Sculpture : Afrique, Océanie, Amériques
Sculpture : Afrique, Océanie, Amériques
Lot Closed
December 4, 04:04 PM GMT
Estimate
200,000 - 300,000 EUR
Lot Details
Description
Statue, Moai Papa, Île de Pâques
haut. 41 cm ; 16 ⅛ in
"Il est au milieu du Grand Océan, dans une région où l'on ne passe jamais, une île mystérieuse et isolée ; aucune terre ne gît en son voisinage et, à plus de huit cents lieues de toutes parts, des immensités vides et mouvantes l'environnent." Pierre Loti, L'île de Pâques. Journal d'un aspirant de La Flore, 1872, p. 5
Découverte en 1722 par le marin hollandais Jakob Roggeveen, l’Île de Pâques n’a cessé de fasciner les Occidentaux. Si les colosses de pierre moaï, effigies imposantes d'aristocrates divinisés, marquent d’emblée les esprits, c’est en 1774, lors du voyage du capitaine James Cook, que des sculptures en bois y furent pour la première fois collectées. Les témoins de cet art raffiné arrivent donc en Europe dès la fin du XVIIIe siècle, révélant à l’Occident le génie créatif des Rapanui (Pascuans), tant dans les multiples réinventions de la figure humaine que par la modernité des formes.
Parmi tous les corpus d’œuvres pascuanes c’est certainement celui des moai kavakava et moai papa qui intrigua le plus les occidentaux. A la fascination qu'exerça d'emblée leur esthétique répondirent très vite les nombreuses spéculations liées à leurs caractéristiques morphologiques et à leurs fonctions.
Les statues anthropomorphes moai papa (papa désignant leur torse plat) sont le plus souvent considérées comme les contreparties féminines du moai kavakava (figures à côtes). Ce sont des œuvres rares, dont une vingtaine seulement sont publiées. Leur rôle cérémoniel, de même que leur gestuelle et la surprenante minceur du torse, demeurent inexpliqués.
Tandis que le moai kavakava impressionne par son attitude autoritaire et agressive, la moai papa séduit par son élégance, offerte notamment par les doigts effilés aux pouces recourbés. La pose est conventionnelle, un bras replié barrant le buste, l'autre tendu, la main affleurant le bas-ventre. Monumentale, la tête impose la puissance et la gravité du visage aux traits stylisés, l'intensité de l'expression offerte par les pupilles d'obsidienne (dont l'une est manquante) cerclées d'os. Elle se distingue notamment par la beauté du dos, dont la pureté formelle est exacerbée par la veinure serrée du bois et par le motif circulaire ponctuant la région lombaire, tandis que les plans inclinés de la tête font glisser le regard en profondeur, suivant le glyphe crânien du poulpe, dont les bras se confondent avec la chevelure. Enfin, la fluidité des lignes et la finesse des modelés sont mises en valeur par les nuances brun rouge du bois dur (probablement de sophora toromiro).
Stylistiquement, cette œuvre s'apparente à la moai papa collectée par Pierre Loti en janvier 1872 (ex. Collection Pierre Loti puis André Breton, in Leiris, 2008 : 26, fig. 10).
A l’élégance et à la rareté de cette sculpture s’ajoute sa provenance prestigieuse. Acquise au début du siècle par Josef Mueller (1887-1977) - l'un des plus importants collectionneurs du XXe siècle – qui fut également l'un des premiers à présenter sous un même regard les toiles des plus grands maîtres modernes et les chefs-d'œuvre des arts dits "primitifs » elle rejoignit ensuite la prestigieuse Collection d’Art Océanien de Monsieur et Madame Rosenthal dispersée par Sotheby’s en 2010.