Ces monuments en pierre d’une grande qualité de sculpture participent à la commémoration de la fête du mérite appelée Owasa. Celle-ci est organisée dans la culture Nias par un homme ou une femme noble désireux de s’élever dans la hiérarchie et d’acquérir, au cœur de la société initiatique, un rang social supérieur. Après avoir été porté 9 fois autour de la place du village dans un palanquin en bois, le protagoniste ou le couple de protagonistes prenaient ensuite place sur ces sièges en pierre. Ce rituel rythmé par le passage entre le bois et la pierre, symbolise ainsi la renaissance de l’individu et sacralise sa nouvelle position sociale. Ces fêtes auxquelles les membres de la communauté d’une province entière pouvaient parfois être invités nécessitaient, en fonction de son faste et de son opulence, des mois d’organisation et étaient une façon de montrer la richesse de son organisateur. Les sièges cérémoniels osa osa entraient en scène au point culminent de la cérémonie. La beauté de leur détail et de leur qualité illustraient de surcroît la richesse du personnage au centre de l’événement et témoignaient ainsi de sa légitimité à prétendre au rang social suprême.
Les trois têtes d’animaux spectaculaires, éléments centraux de l’œuvre, représentent un animal mythologique appelés Lasara symbolisant l’unité des mondes naturel et surnaturel. Omniprésent dans l’iconographie Nias on retrouve des traces de cette créature à la bouche lippue sur une multitude d’objets créé dans l’île. Le Lasara est un animal chimérique portant les ramures d’un jeune cerf, des dents de tigre et un double bec rappellant le calao (gogowaya), ces références zoomorphes sont autant de signes ostentatoires de noblesse et d’affirmation du pouvoir dans la culture Nias. Cette créature composite, aux vertus protectrices puissantes et hautement redoutée par ailleurs, est présente sur les façades des maisons ou devant les habitations des nobles du village, ainsi que sur certains objets du quotidien comme les cannes ou les couteaux.
Ce siège osa osa provenant de chez Emile Delataille rend compte par l’incroyable maîtrise de sa sculpture et la présence de trois têtes de l’importance et des moyens de son commanditaire. Il adopte par ailleurs cette position naturaliste caractéristique, porté par six pieds légèrement fléchis qui accentuent le réalisme du mouvement. Rarissime exemple de ce type, ce siège cérémoniel atteste de la richesse du registre stylistique Nias, du talent des artistes locaux et de l’opulence de toute une classe dirigeante.