Bibliothèque littéraire Hubert Heilbronn
Bibliothèque littéraire Hubert Heilbronn
2 lettres autographes signées à Max Jacob, l'une illustrée. 1921-1922.
Auction Closed
May 11, 05:00 PM GMT
Estimate
3,000 - 5,000 EUR
Lot Details
Description
Cocteau, Jean
Deux lettres autographes signées à Max Jacob, l'une illustrée. Le Lavandou, 6 juillet 1922 et [Versailles] 4 juillet 1926.
Une page in-4 chacune (284 x 224 et 270 x 207 mm). La première signée "Jean Cocteau", la seconde "Jean". Marges de la première lettre légèrement effrangées.
TÉMOIGNAGE DE LA RELATION INTENSE ENTRE LES DEUX ÉCRIVAINS.
Écrite lors du long séjour au Lavandou en compagnie de Raymond Radiguet, qui corrige alors les épreuves du Diable au corps. Cocteau décrit à son cher Max les plaisirs de vivre à la campagne. "La laideur est vite une épouse qui fatigue des plus belles aventures et j’aime la moindre villa 'genre cimetière turc’ du Lavandou. Je connais les joueurs de boules. Je m’incline sur le cochonnet. On n’épuise jamais le mystère". Il décrit le cas d’une "tapette effrayante" qui traverse le village de Bormes en robe de velours, peinte comme la baronne et criant des ordures avec la voix consacrée, mais que tous les habitants trouvent "gentil". La dame qui recoud leurs chemises est "ravie" de ce petit, qui lit de la poésie et dont la mère est si belle qu’elle a été demandée en mariage par "l’Eau de Gorge (Lloyd George)". Il cite ensuite les noms de certains qui déplaisent mais qui se plaisent entre eux : "Giraudoux, Marcel Proust, Morand — à qui la palme ? Vite Morand. Dandy empoisonné déclare Mme Aurel. Admirons-le sans réserve. C’est un classique, un vrai ! dit M. Marcel Boulanger […] Et nous ? et toi, cher divin Max, Henri Heine de France. Non, nous plantons des choux, nous commençons par les racines au lieu de commencer par les fleurs. Et selon la parole profonde de Radiguet : le curieux, c’est que, tout de même ils ‘réunissent’ parce qu’ils nous connaissent".
Au centre de la lettre, Cocteau dessine la silhouette d’un peintre, grand chapeau et pinceau à la main, assis sur un petit pliant, ainsi légendé : "on voit encore des peintres de ce genre aux environs".
Peu après la création d'Orphée au théâtre des Arts en juin 1926, Cocteau dit se cacher à Versailles. "La solitude consiste à vivre avec tes livres, toi et le cœur de ces amis tout court que Le Grix, dans un article de la R.H. [la Revue Hebdomadaire dirigée par François Le Grix] appelle 'mes amis fanatiques’. Je lui souhaite, ajoute-t-il des 'amis raisonnables’ — sous-entendu 'comme moi’ — c’est à dire de 'mauvais’ amis’ tout court". Quant à Orphée que Max Jacob n’a pas pu voir : "Je ne crois pas avoir fait une mauvaise pièce – bien qu’on me couvre d’injures ou de sourires mielleux. Enfin tu verras la chose en octobre". Il ajoute que Coco Chanel [créatrice des costumes d'Orphée] lui aurait acheté une maison du côté de Lisieux. Enfin il se soucie de la santé de Max : "Ne recommence pas à prendre des remèdes dangereux. La mort c’est la mort. Ton espèce de calme venait de ce que ce n’était pas la mort comme dans l’empoisonnement que je raconte dans le Potomak. Après notre mort — j’habiterai avec toi. Veux-tu ?"
Au verso de la lettre, note au crayon sur Paul Sablon, "atteint de stupidité géniale" et sur Jean Aurenche, un véritable épisode de film : "il ne joue pas, il se joue […] ce sont 2 n° de premier ordre, côté cœur".