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MAUPASSANT. LAS JOSEPH PRUNIER, ADRESSÉE À "MON CHER HADJI" [A. DE JOINVILLE]. 8 JUIN 1878. 4 PP. SOUS CHEMISE.
Estimate
3,000 - 4,000 EUR
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Description
- Lettre autographe à mon cher Hadji [Albert de Joinville], signée Joseph Prunier, datée Paris ce 8 Juin 1878
4 pages sur un bifeuillet in-8 (212 x 135 mm) à l’encre noire sur papier à en-tête du Ministère de la Marine, illustré d’un amusant dessin original à la plume, sous chemise demi-maroquin noir moderne. Amusante lettre illustrée, comportant un passage libre, témoignage de l’existence du jeune Maupassant canotier. Cette lettre est adressée à Albert de Joinville, grand ami de jeunesse de Maupassant, qui l’avait surnommé Hadji (à cause de ses initiales) et N’a qu’un Œil (il portait un monocle). Joinville — qui finira administrateur de la Compagnie des Chemins de Fer de l’Est — était alors le compagnon de débauche de Maupassant, également amoureux de la jeune Mouche que se partageaient Maupassant et ses amis canotiers, sujet d’une célèbre nouvelle (Mouche, dans L’Inutile Beauté, 1890). C’est donc l’atmosphère même de cette nouvelle qu’évoque cette lettre, adressée à l’un des protagonistes et où il est longuement question d’une excursion en canot. Une des rares lettres connues de Maupassant à Albert de Joinville (à l’exception d’un court extrait d’une autre). Maupassant demande un renseignement sur le prix du vin, donne des nouvelles de sa mère dont la santé l’inquiète. Cependant il compte bien profiter de la Pentecôte pour faire une grande excursion nautique, dont il détaille le programme : il ira avec Pichon comme barreur [le célèbre La Tôque, autre grand ami de Maupassant] de Chatou à Poissy, puis Conflans. J’ai défié tous les canotiers de Chatou de faire cette excursion avec moi, tous ont reculé — je suis fier. Suit un passage très libre sur La Tôque, qui, passe son temps dans les bals de la Reine Blanche et de la Boule Noire à lever les petites putains qui débutent (16 et 17 ans), il leur fait naturellement minette et est rongé le lendemain et les jours suivants, non de chancres, mais d’inquiétudes. Il commence à avoir des goûts de vieillard. Vient ensuite un passage accompagné d’un amusant dessin original à la plume : un vieillard court derrière des petites filles, sous l’œil d’un gendarme barbichu. Maupassant évoque ensuite Petit Bleu [Léon Fontaine] : Je vois fort peu Petit Bleu qui valse quadrillonne, etc, etc., fait la cour aux petites filles, ce qui ne l’empêche pas, m’a-t-on dit, de courir après les putains. Il poursuit : Quant à moi je suis sobre comme un chameau, sage comme Wolff [le critique Albert Wolff], et retiré en moi-même loin de tout. Je fais un roman [Une Vie, qui ne sera publié qu’en 1883] et j’y travaille dur, il n’y a que cela qui m’amuse. Il est allé à Chatou, mais les gueulements de ces imbéciles m’ont exaspéré et je suis parti. En post-scriptum, il s’écrie quatre fois : Vive Nobiling !!!! [Ch.-Edouard Nobiling, publiciste allemand qui avait, le 2 juin 1878, tenté de tuer l’empereur Guillaume Ier], et conclut par cette déclaration anarchiste : Axiome - Quand il y aura dans chaque royaume ou empire, seulement dix hommes bien résolus à tuer le souverain quel qu’il soit, les monarchies seront bien près de leur fin. Les canotiers, Chatou, La Tôque, N’a qu’un Œil, les filles faciles, la littérature, sa mère : c’est l’univers du jeune Maupassant et d’Une Partie de campagne réunis dans cette amusante lettre illustrée, signée de son pseudonyme d’alors Joseph Prunier. Les lettres de jeunesse sont rares, beaucoup ayant été détruites en raison de leur ton souvent très libre. Publiée in Bulletin Flaubert-Maupassant, n° 9, 2001, p. 337-341.