Lot 19
  • 19

CUILLER, DAN, CÔTE D'IVOIRE |

Estimate
400,000 - 600,000 EUR
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Description

  • haut. 52 cm ; 20 1/2 in

Provenance

Olivier Le Corneur (1906-1991), Paris
Collection Jean-Marie Talleux, Grand-Fort-Philippe
Collection Marceau Rivière, Paris, acquis ca. 1983

Exhibited

Zurich, Museum Rietberg Zurich, Cuillers-Sculptures, 20 septembre 1990 - 20 janvier 1991 / Paris, Musée Dapper, 31 janvier - 28 avril 1991
La Flèche, Château de Carmes, Arts premiers de Côte d'Ivoire, 11 janvier - 3 mars 1997 / Nogent-le-Rotrou, Musée municipal du Château Saint-Jean, 8 mars - 28 avril 1997
Turin, Galleria d'Arte Moderna, Africa. Capolavori da un continente, 2 octobre 2003 - 15 février 2004
Milan, Museo delle Culture, Africa. La Terra degli Spiriti, 27 mars - 30 août 2015

Literature

Bastin, Introduction aux Arts d'Afrique Noire, 1984, quatrième de couverture
Arts d'Afrique Noire, Index, 1986
Falgayrettes-Leveau, Cuillers-Sculptures, 1991, p. 82 et 84, n° 37
Boyer, Girard et Rivière, Arts premiers de Côte d'Ivoire, 1997, p. 52-53 et 128, n° 37
Bassani, Africa. Capolavori da un continente, 2003, p. 200 et 356, n° 3.33
Bassani, L'Art Africain, 2012, p. 278, n° 247
Bassani, Homberger, Pezzoli et Zevi, Africa. La Terra degli Spiriti, 2015, p. 70- 71
Aimi, "La terre des esprits présentée à Milan", Tribal Art Magazine, Eté 2015, n° 76, p. 81
Grunne (de), La danse des cuillères Dan, 2019, p. 67, n° 18

Catalogue Note

Mègalumia, « cuiller sur pieds » des Dan Par Alain-Michel Boyer 

Une cuiller qui marche : on pourrait croire à l’innovation audacieuse du design le plus moderniste alors qu’elle existe depuis longtemps chez les Dan et leurs voisins les Wè. Ce n’est pas une banale cuiller mais un objet de prestige. Jamais utilisée lors de repas ordinaires, cette louche cérémonielle fut, comme l’atteste sa patine, souvent manipulée, mais surtout brandie comme un sceptre au cours de réceptions - célébration d’un défrichage, retour des circoncis, etc.  Des femmes rivalisant de générosité mettent un point d’honneur à rassembler et préparer la nourriture. En Afrique la richesse inspire déférence et respect : chacune veut surpasser en prodigalité ses concurrentes afin d’acquérir le titre de wakede (« reine de la fête ») – klonyano chez les Wè. La louche sert de mesure pour répartir les vivres dans les plats communautaires où chacun va puiser en se servant de sa main droite. Mais lorsque la triomphatrice est désignée, l’ustensile devient son trophée et elle déambule en le tenant à bout de bras[1]. Appelé généralement mia, il prend le nom de mègalumia [mɛgalymia] lorsque, comme celui-ci, il est doté de jambes.

Ce que l’on constate à merveille : si un être humain, du torse jusqu’aux pieds, avec des hanches et des cuisses aux courbes sensuelles, est sculpté sur cette œuvre qui ne cède en rien aux créations les plus réussies de la statuaire, c’est parce que le corps en mouvement est d’une importance cruciale dans son utilisation ; et si le visage aboli a été remplacé par la surface concave du cuilleron, c’est pour offrir une vision ostentatoire de la largesse. Avec une grande autorité plastique, les exigences utilitaires ont été transmuées, sublimées. Les deux parties se rejoignent en une souveraine unité, harmonisant creux et pleins, lignes et formes elliptiques afin que les volumes gardent le souvenir d’un creuset commun - si bien que l’objet s’impose alors comme un double de la femme qui le brandit. Symbolisant l’opulence, la générosité, il lui permet d’assurer un ascendant par l’entremise de la munificence.

[1] Pour des photographies de telles parades, voir : Alain-Michel Boyer : Wè (Guéré, Wobé, Kran), un art d’Afrique entre assemblage et constructivisme, Milan, 5Continents, 2019, pp. 58-60. Trad. anglaise: We (Guere, Wobe, Kran), an African Art between Assemblage and Constructivism, Milan, 5Continents, 2019, pp. 58-60.

Megalumia, Dan “standing spoon”

By Alain-Michel Boyer

A walking spoon: it sounds like the boldest of modernist design innovation. The concept it has in fact existed for a long time amongst the Dan and their We neighbours. No more is it a mere spoon but rather an object of prestige. Never used during ordinary meals, this ceremonial ladle was, as evidenced by its patina, often manipulated, but mostly brandished as a sceptre during receptions - celebrating a clearing of land, the return of circumcised men, etc. Women vying to outdo each other in generosity made it a point of honour to gather and prepare the food. In Africa wealth commands deference and respect: each woman wishes to outshine her competitors to acquire the title of wakede ("queen of the feast") - or klonyano for the We. The ladle serves as a measuring device for distributing food in community dishes that everyone will draw from using their right hand. When the victor is designated, the utensil becomes her trophy and she walks around holding it at arm's length . Generally known as mia, it becomes megalumia [mɛgalymia] when, as is the case here, it has legs.
What can be seen in majesty here: although a human figure is sculpted in this piece, from torso to feet, with sensual curving hips and thighs, on a par with the most successful creations of the statuary, it is because the moving body is of crucial importance in its use : the face has been replaced by the concave surface of the spoon it is to offer an ostentatious vision of largess. With great artistic authority, the utilitarian requirements have been transmuted, sublimated. Both parts come together in a majestic unity, balancing hollows and full spaces, lines and elliptical shapes so that its volumes retain the memory of a common crucible - the object becoming a double of the woman who brandishes it. As a symbol of opulence, generosity, it enables the owner to gain ascendancy through munificence.