Sculpture : Afrique, Océanie, Amériques
Sculpture : Afrique, Océanie, Amériques
Lot Closed
December 4, 03:46 PM GMT
Estimate
150,000 - 250,000 EUR
Lot Details
Description
Statue nkonde, Kongo Vili, République Démocratique du Congo
haut. 49,5 cm ; 19 ½ in
La statuaire à clous du Bas-Congo fait partie des monuments de l’art africain. Elle est connue du grand public en Europe et aux Etats-Unis depuis les premières expositions des années 1930, celle de l’Art Nègre (Palais des Beaux-Arts, Bruxelles, 1930), l’Exposition d’art africain et d’art océanien (Galerie du Théâtre Pigalle, Paris, 1930), l’African Negro Art (MoMA, New York, 1935), et plus encore celle du Stadsfeestzaal d'Anvers, Kongo-Kunst, en 1937. Son existence est par ailleurs rapportée dès la fin du XVIIe siècle par Olfert Dapper qui mentionne des sculptures dans lesquels sont enfoncés des morceaux de métal (Dapper, Dictionnnaire de l’Afrique, 1686 : 336). Cependant ce n’est qu’au début du XXe siècle que les secrets entourant ces objets magiques sont percés et divulgués par les voyageurs et chercheurs occidentaux. Ce fétiche à clous, ainsi souvent dénommés, appartient à la catégorie des nkonde. Ils ont été produits en grand nombre dans la région de la rivière Chilaongo par les ethnies Bembé, Yombé et Vili dès seconde moitié du XIXe siècle. Karl Laman en donne la signification en Kikongo : il s’agit d’une alliance, d’un accord, d’une confirmation et dia nkondi : former une alliance, une association fraternelle, établir par un serment (Laman, Dictionnaire Kikongo-Français, 1936, p. 726). En effet, le nkonde est un objet créé par le nganga, forgeron-sorcier, afin de créer un pont entre le visible et l’invisible, entre le monde des vivants et celui des ancêtres. L’action d’enfoncer un clou ou une lame dans la statue, dénommée koma nloko, scellait une requête auprès de l’esprit nkisi dont l’objet est investi et activait son pouvoir afin notamment de formaliser une demande d’aide, de guérison, afin de placer un contrat sous les auspices du nkisi, de se protéger contre un mauvais sort ou d’éloigner les voleurs etc. Le cloutage était la mémoire du sort reliée à cette action particulière et permettait d’exacerber le nkisi sur la tâche à accomplir. Josef Maes décrit le nkonde dans un article référence comme “étant de très grands fétiches, puissants et dangereux ; ils écoutent volontiers les abjurations et tue bien vite l’homme coupable.” (Maes, Fetischen of tooverbeelden uit Kongo, A.M.C.B., VI, II, I, 1935 : 6.)
Le pouvoir et l’ancienneté de ce nkonde se manifeste par l’impressionnant réseau de sollicitations dont il a été l’objet. Il est ici, en effet, envahi de clous sur tout le torse, les bras, le dos et les jambes, autant de témoins des invocations répétées. Les clous sont incrustés à certains endroits d’étoffes et de cordes composées de fibres végétales tandis que la patine crouteuse du visage résulte des nombreuses onctions propitiatoires et de fréquents crachements rituels de matières mâchées qu’il a subi. Ceux-ci sont réalisés pendant la récitation de la prière et ensemble avec l’enfoncement du clou (Lehuard, Fétiches à cloius du Bs-Zaire, 1980 : 188-189). Ce nkonde, comme c’est souvent le cas, a été dépourvu de ses charges magiques aussi bien ventrale que dorsale, mais aussi de celle de la tête et son bonnet mpu. Ces charges étaient fournies des bilongos, les ingrédients utilisés par le nganga pour les confectionner. Le kundu en particulier est ce réceptacle ventral fermé par un miroir. Ce miroir permettait au nganaga de visualiser le monde invisible, c’est la porte permettant de pénétrer l’autre monde.
L’expression du visage de la sculpture est saisissante. En tant qu’incarnation du défenseur de la communauté et d’arbitre des conflits, le nganga lui confère à ce titre des traits durs et intimidants. Il a été souligné que la tête jouait dans ce contexte un rôle prédominant, le point focal du corps auquel le sculpteur portait une attention particulière afin de lui conférer un aspect naturaliste convaincant (Lagamma, Kongo. Power and Majesty, 2015 : p. 241). Cette figure s’apparente à l’ethnie des Vili de la région de Loango. Il n’est pas toujours aisé de la distinguer stylistiquement de de celle des Bayombé en particulier. Cependant le visage de ce nkonde présente une morphologie caractéristique. Il est strictement ovale tout d’abord et les joues en particulier sont légèrement joufflues. Nous sommes en présence ici d’une pièce remarquable, du soin qui y fut portée par le nganga sculpteur, à la patine rituelle d’usage du visage jusqu’à l’impressionnant martelage incantatoire de clous, cette sculpture imprègne l’atmosphère d’une aura saisissante.