de Vitet plusieurs amis dont le peintre Louis Boulanger, le républicain Antony Thouret emprisonné pour délit de presse, son beau-frère Paul Foucher ou encore la comédienne Mlle Georges qui se trouve dans une situation malheureuse.
Plusieurs lettres ou billets concernent Hernani, dont Vitet fut un partisan, ou encore Marion de Lorme.
- Ce dimanche [12 avril 1829]. Il recommande chaudement les lithographies de son ami Louis Boulanger, et plus particulièrement celle intitulée Les Fantômes, espérant qu’il voudra bien en dire un mot dans Le Globe.
- Ce jeudi soir 7 janvier [1830]. Il lui présente ses excuses pour un rendez-vous manqué mais espère pouvoir l’accompagner lors de son pèlerinage à la châsse de Saint-Taurin (Évreux) qui mérite bien deux dévotions.
- Ce 28 janvier [1830]. À propos de la publication de son poème "L’Aumône" [qui paraîtra dans les Feuilles d’Automne sous le titre "Pour les pauvres" et le 3 février 1830, dans Le Globe, sous le titre "Pour les pauvres ouvriers de Bapaume et de Decauville"]. "Il serait ridicule que je parusse avoir moi-même communiqué ces vers au Globe. On peut donner un sou, mais il ne faut pas s’en vanter. […] seriez-vous assez bon pour veiller à ce qu’il soit expliqué que c’est par une voie indirecte que ces strophes sont parvenues au Globe. Autrement il ne manquerait pas de gens pour dire que je n’ai fait cette espèce de bonne œuvre poétique (si pareille chose mérite un tel nom) que pour avoir occasion de la publier, et vous savez s’il en est quelque chose. Là est le péril, vous seriez bien bon de m’en préserver".
- Ce dimanche [21 février 1830]. Affirmant que la pièce de Dubois vaut mieux que la sienne, il se dit prêt à quitter son théâtre [où Hernani est en répétition] pour aller y assister en compagnie de Vitet. "Nous répétons bien aujourd’hui, mais on commence par le 5e acte et je ne voudrais pas que vous vissiez ma pièce ainsi. Elle me fait l’effet de ces rajas décapités auxquels les turcs mettent la tête entre les jambes".
- Ce 1er mars [1830]. Le jour de la 3e représentation d’Hernani. "Soyez assez bon, mon bien excellent ami, pour m’attendre à six heures ce soir. J’irai vous prendre et je vous ferai placer".
- Ce 2 mars [1830]. Il le prie de compléter l’adresse d’une lettre qu’il joint à ce billet. "J’ai lu votre petite note de ce matin. À vous comme un frère".
On peut lire dans Le Globe du 2 mars 1830 le compte rendu suivant : "Il s'est passé ce soir au Théâtre-Français une petite scène assez animée entre le public et la police. Après avoir excité dans le cinquième acte de Hernani les mêmes transports, le même enthousiasme qu'à la seconde représentation, Melle Mars a été rappelée à grands cris. Bientôt le rideau s'est levé, et l'on s'attendait à voir, comme samedi, paraître l'admirable Dona Sol ; mais c'est M. Faure qui s'en est venu seul faire des saluts au public, et lui parler d'ordres supérieurs reçus à l'instant même. On avait aperçu M. Mangin dans la salle : bientôt le bruit s'est répandu qu'il avait mandé le commissaire de police, et lui avait commandé ce petit coup d'autorité. Alors les cris du public sont allés croissant, et le pauvre commissaire s'est mis en devoir de prononcer une harangue ; mais il n'en était pas à l'exorde que, le rideau se relevant brusquement, Melle Mars, qui s'était décidée fort à propos de prendre sur elle de désobéir, est venue calmer l'effervescence de l'assemblée, et recueillir ses unanimes applaudissements".
- 6 mars [1830]. Il lui envoie une invitation, espérant que ce soit "un bon oui".
- 12 mars [1830]. À propos d’Hernani. "La voilà, mon ami, mon bon et excellent ami, cette pauvre tragi-comédie castillane que le parterre s’obstine à traiter à la française. Vous êtes du bien petit nombre des hommes qui l’ont comprise du premier coup".
- Dimanche 7 août [1831]. Il lui propose de venir "s’ennuyer" à la première de Marion de Lorme plutôt qu'ailleurs : "j’ai une stalle que je ne puis offrir à un meilleur ami".
- Ce mercredi soir [10 août 1831]. À la veille de la première représentation de Marion de Lorme. "J’espère que ceci vous parviendra à tems [sic], et je me recommande à vous. Ora pro nobis".
- 10 mars [1832]. Il se réjouit du prochain mariage de son ami et espère être présenté à sa future femme. "Je suis sûr qu’elle est tout ce que doit être une femme choisie par vous. Une chose seulement lui sera difficile, ce sera de vous aimer plus que vos amis ne vous aiment".
Vitet épousa la fille du banquier et industriel Scipion Périer, le 29 octobre 1832.
- Ce 8. Intervention en faveur d'un nommé Sevestre qui doit se rendre à Cette [Sète], via Montpellier. Hugo demande à Vitet [alors député de la Seine-Inférieure] de lui louer une place de voiture à moindre prix, de lui remettre sa feuille de route et une lettre destinée à M. Orville. "Eh bien le roi d’Angleterre est-il mort ? Si cela se trouve vrai, notre amie ne revient-elle pas ? Ecrivez-moi donc, peut-être votre lettre me parviendra-t-elle avant mon embarquement. Mon cher ami, il faut de la persévérance pour un tel parti. N’en parlons pas, car on resterait. Pauvre Paris, pauvre Italie, pauvres amis". Au verso annotation [de la main de Vitet probablement] indiquant l'adresse où joindre Sevestre à Rouen.
- Paris ce 28 mai 1834. Vitet étant alors secrétaire-général du ministère du Commerce, Victor Hugo lui demande d’intercéder en faveur de son ami Antony Thouret, emprisonné à Saint-Waast pour délit de presse. Il se porte garant de cet homme d’honneur et de probité "et républicain (inoffensif d’ailleurs)", qui souffre du manque d’exercice, notamment en raison d’un énorme embonpoint.
Opposant républicain à la Monarchie de Juillet, Antony Thouret (1807-1871), fondateur du journal La Révolution de 1830 puis collaborateur du journal La Réforme, avait été condamné en 1833 en raison de son engagement politique. À sa sortie de prison, il restera un proche de la famille Hugo et un correspondant fidèle du poète qui le soutiendra encore, en 1848, lorsqu'il sera élu député à l’Assemblée constituante de 1848.
- Paris 6 juillet 1834. Rappelant que sa fête est le 20 juillet, Hugo serait heureux de savoir que Vitet a pensé à ce pauvre Thouret : "Vous m’en feriez un bien beau jour, avec la grâce de Thouret".
- 8 novembre [1834]. Recommandation pour son beau-frère [Paul Foucher, journaliste, dramaturge et romancier] adressée à Vitet comme membre de la commission de l’imprimerie royale : "J’appuie la demande. Je ne le ferais pas, vous le savez, si je ne la croyais pas juste. Adieu. Je pense que vous m’aimez toujours un peu. Moi, je vous suis attaché du fond du cœur".
- 28 avril [1840]. Étant absorbé par l’achèvement d’un gros volume à paraître prochainement [Les Rayons et les Ombres], il charge Vitet de rappeler à Charles de Rémusat [ministre de l’Intérieur] ce qui est dû à Louis Boulanger : "la croix et une part dans les travaux actuels de la chambre des pairs. Ce n’est pas faveur, c’est justice. […] C’est un talent noble et franc comme nous les aimons, vous et moi".
Boulanger sera nommé chevalier de la Légion d'honneur le 5 mai suivant.
- 13 novembre [1840]. En faveur de la grande actrice, Mlle George, l’interprète de Lucrèce Borgia ou de Marie Tudor entre autres : "c’est un grand talent. Elle est frappée d’un grand malheur. […] On doit bien quelque chose à une femme qui a été quarante ans à la tête de son art. Je sais que vous lui voulez du bien ainsi qu’à M. Harel". Mis en faillite en raison de plusieurs pièces interdites de représentations, Charles Jean Harel, impresario et amant de Mlle George, avait dû abandonner la direction du théâtre de la Porte Saint-Martin au printemps 1840 et reprendre, en compagnie de la comédienne, une vie de tournées, en Europe et en province. Mlle George devait prendre sa retraite en 1849, à l’âge de 62 ans.
- Hauteville House 27 mars 1859. Il le remercie de la manière délicate et noble avec laquelle il a pris la défense des absents. "J’ai été pour ma part d’autant plus touché de ce que vous avez fait là, qu’il y a entre vous et moi de profonds dissentiments littéraires et politiques. Ces dissentiments n’ont point altéré ma vieille amitié pour vous, et je suis heureux que vous me donniez une occasion de vous le dire".
Victor Hugo fait ici allusion à la "Réponse au discours de réception de Victor de Laprade" que Vitet, académicien français depuis 1845, avait prononcé le 17 mars 1859 et dans lequel, sans pouvoir le nommer en raison des opinions politique du poète exilé, il avait associé Victor Hugo à Lamartine, en les comparant à des monarques d'égale puissance.