Livres et Manuscrits
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De la bibliothèque Jacques Lacan
. Le Con d'Irène. 1928. Dessin érotique de Masson. Envoi à Nancy Cunard et Eluard. Coll Lacan
Lot Closed
December 15, 03:24 PM GMT
Estimate
6,000 - 8,000 EUR
Lot Details
Description
De la bibliothèque Jacques Lacan
[Masson, André -- Louis Aragon]
Le con d'Irène.
Paris, [René Bonnel], 1928.
In-8 (248 x 188 mm). Broché, couverture rouge imprimée et rempliée.
Fantastique exemplaire, portant un double envoi, d'Aragon à Nancy Cunard, et d'André Masson à Paul Éluard.
Avec un exceptionnel dessin érotique de Masson.
Édition originale, parue anonymement : l'un des chefs-d’œuvre de la littérature érotique.
Illustrée de 5 eaux-fortes libres en noir, hors texte, d’André Masson (frontispice et 4 hors-texte).
Un des 15 exemplaires nominatifs, celui-ci imprimé sur Japon pour Nancy Cunard. Il comporte une suite des 5 eaux-fortes, avant la lettre.
Long envoi autographe d'Aragon à Nancy Cunard, d'inspiration surréaliste, à la justification :
"[Exemplaire imprimé pour Nancy Cunard] avec un souci tout particulier de lui plaire, avec le souci de ne pas finir de lui plaire, mais cette vie n'est que soucis, et c'était encore la couleur de l'habit du Marquis, le jour qu'à Marseille tant de gens le virent aller et venir, avant qu'avec son domestique et son insolence il alla donner à des dames les mystérieuses pastilles qui par une allitération bien compréhensible le menèrent à la Bastille, et cette vie n'est qu'un souci, une grande fleur sur l'eau, jaune-malheur, O mes pensées, celui qui tombait en traversant le pont, très pâle".
Un roman érotique sauvé par Nancy Cunard. C'est en février 1926 que débute la relation amoureuse entre Aragon et Nancy Cunard, richissime anglaise, égérie de Man Ray, et maîtresse d'Aldous Huxley, Tristan Tzara et Ezra Pound. Passionnelle, leur relation est tendue, avec de nombreuses crises et une tentative de suicide d'Aragon en septembre 1926. Grâce à la fortune de Nancy, le couple sillonne l'Europe, de Venise où Aragon tente de se suicider, à Madrid où il brûle en novembre 1927 une partie d'un grand roman qu'il avait entrepris en 1923, La Défense de l'infini. Plus tard, abandonné de Nancy Cunard, Aragon est sans le sou : il décide en 1928 de publier quelques pages du manuscrit sauvé des flammes, ce sera Le Con d'Irène. Probablement parce que le roman érotique n'était pas en adéquation avec ses positions communistes, Aragon refusa toujours de reconnaître la paternité du texte, jusqu'à ce que le manuscrit, retrouvé dans les archives de Nancy Cunard à l'Université d'Austin (Texas), ôte ce doute. L'envoi autographe — mais non signé — d'Aragon à sa maîtresse est un touchant témoignage de ces péripéties littéraires.
Second envoi d'André Masson :
"à Paul Éluard
ces exercices spirituels
(anciens déjà !)
Son ami André Masson"
Cet envoi postérieur figure sur une page de garde.
L'Origine du monde de Jacques Lacan. Cet exemplaire, qui appartint ensuite à Jacques Lacan, est enrichi d'un dessin très érotique d'André Masson sur la page de titre : à l'encre et à pleine page, il dessine autour du titre imprimé un vagin béant et des jambes écartées, entourés d'une nuée de petits pénis ailés.
Ce con n'est pas sans rappeler L'Origine du monde, le sulfureux tableau de Courbet (1866), que Jacques Lacan avait acquis en 1955 et qu'il gardera jusqu'à sa mort. Ses anciens propriétaires avaient toujours caché le tableau par un rideau ou par un autre tableau de Courbet, aussi Sylvia Lacan, qui souhaitait dissimuler l'œuvre scandaleuse ("Les voisins ou la femme de ménage ne comprendraient pas", disait-elle), demanda à André Masson — qui n'était autre que le mari de sa sœur — de peindre un panneau de bois pour la soustraire aux regards. "Il accepta et fabriqua un superbe panneau où étaient reproduits, en une peinture abstraite, les éléments érotiques de la toile d'origine." (Roudinesco, p. 249). Pour quelques visiteurs privilégiés, Jacques Lacan actionnait le système secret qui permettait de glisser le panneau et dévoiler le tableau érotique.
Provenance : Nancy Cunard (envoi). — Paul Éluard (envoi). — Jacques Lacan, puis par descendance.
Référence : E. Roudinesco, Jacques Lacan, Fayard, 1993.