Masque, Yauré, Côte d'Ivoire | Yaure mask, Côte d'Ivoire

Rare de part leur ingéniosité, leur originalité et leur virtuosité sont les masques Yauré qui ne sont pas surmontés d’un attribut animal, mais d’un personnage. Quatre furent répertoriés par Boyer, dont un acquis par Louis Carré en 1935 auprès de Innocent Moris qui fut, avec Heymann et Brummer, l'un des premiers à ouvrir une boutique d'Art primitif à Paris en 1910. Le Chef d’œuvre de Louis Carré fut exposé en 1935 à la Valentine galerie de New York.

« Le masque, notamment sous ses aspects irréels et animaux, est la face divine et plus spécialement la face du soleil, que traverse le rayonnement de la lumière spirituelle. » (J.Chevalier, A. Gheerbrandt, « Des symboles. Mythes, rêves, coutumes », 1969, p.710).

Chez les Yauré, les masques étaient des intermédiaires servant à influencer les forces surnaturelles nommées Yu, responsables des maux des hommes, des déséquilibres dans la communauté tout comme de leur prospérité.

Entités spirituelles intermédiaires, ils intercèdent entre les humains et le Dieu créateur invisible pour vaincre et conjurer la peur du déséquilibre social, du désordre, pour rétablir et favoriser l’harmonie de la communauté. Parmi les nombreuses sociétés d’initiation secrètes, prévaut celle du Dyè, y intervenaient une série de sept masques symbolisant les sept emblèmes du Yu.

Selon Eysseric, ils étaient considérés comme extrêmement dangereux « les danses se pratiquaient ordinairement la nuit. Les femmes ne peuvent sortir de leur case, car si elles assistaient à cette cérémonie fétiche, elles mourraient. ». Dansés pour rétablir l’ordre social et politique mis à mal et entraîné par le décès d’un des membres clé de la communauté, cet exemplaire apparaissait en avant dernier, il incarnait la personne décédée. Il servait à envoûter, à charmer par sa beauté klomon yu une divinité chargée de régénérer la société.

Patine noire brillante aux nuances rouges acajou, dont les reflets révèlent de subtils effets du modelé. Les arcades sourcilières finement suggérées se rejoignent au sommet de l’arête nasale pour mieux se fondre en elle et mener le regard vers le nez superbement ciselé. Les paupières en léger relief dessinées en amendes, intensifient l’intériorité soulignée par les yeux fendus, démesurément étirés. Hans Himmelheber avait rapporté les propos du célèbre sculpteur Yauré Kuakudili; « la bouche du masque permettait de comprendre son état d’âme », la petite moue de la bouche close confère au masque une sagesse contenue.

Le visage ovale est magnifié par une collerette dentelée ajourée. « Le motif trilobé gravé », B. Holas, en relief, de forme circulaires finement nervurés, orne les tempes et le front. De profil, cette délicate coiffe répond par ses courbes au front bombé, ainsi qu’aux contre-courbes des pommettes, des joues, du bas du visage intériorisés: jeu savant et subtil de plans, de volumes, et de reliefs vivifiant et dynamisant le visage.

Prouesse technique, beauté calligraphique, sujet moderniste, presque surréaliste, remarquable, rare et hors champs thématique classique: le sommet du visage est animé d’un personnage tout en équilibre, souplesse et majesté.

Sa présence, sa prestance semblent incarner les qualités chères aux Yauré; maîtrise, sérénité et capacité à équilibrer les contraires.

Agilité équilibrée de cette figure masculine, les mains posées de part et d’autre de l’ombilic anguleux, les jambes semi-fléchies. Détermination équilibrée sereine, rendue grâce à sa posture, à son assurance, à l’intériorité du visage aux yeux clos duquel émane une quiétude éradiquant les maléfices.

La superbe harmonie architecturale et l’originalité de la composition de ce masque témoignent de la magistrale technicité et inventivité des Yauré.