Hugo, Victor

5 lettres autographes à Victor Schoelcher, 1853-1855. A l'avocat de l'abolitionnisme de l'esclavage.

Auction Closed

May 11, 05:00 PM GMT

Estimate

6,000 - 8,000 EUR

Lot Details

Description

Hugo, Victor


5 lettres autographesà Victor Schoelcher. [Jersey] Marine Terrace 12 avril [1853]-8 février [1855].


16 pages in-12 (140 x 107 mm) et 4 pages in-16 (102 x 64 mm). 2 lettres sont signées, 3 non signées.


LE POURFENDEUR DE NAPOLÉON III AU CHAMPION DE L’ABOLITIONNISME DE L’ESCLAVAGE.


"Nous sommes presque le même esprit politique, presque le même artiste, presque le même homme".


Si Schoelcher avait envoyé à Victor Hugo, dès 1843, ses volumes sur les colonies des Antilles et l’abolition de l’esclavage, ce n’est que sur les barricades de décembre 1851 que les deux parlementaires se rencontrèrent enfin, au sein du Comité de résistance, Schoelcher étant représentant de la Martinique et de la Guadeloupe, et Victor Hugo celui de la Seine. À l’heure de la proscription, ils se retrouvèrent à Bruxelles, avant de partir l’un pour l’Angleterre et l’autre pour Jersey. Leur amitié et admiration mutuelle perdura jusqu’à la mort de Victor Hugo. Les cendres de Schoelcher, décédé en 1893, rejoignirent celles du poète au Panthéon en 1949.


De Jersey, le 12 avril [1853]. (4 p.).Victor Hugo s’adresse à Schoelcher, en exil lui aussi à Londres, lui servant d’intermédiaire auprès des libraires de l’île. Quant à l’idée d’un manifeste commun avec Ledru-Rollin, il souhaite s’en démarquer, opposé pour sa part à toutes représailles sanglantes. Schoelcher venant de passer quelques mois à Jersey, tous deux rêvent à un départ vers l’Espagne : "ce serait une grande douceur de nous retrouver tous là, de reprendre nos mardis, nos dîners à toutes les heures, nos causeries, nos lectures, toute cette vie que vous aviez faite charmante". Il parle de son fils Charles, revenu de Caen "pour l’amour de la photographie" et qui a échappé par miracle à la griffe du Bonaparte.


Le 26 avril suivant, il le félicite pour son livre [Le Gouvernement du Deux-Décembre] (4 p.) : "une œuvre virile, consciencieuse, utile, noble, complète, excellente. Vous êtes aussi redoutable combattant avec la plume qu’avec l’épée. Vous continuez, comme écrivain, votre généreuse barricade du faubourg St-Antoine. […] Sept hurras, comme disent les Anglais". Puis à nouveau, il est question des dissensions entre proscrits, notamment entre Louis Blanc et Ledru-Rollin. Étant très occupé par la prochaine publication des Châtiments, Hugo ne peut envisager d’aller à Londres et juge compliquée la rédaction d’un manifeste commun pour le triomphe de la Révolution, sans un intermédiaire utile et compétent, peut-être Charles Ribeyrolles [lui aussi réfugié à Jersey]. Il envoie le discours qu’il a prononcé à l’enterrement du proscrit Jean Bousquet [mort le 17 avril précédent] puis remercie Schoelcher pour ses efforts à l’égard de James Vizetelly [l’éditeur de la traduction anglaise de Napoléon le Petit], avant d’évoquer à nouveau l’idée de trouver refuge au soleil, "l’exil est déjà un hiver", peut-être au Portugal ou aux Canaries.

Il lui écrit quelques jours plus tard, le 9 mai, sachant que son Discours sur la tombe du citoyen Jean Bousquet a été reproduit dans le Morning Advertiser et dans le Courrier de l’Europe, il l’en remercie "dans l’intérêt de la vraie cause républicaine et révolutionnaire. Arborons fermement ce drapeau, plus de sang, pas d’échafaud, pas de représailles. Sub hoc signo vinces [tu vaincras par ce signe]". En post-scriptum, il est question de plaques photographiques que le jeune Toto n’a pas encore reçues. Hugo reprend sa lettre le lendemain pour reparler d’un manifeste commun auquel il espère pouvoir faire adhérer Louis Blanc.

Mardi 19 [décembre 1853], il confie à Schoelcher deux lettres à poster à partir de Londres, et lui donne le bulletin de santé de son livre [Les Châtiments] qui se vend mal en Angleterre, passablement à Jersey, très bien en Belgique et admirablement en Allemagne. Certaines pièces sont coupées et publiées dans des journaux et dont on fait des copies qui se vendent parfois avec une importante plus-value. "Cet agio des premiers temps est inévitable. Il a eu lieu pour Napoléon le petit. C’est même un appât pour les contrebandiers". Et Hugo accuse un nommé "J.", de Bruxelles -- qui s’est fait orléaniste-fusionniste et qui pourtant avait gagné gros avec Napoléon le petit -- de ne pas vouloir propager son livre. Et encore une fois, adresse de chaleureuses pensées à son excellent ami : "Notre marche en commun et toujours parallèle est une de mes idées les plus douces. Vous êtes un des hommes que j’aime et que j’honore […] Nous marchons ensemble et du même pas au même piédestal ou au même échafaud ; peut-être les deux à la fois. C’est bien, et j’en remercie Dieu. Le jour où, comme moi, vous ajouterez aussi ce dernier mot [mais l’athéisme de Schoelcher ne varia jamais] il ne manquera rien à notre profond accord, et ce me sera un bonheur complet".


La dernière lettre, d’un très petit format, est datée du 8 février [1855](4 p.). "Je m’étudie, cher ami, à écrire des lettres microscopiques, vous en voyez un échantillon ; de cette façon on passe mieux les mailles du filet où ce misérable a pris la France". Il y est question d’un dessin destiné à Victor Collin [exilé en Angleterre où il gérait avec Schoelcher la caisse de secours de la Société fraternelle des démocrates-socialistes de Londres] et d’une célébration en petit comité, chez le colonel Luigi Pianciani [qui allait être expulsé de Jersey quelques mois plus tard], pour l’anniversaire de la proclamation de la République italienne le 8 février 1849].


Magnifique échange entre deux exilés, deux combattants de l’idéal républicain.


Référence : Victor Hugo / Victor Schoelcher. Lettres. Flohic, 1998.

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