Livres et Manuscrits
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Importante correspondance à Violette Leduc dévoilant leur amitié littéraire. 297 lettres
Lot Closed
December 15, 03:29 PM GMT
Estimate
60,000 - 80,000 EUR
Lot Details
Description
Beauvoir, Simone de
Importante correspondance à Violette Leduc.
Janvier 1945 à avril 1972.
297 lettres autographes signées, de divers formats (près de 420 pages), 18 pneumatiques et un télégramme. La plupart des lettres ont conservé leur enveloppe. Ces lettres ne sont que très rarement datées, Simone de Beauvoir omettant la plupart du temps le millésime. Les dates qui sont données sont celles des cachets postaux.
Papier parfois jauni. Déchirure à lettre du 17 juillet 1945 réparée au ruban adhésif. Plusieurs enveloppes manquantes, cachets postaux souvent en partie déchirés.
Remarquable ensemble, pour la quasi-totalité inédit, dévoilant l'"amitié littéraire" entre deux femmes de lettres, fascinées l’une par l’autre et figures de proue du mouvement féministe.
"Femme bâtarde, laide, pauvre, seule, écrivain méconnu, amoureuse de femmes et d’homosexuels, Violette Leduc est la somme de toutes les marginalités dérangeantes" (Carlo Jansiti, Violette Leduc, Avant-propos).
"L’œuvre de Leduc s’est donc écrite grâce à Beauvoir, aussi bien que parallèlement, en contrepoint, pour ou malgré elle." (Jean-Louis Jeannelle, Beauvoir et Violette Leduc : retour sur un parallèle biaisé de l’histoire littéraire, p. 160).
Simone de Beauvoir, à la fois amie fidèle, correctrice attentive et agent littéraire, déploie un indéfectible soutien à celle dont elle avait décelé le talent. Entre les deux femmes, au tempérament pourtant opposé, se noue une relation complexe et ambiguë où se mêlent passion amoureuse non réciproque, tendresse et admiration mutuelle teintée de méfiance.
Simone admire l’audace de Violette mais veille à garder ses distances. Violette, fragile et circonspecte, en quête perpétuelle d’amour et de reconnaissance, lui voue une passion indéfectible et envahissante que seule sa mort, le 28 mai 1972, éteindra.
Figure singulière de la littérature française, Violette Leduc découvre, en 1943, L’Invitée de Simone de Beauvoir. "Une femme avait écrit ce livre […] J’étais en paix avec moi-même” écrit-elle dans La Bâtarde (Gallimard, 1964, p. 427). La fascination de Violette pour Simone est née. Dans une lettre à un ami Georges étudiant, Violette confie avec clairvoyance : "Simone de Beauvoir est une intellectuelle pure et je suis une sensibilité pure. Si nous pouvions faire des échanges, elle et moi, nous écririons des beaux livres" (Carlo Jansiti, Correspondance 1945-1972, p. 65).
En février de l’année suivante, elle rencontre l’auteur du Deuxième sexe grâce à Alice Cerf. Cette entrevue, que Violette Leduc qualifie d’"événement", est décisive. "Février 1945. Il est le mois le plus extraordinaire de mon existence" écrit-elle dans La Folie en tête. Elle présente alors son manuscrit de l’Asphyxie au Castor qui y décèle son talent. Des extraits paraissent dès novembre dans Les Temps Modernes et le livre est publié chez Gallimard, en mai 1946, dans la collection "Espoir" dirigée par Albert Camus. "Quand, au début de 1945, je commençai à lire le manuscrit de Violette Leduc, ‘Ma mère ne m’a jamais donné la main’, je fus tout de suite saisie ; un tempérament, un style" écrit Simone de Beauvoir dans sa préface de La Bâtarde.
De 1945 à avril 1972, se succèdent lettres, billets et pneumatiques, témoignant du soutien sans faille de Simone de Beauvoir qui, en véritable mentor, la guide, et l’exhorte à écrire. Elle l’assure de son "amitié intacte" et, soucieuse de ne pas la froisser, use de mille précautions lorsqu’elle doit remettre un de leurs nombreux rendez-vous germanopratins. Chaque désistement faisant l’objet d’un court billet.
Envoyées au gré de ses innombrables voyages, ces lettres foisonnent de détails sur les pays qu’elle visite en compagnie de Sartre ou de Claude Lanzmann. D’outre-Atlantique ou d’outre-Manche, d’Italie, de Grèce, d’URSS ou de Norvège, Simone veille à chaque instant sur son amie. Elle relit ses textes et les soumet à Sartre, les corrige, les allège, suit sa carrière pas à pas, l’encourage avec ténacité et lui prodigue de nombreux conseils. "Reprenez vous, raisonnez vous", "travaillez-vous ?" lui intime-t-elle inlassablement. Elle évoque aussi avec force détails ses lectures, ses voyages et l’avancement de ses travaux ainsi que la vie littéraire, artistique et politique de l'époque.
1945
Peu de temps après sa rencontre avec Simone de Beauvoir, Violette ne tarde pas à lui déclarer la passion qui l’anime et l’amour qu’elle lui porte. Dans une longue lettre datée du "17 juillet [1945]", Simone, alors en train de lire les pages de son journal [L’Affamée], enjoint Violette à ne pas se méprendre sur leur toute jeune relation. Inflexible, elle abat ses cartes et, sans détour, dessine les limites à ne pas franchir.
"Malgré ma colossale indifférence, j’ai été très émue par votre lettre et votre journal. Vous me parlez de ma loyauté, j’admire la vôtre. Je pense que grâce à notre estime et notre confiance réciproques, nous arriverons à un équilibre dans nos rapports. Il est étrange de découvrir qu’on est si précieux pour quelqu’un : vous savez qu’on n’est jamais précieux pour soi-même ; il y a là un effet de mirage qui certainement se dissipera vite. Ce sentiment en tout cas ne peut pas plus me gêner que me flatter, c’est à votre vie qu’il appartient, c’est vous qui en disposez, je ne me sens pas concernée par lui. Ce qui me concerne c’est seulement cette relation authentique et réciproque qui existe entre nous, et qui est faite d’affinités intellectuelles et sensibles, de sympathie, d’une certaine communauté de morale et de goûts, et je voudrais que cette relation soit maintenue par-delà les fluctuations de votre histoire personnelle à mon sujet. En particulier, je voudrais que vous n’ayez plus peur de moi, que vous vous délivriez de tout ce côté craintif qui me semble tellement injustifié. Je vous respecte trop pour que cette espèce de défiance, d’appréhension ait aucune raison d’être. Les circonstances font qu’en ce moment, dans votre vie, j’occupe une certaine place qui ne correspond pas à celle que vous occupez dans la mienne, mais ceci ne fait pas obstacle à l’égalité fondamentale qui doit exister entre nous. Littérairement, je trouve ces pages de journal étonnantes, c’est ce que vous avez fait de mieux ; j’en aime du fond du cœur et la sensibilité et le style qui est d’un écrivain de grande classe. Je vais les garder encore un peu de temps, je veux les relire, je vous remercie de me les avoir montrées et je vous admire de les avoir écrites. Vous êtes quelqu’un. J’aime beaucoup moins l’épisode (que je vous rends avec le reste) de la femme qui astique ; c’est trop appuyé, trop fabriqué ; il faudrait que ça se joue beaucoup plus en sourdine, que ça fasse louche comme ‘les gants’, mais pas ‘voulu’" (lettre en partie publiée dans Simone de Beauvoir, Les Cahiers de l’Herne, 2012, cahier dirigé par Éliane Lecarme-Tabone et Jean-Louis Jeannelle, p. 127. L’enveloppe jointe à cette lettre ne semble pas être la bonne, le cachet postal en partie illisible a été repassé au crayon).
1947
Cette année 1947 est celle où Violette Leduc rencontre, par l’entremise de Jean Genet, Jacques Guérin dont elle tombe éperdument amoureuse et qui deviendra l’un de ses plus fervents admirateurs. Mais Jacques Guérin, comme Maurice Sachs, est homosexuel. Violette semble s’enferrer dans des amours impossibles.
Le 23 janvier, Simone de Beauvoir lui annonce son prochain départ pour les États-Unis où elle donnera une série de conférences. Violette Leduc poursuit l’écriture de son roman, qui sera publié l’année suivante par J.-J. Pauvert sous le titre L’Affamée. Dédié à Jacques Guérin, qui en finança un tirage de luxe, l’ouvrage est une transposition de l’amour qu’elle porte à Simone de Beauvoir.
"[…] Genet [que Violette a rencontré l’année précédente] m’a parlé de vous encore avec beaucoup de chaleur. Il dit qu’il vous admire pour votre force. C’est vrai qu’il y a beaucoup de force en vous. Il faut que ce soit cela qui compte […] Au mois de mai nous passerons une grande soirée ensemble. J’espère que vous aurez écrit un grand morceau du roman [L’Affamée]. Je ne vous oublierai pas […]".
Dans une lettre à Nelson Algren du 7 octobre 1947, Simone de Beauvoir, admirative, la décrit comme "la plus hardie des femmes que je connaisse, aussi hardie dans le contenu de ce qu’elle écrit que dans sa façon de l’exprimer […] Presque toutes les femmes écrivains gardent une certaine timidité, même sur le plan littéraire, une fadeur, une délicatesse superflues, si vous voyez ce que je veux dire. Celle-là, avec une sensibilité féminine écrit presque comme un homme" (Lettres à Nelson Algren : un amour transatlantique, 1947-1964, éd. Sylvie Le Bon de Beauvoir, Paris, Gallimard, 1997, p. 111).
Au fil des lettres sont évoqués ceux qui, dans l’entourage de Violette, l’ont épaulée, aidée, encouragée : Maurice Sachs, Jean Genet, Jacques Guérin, Jean-Paul Sartre, Raymond Queneau, Jacques Lemarchand, critique littéraire au Figaro, Nathalie Sarraute, Marcel Jouhandeau, etc.
Du château de La Pouëze (Maine-et-Loire), en décembre 1947, Simone de Beauvoir achève son livre sur l’Amérique qui sera publié chez Gallimard l’année suivante sous le titre L’Amérique au jour le jour. "[…] J’achève le livre sur l’Amérique, il faut qu’il soit fini quand je rentrerai […] J’ai lu "L’essai sur moi-même" de Jouhandeau qui m’a souvent agacée bien qu’il écrive si merveilleusement […] Est-ce que vous travaillez ? Je vous ferai signe dès mon retour […]"
1948
En 1948, Sartre et Beauvoir s’entendent pour aider financièrement Violette Leduc en lui versant une allocation par l’intermédiaire de Gallimard. Simone poursuivra ses versements jusqu’en 1964. Les rendez-vous aux Deux-Magots deviennent un rituel. Violette Leduc s’attèle à Ravages qu’elle terminera en 1954. En décembre de l’année suivante, Gallimard en publie une version expurgée, la première partie ayant été jugée trop osée par le comité de lecture (notamment Raymond Queneau et Jacques Lemarchand). Son fidèle ami Jacques Guérin décide alors de publier cette partie censurée, sous le titre Thérèse et Isabelle. Ce n’est qu’en 1966 que Gallimard en publiera la version intégrale.
Des États-Unis, le 24 mai : "J’aimerais savoir si […] le travail marche […] le début du livre était si bien. Du beau travail […] Mais je voudrais que vous écriviez ce livre. Je crois en lui […]".
"J’ai une bonne nouvelle à vous annoncer. J’ai expliqué au même Gallimard qu’il devait vous faire une petite pension au moins pendant un an pour que vous puissiez écrire votre roman. Il s’est fait un peu tirer l’oreille […] nous l’avons persuadé Sartre et moi que votre prochain livre pourrait avoir un gros succès il a fini par accepter. Un an. Ca vous donne quand même le temps de vous retourner […]" (novembre ou décembre 1948).
1949
L’été de cette année-là, Simone séjourne avec Algren en Italie.
En juillet, d’Ischia : "Vous écrivez un beau livre courageux, auquel je crois […] J’ai trouvé ici un paradis. C’est une île perdue […] je suis dans le port le plus perdu de l’île, il n’y a pas un seul touriste […]".
1950
Au printemps 1950, Simone entreprend une traversée du Sahara en camion.
3 avril : "[…] Je suis de tout cœur avec vous dans cette lutte que vous menez si courageusement pour écrire, pour vivre ; j’admire votre énergie, je voudrais que cette sincère, profonde estime vous aide un peu […] Les Touaregs qui habitent ici enchanteraient le cœur [?] de Genet" (lettre 18, cachet postal en partie illisible, 1950).
27 juillet : "J’ai vu deux bonnes critiques sur vous, une de Pauvert dans les Lettres Françaises disant que vous ‘écrivez sur un tableau noir avec des noms de couleurs’. J’espère que ça vous aura un peu encouragée, quant à moi vous savez bien que je n’ai pas besoin de l’opinion des autres pour aimer lire et pour attendre toujours beaucoup de vous […] Il faut continuer avec courage. Je suis sûre que vous ferez des choses très belles […]" (l’enveloppe jointe n’est pas la bonne, le cachet postal est en effet du 6 juillet 1950).
Depuis Gary (Indiana), où Simone séjourne chez Algren : "J’ai reçu vos deux lettres. La seconde surtout m’a fait plaisir parce que vous semblez pleine de courage et de confiance : cette confiance c’est le plus beau cadeau que vous puissiez me faire, vous le savez […] Je déposerai encore mon manuscrit pour vous à la caisse des Deux-Magot, c’est un travail qui commence, qui est encore balbutiant, on a rien à en dire ; même à Sartre je n’en ai à peu près pas parlé […]" ("vendredi 17 aout", cachet postal arraché).
1951
En juillet 1951, Violette Leduc avait rédigé pour Les Temps modernes un texte sur Séraphine de Senlis, femme peintre, morte en 1942 dans un hôpital psychiatrique. "[…] J’ai reçu le Séraphine. J’en aime la sensibilité, mais vous l’avez écrit avec tous mes défauts ; je pense que c’est une espèce de vertige […] Sartre que j’ai tenu à consulter trouve aussi que vous péchez par manque de simplicité […]" (cachet postal du 8 juillet 1951).
25 août : "[…] J’en suis de plus en plus sûre, vous finirez votre livre et ce sera un beau livre […] Je vais avoir à me remettre au travail, et j’en ai un peu peur. Je voudrais faire un roman, et il me semble avoir des choses à dire, j’ai comme le goût du livre dans ma bouche, mais je ne sais plus du tout comment on raconte une histoire. Il me semble que la lutte avec le papier blanc sera particulièrement dure, cette fois-ci. Je n’ai pas travaillé tant que j’ai voyagé […] Je ne peux vraiment pas faire deux choses à la fois […]" (cachet postal du 26 août 1951).
D’Islande, le 7 août, Simone évoque l’enquête sur les femmes publiée par Edith Nora dans les Nouvelles Littéraires. "Je n’ai pas lu l’enquête des Nouvelles Littéraires. Si vous l’avez gardée vous me la raconterez au retour. J’espère qu’Edith Mora ne m’a pas fait dire trop de sottises ; je me méfie toujours. Je me demande bien pourquoi cette enquête vous a déprimée. Oui, j’ai cité le Duras pour son orientation plutôt que pour sa valeur ; et de tous les livres de femmes parus ces derniers temps, vous savez bien qu’il n’y en a aucun que j’aie aimés, mais je vous en avais parlé, je ne vous “ménage“ pas […]" (datée "7 août").
Des États-Unis, alors que prend fin son histoire avec Algren : "[…] Je suis avec vous chaque fois que vous avez besoin de moi […] Vous me confierez le manuscrit ; je sais parfaitement ce qu’il signifie pour vous et il signifie beaucoup pour moi ; nous le reverrons ensemble […]" (cachet postal du 16 octobre 1951).
En décembre, Simone termine de lire un manuscrit (probablement Ravages) que Violette lui a confié. "[…] J’ai presque fini votre manuscrit et je me suis permise de le montrer à Sartre pour avoir un autre avis que le mien […] Il pense comme moi qu’il faut des retouches sérieuses […] avant de pouvoir le publier […]" (cachet postal du 15 décembre 1951).
1953
"Oui cette avant dernière lettre m’avait peinée, parce que vous sembliez très malheureuse et parce que vous aviez l’air de vous méfier aussi de moi. Il ne faut pas. Il est vrai que dans mon livre j’utilise trois ou quatre fois le mot « violette » la couleur et les fleurs, mais c’est que vraiment j’ai besoin dans ces passages là de parler de cette couleur, de cette fleur […] J’ai été bien contente, moi aussi, quand j’ai vu dans l’Express l’article qui est intelligemment sympathique. Vous avez raison de remercier Madeleine Chapsal […] J’espère qu’il y aura quelque chose dans l’Observateur. Et je vous promets absolument que d’ici décembre il y aura quelque chose dans L[es] T[emps] M[odernes]. Ce n’est pas mal que Sartre n’aime pas ce que vous faites. Mais vous savez bien que ni Ravages ni La vieille fille [et le mort] ne sont le genre de textes que publient L[es] T[emps] M[odernes] […]" (cachet postal du 25 juillet 1953).
"[…] Je suis à Rome depuis deux jours […] Nous avons fait un grand tour en Yougoslavie […] Vous travaillez, c’est bien. A votre retour, vous reprendrez ce que vous m’avez montré. Vous couperez, condenserez et ça deviendra aussi bon que le premier volume. Gardez votre courage : le livre le mérite. Oui, lisez le plus possible, il faut s’arracher un peu à soi. Je suis contente que vous continuiez Proust […]" (lettre sans enveloppe).
1954
En 1954, Violette achève Ravages et les lettres de cette année-là témoignent de l’attention et des encouragements du Castor qui, avec assiduité, suit avec attention la genèse de cette œuvre controversée depuis sa naissance jusqu’à sa publication. Malgré les violentes réactions que suscite ce texte, elle tente coûte que coûte de la faire publier et fait le siège de plusieurs maisons d’édition.
"Queneau me téléphone. Lemarchand a lu votre manuscrit. Il aime beaucoup. Il aime la première partie et suggère une publication à part, sous le manteau. Pour le reste, il pense comme Queneau que certains passages sont impossibles à publier ouvertement tels quels (le taxi par exemple) […] Lemarchand aimerait en parler avec vous […]" (lettre sans date [11 mai 1954], publiée in L'auteur et son éditeur : à travers les collections de l'Institut Mémoires de l'édition contemporaine (IMEC), p. 89. Catalogue de l'exposition tenue du 18 septembre au 25 octobre 1998 à l'Abbaye-aux-Dames, Caen. Extrait publié dans l’ouvrage de Carlo Jansiti, Violette Leduc. Biographie, p. 269).
En ce même mois de mai, elle lui confie les réticences de Queneau. "[…] En gros il aime le livre, il a fait de gros compliments. Mais il trouve que le début fait longueur. Il n’aime pas, en soi, la première partie. Il pense que d’autre part elle rend le livre impossible à publier correctement et, à son avis, elle alourdit inutilement l’ensemble du roman. Même le début de l’histoire de Marc lui paraît superflue […] Il trouve que le livre décroche vraiment à partir de la visite de Marc au pavillon […]" (13 mai 1954 (?), lettre publiée in L'auteur et son éditeur : à travers les collections de l'Institut Mémoires de l'édition contemporaine (IMEC), op. cit. Extrait publié dans l’ouvrage de Carlo Jansiti, op. cit., p. 268, qui date cette lettre du 5 mai).
"[…] Nous allons essayer de faire prendre le manuscrit [Ravages] tel quel chez Julliard. C’est peut-être possible. Sinon je verrai personnellement Gallimard : en tout cas avec les corrections faites, il le prendra. Je suis indignée de leur pruderie, de leur manque de courage. Sartre aussi. Ne soyez pas brisée. Il faut vous défendre et nous vous aiderons. Il y a d’autres éditeurs que Gallimard […]" (enveloppe E.V. [17 mai 1954] extrait publié dans le livre de Carlo Jansiti, op. cit, p. 273).
Les avis des éditeurs sur ce texte semblent unanimes, il lui faut amputer le texte.
"Je viens de téléphoner à la Table Ronde. Ils demandent beaucoup plus de coupes que Gallimard : le quart du livre. Alors il n’y a pas à hésiter. Faites les coupures demandées par Gallimard et portez lui le livre […]" (cachet postal du 29 juin 1954).
Le 29 juillet, Simone lui fait part de son découragement devant la réticence de Gallimard “[…] je suis comme vous écœurée de Gallimard, écœurée qu’ils vous fassent attendre et surtout qu’ils hésitent alors que le livre est si bon […] “ (Lettre 55, “29 juillet“ 1954).
Quelques jours plus tard, elle l’incite à aller voir l’avocate et femme de lettres Suzanne Blum. "J’ai parlé à Suzanne Blum. Elle est très intéressée et prête à recommander chaleureusement le livre. Pouvez-vous lui porter le manuscrit chez son concierge, rue de Varenne […] mettez lui tout le manuscrit avec un mot explicatif, indiquant que la première partie peut être supprimée à la publication […]" (cachet postal du 1er août 1954).
Le 15 août, Simone, tout juste rentrée à Paris, a bien reçu les lettres de Violette en Espagne où elle séjournait avec Claude Lanzmann. "[…] Vous avez été gentille de me télégraphier pour me dire que le livre était prêt. J’étais certaine […] que ça finirait comme ça, mais ils ont été [mot illisible] de vous faire attendre si longtemps. Je vous signale que le titre "la plaie et le couteau“ [Premier titre de Ravages] a déjà été pris par un certain Le Clec’h […] Il faut chercher […]" (cachet postal du 17 août 1954).
D’Italie, elle s’inquiète des rapports de Violette avec sa mère. "J’ai fait avec Sartre un grand tour en Europe Centrale [à Vienne et à Prague] […] Sartre va infiniment mieux et il s’est remis à travailler. Je travaille aussi à un article pour les Temps modernes […] Je n’ai pas eu les secondes épreuves pour mon livre, sinon je vous les aurais envoyées […] Avez-vous un titre ? Lequel ? […]" (cachet postal de Brescia du 28 (ou 29 ?) septembre 1954).
1955
"Je suis contente que Robert G[allimard] vous ait couronnée. En fin du printemps c’est bien […]" (cachet postal du 8 février 1955, papier à lettres et enveloppe à en-tête des Temps Modernes).
Ravages est publié en mai. Mais malgré quelques articles élogieux de Claude Lanzmann, Dominique Aury et Elisabeth Porquerol, le roman est accueilli très froidement. Devant la détresse croissante de Violette, très affectée par cet échec, Simone de Beauvoir prend l’initiative de l’adresser au célèbre psychanalyste Jacques Lacan.
"Cette lutte que vous menez de vous-même à vous-même […] Prenez rdv tout de suite, je vous le demande au nom de nos 10 ans d'amitié […] Soignez-vous, je vous en prie" (8 décembre 1955 ?).
1956
Simone de Beauvoir fait entrer, le 13 juillet, Violette Leduc dans la clinique du docteur Fouquet à Versailles pour soigner ses tendances maniaco-dépressives. Elle y séjourne six mois.
"[…] Ne vous sentez pas trop seule. Je parle beaucoup de vous avec Lanzmann qui vous aime de tout son cœur […]" (cachet postal du 23 janvier 1956, sur papier à en-tête de l’hôtel Majestic à Belgrade).
De Grèce, où elle passe les mois de juillet et août avec Lanzmann, Sartre et Michelle Vian : "[…] Ça m’attriste de vous penser là-bas, enfermée dans cette chambre, malgré tout votre courage […]" (cachet postal du 2 août 1956, avec deux lignes autographes signées de Claude Lanzmann).
En septembre, elle est à Rome et travaille son essai sur la Chine, Témoins à charge, qui paraîtra en octobre.
"[…] Il faut bien entendu rester à la clinique […] J’espère que Claude Lanzmann aura été vous voir. Il a dû partir en reportage […] J’ai donc reçu une lettre de Jacques Guérin qui m’avait inquiétée, juste après notre hibernation [...] Il faut bien entendu rester à la clinique […] Claude Lanzmann a dû vous raconter la Grèce. C’était très beau. Maintenant je suis installée avec Sartre […] je finis le livre sur la Chine […]" (cachet postal déchiré, vers septembre 1956 ).
1957
Violette, après quelques mois passés dans une clinique à Versailles l’année précédente, passe six mois à la Vallée aux Loups, maison de repos à Châtenay-Malabry.
"Vous n’êtes coupable de rien, il n’y a rien à payer. Ne vous tourmentez pas, je vous en supplie […]" (Lettre 54, cachet postal du 18 juin 1957).
1958
"À son retour à Paris, vers la fin de l’hiver de 1958, Violette Leduc entreprend la rédaction de ce qui deviendra La Bâtarde (voir lot 143). Simone de Beauvoir est à l’origine de ce projet autobiographique, un travail ambitieux et de longue haleine" (Carlo Jansiti, op. cit., p. 323). En juin paraît chez Gallimard La vieille fille et le mort.
1958 marque aussi la naissance de son aventure avec René Gallet, maçon de Bagnolet qu’elle rencontre en juillet, plusieurs fois évoqué dans les lettres. Cette liaison "va apporter à la vie de Violette un renouveau inespéré. À cinquante et un an, en plein ménopause […] Violette va découvrir enfin le plaisir avec un homme" (Carlo Jansiti, op. cit., p. 335).
"Vous avez l‘air d’aller un peu mieux : je voudrais tant que vous jouissiez ! Mangez, détendez vous, faites confiance aux médecins […] Jacques Guérin m’a téléphoné : nous nous chargerons ensemble des frais de cette maladie, soyez sans inquiétude de ce côté là […]" (cachet postal du 31 janvier 1958).
"Votre lettre me navre. Qu’y-a-t-il au juste ? Donnez moi des précisions ou si vous êtes trop fatiguée, demandez à votre mère de m’écrire […] je voulais juste vous assurer que je ne vous abandonnerai jamais […]" (cachet postal du 20 janvier 1958)
De Courchevel, où elle passe plusieurs jours entre le 24 mars et le 2 avril en compagnie de Lanzmann : "[…] Je suis contente pour “La vieille fille“ dans les Cahiers du sud. Vous avez dû voir qu’il y a deux textes de Jean Wahl dans deux numéros des T[emps] M[odernes] […] Je fais un peu de ski, et je lis au soleil. Je lis le Port Royal de Ste Beuve qui est un livre passionnant […]" (cachet postal du 2 avril 1958).
"Je vais me promener cette semaine avec Lanzmann qui part pour la Corée. Nous nous verrons donc la semaine suivante […]" (cachet postal du 20 mai 1958).
"Venez mercredi, ou alors c’est moi qui passerai chez vous […] Vous n’allez pas pleurer pour un homme que vous ne connaissiez même pas il y a deux mois. Reprenez courage […]" (cachet postal du 5 août 1958).
"[…] Je suis votre existence au jour le jour et j’admire profondément votre courage […] Vous resterez à la clinique aussi longtemps, vous la quitterez aussitôt que vous voudrez […] Je suis tout à fait d’accord avec vous pour ce que vous me dites de l’Olympia de Maurois – Victor Hugo, car tous ses défauts, est une nature trop puissante pour que Maurois le [mot illisible] il reste constamment au dessus de son sujet, il n’a pas eu la générosité de Hugo […] générosité qui fait un tel contraste avec l’égoïsme immonde de nos contemporains […]" (cachet postal du 27 août 1958, sur papier à lettre du King George Hotel à Athènes).
"On me téléphone que des choses vont mal pour vous, que vous savez à présent que René [Gallet] ne vit pas seul. Violette je vous en supplie, essayez de reprendre courage, d’oublier cet homme, cette histoire qui de toutes façons était finie. Vous avez une œuvre à écrire […]" (cachet postal du 14 décembre 1958).
1959
"[…] Ne vous méfiez donc pas de moi : je suis pour toujours votre amie […]" (cachet postal du 13 mars 1959, datée "Vendredi")
"Pierre Berès a pris le Rousseau, pour vérifier s’il est authentique. Il vous enverra directement le chèque (20.000 F) ou vous rendra l’objet. Le reste ne l’intéresse pas […]" (cachet postal du 11 juillet 1959).
1960
De Cuba : "[…] C’est un pays extraordinaire sur bien des points, et entre autres, on y dort jamais. Les rendez-vous se donnent à 2 heures du matin […] Fidel Castro est un homme vraiment exceptionnel d’intelligence, de chaleur, de vitalité, et c’est bouleversant quand on se promène avec lui de voir à quel point le peuple l’adore […] Il y a aussi la beauté du pays, des vaches qui paissent à l’ombre des palmiers […]" Elle poursuit en évoquant la menace américaine qui plane sur le pays. (cachet postal arraché, "vendredi 4 mars" [1960]).
1961
Parution d’un extrait de son autobiographie dans Les Temps modernes sous le titre Le Tailleur anguille. Violette effectue ses premiers séjours à Faucon, dans le Vaucluse, où elle achètera une maison quelques années plus tard.
"Je suis contente de cette décision, c’est si beau ce midi […] Moi je me plais à Antibes […] Je me promène un petit peu avec Sartre en auto, je lis […] je travaille […]" (cachet postal du 9 mai 1961).
"Vos lettres m’attristent ; je ne sais quel conseil vous donner […] Le Tailleur anguille doit paraître en juillet […]" (cachet postal du 30 juin 1961).
"[…] Vous avez vu que votre texte a paru sans aucune coupure dans les Temps Modernes […] Il y a des gens qui en sont enthousiastes […]" (cachet postal du 15 décembre 1961).
1962
"Votre lettre était triste. Je suis désolée pour votre santé ; et que vous ne puissiez travailler […] Je travaille tout de même […] mais sans beaucoup de cœur […]" (cachet postal du 8 janvier 1962).
"[…] Oui, vous pouvez écrire, vous écrirez, vous finirez ce livre que j’aime et que beaucoup de gens ont commencé à aimer à travers le Tailleur anguille [titre sous lequel parut un extrait de son autobiographie dans les Temps modernes] Il le faut et vous le ferez, j’en suis sûre […]" (cachet postal du 5 juillet 1962).
"[…] Je suis contente surtout que vous vous soyez remise au travail. En octobre, quand nous nous verrons, je relierai tout d’un coup d’un trait : mais il me semble qu’en effet il n’y a rien à changer dans le récit de cette enfance […] En ce moment je suis dans un hôtel des Dolomites ; je m’y repose de Paris […] Ensuite je vais à Rome où je retrouve Sartre […] Je continue à travailler. Je commence à entrevoir la fin de mon livre, mais Sartre n’a encore rien lu et j'attends son avis pour savoir où j’en suis : je suis sûre qu’il me faudra encore un grand effort […]" (cachet postal du 28 juillet 1962).
De Rome : "[…] J’arrive au bout de mon livre [La Force des choses] mais il y a encore beaucoup à reprendre, j’en ai encore pour presque un an […] Je travaille sans frénésie, je lis, je me promène. Est-ce que Monique Lange vous a envoyé des livres ? Le journal de Michelet est bien médiocre, inutile à lire à mon avis […]“ (cachet postal du 26 août 1962).
1963
Violette achève la rédaction de La Bâtarde. Gallimard accepte le manuscrit après quelques coupes. Dans sa préface, Simone de Beauvoir, consacre l’importance de Violette Leduc comme écrivain. Cette même année Violette Leduc commence la rédaction de La Femme au petit renard.
Le Castor est en URSS où elle participe à une rencontre des écrivains est-ouest : "[…] Le contact avec les écrivains russes était très intéressant. Il y avait Nathalie Sarraute qui dit toutes les méchancetés et saletés possibles sur Sartre et moi ; sur moi surtout bien entendu et qui nous serrait à peine la main, mais qui s’est aplatie quand Sartre dans une conférence a dit deux mots polis sur elle. Je ne travaille pas, je lis à peine, nous nous promenons et laissons couler le temps […]" (sans enveloppe, [de Crimée, août 1963]).
"[…] Ce matin, Sartre m’a dit qu’il avait commencé, avant de dormir, La Bâtarde, dont il ne connaissait que les premières pages en version dactylographiée. Il comptait les relire […] Et puis il a été tellement pris qu’il ne s’est pas couché avant d’avoir fini. Il dit que c’est de loin le meilleur texte de la revue, et aussi le meilleur que vous ayez écrit. Il m’en a parlé plus d’une heure, insistant pour que vous travailliez tout le livre dans le même sens : en resserrant le texte, en coupant tout le superflu, en éliminant l’excès de comparaisons pour que tout soit aussi dense, aussi simple, riche et frappant que le début. Et alors il fera tout pour aider au lancement du livre. Sa chaleur vous aurait revigorée. Et j’ajoute qu’il est aujourd’hui rétif à la littérature, que les textes purement littéraires l’ennuient presque toujours […]" (sans enveloppe, octobre 1963).
À son retour d’U.R.S.S. : “ […] J’ai corrigé de mon mieux deux cents pages environ de La Bâtarde et compte finir avant le retour. J’ai eu des échos enthousiastes du texte paru dans les T[emps] M[odernes] […]“ (cachet postal du 5 octobre 1963).
1964
À l’automne paraît chez Gallimard La Bâtarde. Le succès est immense et le roman sera traduit dans plusieurs langues.
"[…] Je viens de relire toute votre œuvre, c’est très beau […]" (mars 1964).
"Pourriez vous venir lundi à 1h et prendre la préface chez ma concierge ? Vous la liriez dans un café et à 2h nous en parlerions […]" (cachet postal du 25 avril 1964).
"J’ai passé trois jours en Sardaigne […] J’espère que les Gallimard vont faire le nécessaire pour La Bâtarde : il faut que ce livre soit lu et aimé comme il le mérite […]" (sans enveloppe, 1964).
"[…] J’ai parlé à Monique [Lange]. Il n’est pas du tout certain que des Cars (?) ait écrit une Bâtarde. Il y a des titres analogue mais pas celui-là […] Il est possible que Elle veuille publier des extraits de La Bâtarde […] Si vous n’êtes pas d’accord, écrivez tout de suite à Monique […]" (sans enveloppe, vers septembre 1964).
1965
Violette rédige des articles pour Vogue et Gallimard publie La Femme au petit renard. Elle découvre qu’elle est atteinte d’un cancer du sein
"[…] Jacques Guérin m’a écrit une lettre, très courtoise, en y joignant quatre quittances prouvant qu’il a payé en effet quatre demi mois à la Vallée aux Loups […] Je pars le 1er juillet pour l’URSS […] La Femme au renard [il s’agit de l’article publié sous le titre La Femme au petit renard, publié chez Gallimard en 1965] ne pourrait paraître qu’en septembre au T[emps] M[odernes] […] Tout le monde en raffole dans la maison, m’a dit Robert qui ne l’avait pas encore lu […]" (cachet postal du 29 juin 1965).
De Rome : "[…] Je pense que votre histoire de grosseur est identique à celle que j’ai eue voici environ quatorze ans: rien de sérieux, mais il faut se faire examiner, pour que ça ne tourne pas à l’obsession. C’est bien que vous ayez acheté la maison, combien ? […] J’ai vu à Moscou la maison de Tolstoï […]" (cachet postal du 11 août 1965).
À son retour de Corse : "[…] Le Sagan [Chamade probablement] est infect à tous points de vue. J’ai lu aussi Montesquiou qui m’a amusée mais un peu déçue parce que Charlus dépasse de loin son modèle, on s’attend à le rencontrer dans le livre, et il manque Proust, c’est à dire presque tout [.. ]" (sans enveloppe).
1966
En juillet paraît enfin, chez Gallimard, Thérèse et Isabelle, première partie de Ravages refusée par Gallimard onze ans plus tôt. Le roman connaît un grand succès et emporte le prix Jules couronnant "l’auteur féminin le plus consternant de l’année".
"Je vous en supplie, gardez aussi cette confiance. En vingt et un ans je ne l’ai jamais trahie. Je suis votre amie, profondément. Je ne veux pas discuter le détail de vos interrogations. Il n’y a en moi qu’affection pour vous […]" (cachet postal du ? mars 1966).
"[…] Avez-vous lu l’article Klébert Haedens des Arts sur Thérèse et Isabelle ? Il ait quelques sottises mais le titre l’a touché […]" (cachet postal du 23 juillet 1966).
1969
Violette Leduc s’installe à Faucon (Vaucluse) en juin.
"[…] J’espère que vous allez vous acclimater et que vous profiterez de votre maison. Moi, je me prépare à quitter Paris […] J’ai vu I. F. dont je n’aime pas la fin : mais le début est étonnant. Quels acteurs ! J’essaierai malgré tout d’aller voir Thérèse et Isabelle [adapté au cinéma en 1968 par Radley Metzger]" (sans enveloppe, 1969).
1970
La Folie en tête est publié chez Gallimard. De son côté Simone de Beauvoir achève Tout compte fait.
"[…] Ellen Wright m’a montré hier en détail les coupures qui vous sont demandées. Elles me semblent acceptables, sauf celle sur la boulette de viande. Mais elle dit qu’il n’y aura aucune difficulté à garder ce passage si vous êtes d’accord avec le reste. Elle voudrait que vous lui écriviez immédiatement […]" (cachet postal du 19 octobre 1970).
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"[…] Je me suis remise au travail. J’avance à petits pas. Je m’occupe aussi de préparer avec les femmes du mouvement de libération un grand meeting sur l’avortement libre qui devrait avoir lieu fin janvier. C’est difficile à mettre sur pied […]" (cachet postal du 26 octobre 1970).
"[…] Mad in pursuit [La Folie en tête] me semble un excellent titre […]" (cachet postal du 19 novembre 1970).
1971
L’état de Violette s’aggrave, Simone s’efforce de la distraire et de la tenir au courant de l’avancée de ses travaux, de ceux de Sartre et de l’actualité littéraire. En juin paraît Le Taxi, dernier ouvrage publié de son vivant.
"[…] Vous avez trop de renseignements dans les dialogues, renseignements utiles pour le lecteur mais que les protagonistes n’auraient pas besoin de se communiquer […] J’aurais bien voulu en parler de vive voix avec vous. Et la suite des souvenirs ? […]" (cachet postal du 18 mars 1971).
De Rome : "[…] J’ai été étonnée de ne trouver à Rome aucune nouvelle de vous et j’allais vous écrire quand m’est arrivé votre petit mot. Nous avons été si heureuses de nous retrouver à Paris que je ne m’explique pas votre silence. Je veux vous répéter ce que je vous ai dit : avec un peu de travail et de sérénité, votre livre sera excellent. J’ai voyagé avec Sartre à travers l’Italie […] Je ne travaille pas mais je lis beaucoup. J’ai relu d’un bout à l’autre le Flaubert de Sartre et aussi le manuscrit du volume suivant qu’il vient d’achever […]" (cachet postal du 31 août 1971).
"[…] J’ai dit à Sartre ce que vous pensiez du Flaubert, ça lui a fait un vrai plaisir […] Je n’ai rien fait à Rome que relire Flaubert […]" (cachet postal du 23 septembre 1971).
À propos de la marche internationale organisée par le MLF : "[…] Nous avons défilé de la Bastille à la Nation avec des banderoles réclamant l’avortement […] Je lis beaucoup de littérature américaine féministe [...]" (cachet postal du 22 novembre 1971).
"[…] Mon livre s’achève tout doucement, je pense le remettre vers Pâques à Gallimard […] Je rencontre toujours des femmes du mouvement de libération […]". Elle évoque ensuite le soutien qu’elle entend apporter aux mineures enceintes dans un collège du Plessis-Robinson (cachet postal du 7 décembre 1971).
"[…] Il y a une magnifique exposition en ce moment au Grand Palais d’un peintre qu’on connaît mal en France, un Anglais, Francis Bacon. C’est un timide, angoissant, torturé mais c’est très beau […] Je ne lis que des broutilles, il ne paraît rien d’intéressant. Cependant j’ai bien aimé L’Irrévolution [de Pascal Lainé] qui a eu le prix Médicis. Pour le Flaubert, quand c’est trop difficile sautez. Il y a quantité de passages qui vous intéresseront […]" (cachet postal du 28 décembre 1971).
1972
"[…] Mon livre ressemble aux précédents, bien que je ne suive pas un ordre chronologique. J’espère le donner aux Gallimard pour Pâques […] Recevez-vous Les Temps modernes ? Il y a quelques bons articles […]" (cachet postal du 18 janvier 1972).
“[…] J’ai remis à Gallimard mon manuscrit. J’ai trouvé un titre : Tout compte fait… […]" (cachet postal du 21 avril 1972).
Le 28 mai Violette Leduc meurt à Faucon
Provenance : Violette Leduc, puis par descendance.
Référence : Carlo Jansiti, Violette Leduc, Paris, Grasset, 2013. -- Simone de Beauvoir, Les Cahiers de l’Herne, 2012, cahier dirigé par Éliane Lecarme-Tabone et Jean-Louis Jeannelle, p. 127. -- Violette Leduc. Correspondance 1945-1972. Lettres choisies, établies, annotées et préfacées par Carlo Jansiti, Paris, Gallimard, 2007. -- Jean-Louis Jeannelle, "Simone de Beauvoir et Violette Leduc : retour sur un parallèle biaisé de l’histoire littéraire", The Romantic review, vol. 107, n° 1-4, janvier-novembre 2016, p. 153-172.