Lot 165
  • 165

Proust, Marcel

Estimate
20,000 - 30,000 EUR
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Description

  • Proust, Marcel
  • 10 lettres autographes signées à Max Daireaux. [1908-1917.]
  • ink on paper
Total de 47 p. in-12 ou in-8, sur 13 bifeuillets. Signées "Marcel Proust".
Feuillets d'un des bifeuillets presque séparés.

Bel ensemble d'amusantes lettres à un jeune homme qui devait beaucoup plaire à Marcel.



Proust avait rencontré le jeune Max Daireaux (1884-1954), de treize ans son cadet, à Cabourg en 1908. Souvent badines et amusantes, les lettres de Proust le montrent à la fois désireux de plaire au jeune homme qu’il veut introduire au Figaro et chagrin de ne pas recevoir ses visites. Avec le temps, Proust se montre moins sensible à la distance que met entre eux le jeune écrivain, bien que nostalgique de leurs jours passés à Cabourg. Il le conseille sur ses écrits et raconte des anecdotes amusantes qui ont inspiré certains passages de la Recherche.



Ces 10 lettres et celle que nous présentons à part en raison de son importance (voir lot 175) sont les seules connues de Proust à son ami, hormis un envoi dans un exemplaire des Plaisirs et les Jours (Kolb, VIII, n° 118) et une lettre de juillet 1910 (Idem, X, n° 59). 



1. Versailles, [6 octobre 1908]. 4 p. in-8, sur un bifeuillet. Papier de petit deuil. Filigrane "Imperial Treasury Delarue".
Amusante lettre, à propos d’une "tendre lettre" qu’il lui avait écrite et qu’il "croyai[t] spirituelle", mais qu’il a égarée et cherchée longtemps en vain sous son lit : Max ne saura donc rien du poème qu’il lui écrivait (et dont il recopie 4 vers : "Mon Cœur autrefois doux, depuis ce soir élit / Pour te haïr toujours la dame Spinelly / Et j’aimerais tant voir un omnibus / Sur le corps du nommé Dolfus"), ni des "dialogues de Reynaldo" le taquinant, ni de l’accident de d’Alton, etc. Il termine une amusante liste de prétéritions en disant : "Cher ami personne ne connaîtra jamais cette lettre, pas même celui dont le souvenir aimé l’avait dictée. C’est fâchant. Tout à vous, Marcel Proust". Référence : Kolb, VIII, n° 127.



2. Le piston proustien. [Vers mai 1909]. 7 p. in-12, sur 2 bifeuillets.
Sollicité par son jeune ami pour que soit publié un de ses articles dans le Figaro, Proust répond qu’il n’est pas la meilleure personne pour lui rendre ce service : non seulement sa santé est si mauvaise "que par moment la perspective d’être interné dans une maison de santé [lui] apparaît comme une ‘solution’", mais surtout il ne voit pas souvent ses amis du Figaro et a peu d’influence : par rapport à Caillavet ou au directeur du Supplément, par exemple, "je suis côté de lui à peu près comme une puce à côté de la Tour Eiffel. Néanmoins en cette qualité de puce je saute avec joie sur l’occasion de vous témoigner mon zèle et ferai tout mon possible pour insérer vos fantaisies". Référence : Kolb, IX, n° 43.



3. Rêve ou réalité. [Vers mai 1909]. 4 p. in-12, sur un bifeuillet.
Décidément très distrait, Proust a cru avoir reçu un mot de Daireaux, mais n’en est pas certain : "L’ai-je rêvé ? Ai-je reçu cette carte ? J’incline vers le rêve mais n’en sais rien". Et de devancer ce que son interlocuteur pourrait comprendre : "Si j’ai rêvé, au nom du ciel n’allez pas croire que ceci soit une ruse, afin d’être invité aux soirées ou matinées de cette dame. […] Mais si par hasard c’était une réalité, dites-moi ce que je dois faire." Il s’inquiète ensuite des projets avec Le Figaro de la lettre précédente. Référence : Kolb, IX, n° 54.



4. Dans l'attente de nouvelles de son ami. [Avant la mi-août 1909]. 7 p. in-12, sur 2 bifeuillets.
Remarquant que Daireaux ne reçoit pas toutes les lettres qu’il lui envoie, Proust voudrait savoir s’il a bien reçu celle où il lui demande "si c’est en rêve ou en réalité" (voir ci-dessus), et pourquoi il n’a pas de ses nouvelles alors qu’il a réclamé à plusieurs reprises “de téléphoner et de venir [le] voir, ou même sans téléphoner. […] Est-ce bien gentil ?" Il hésite à aller à Cabourg (“Mais comme c’est là que je respire le mieux c’est possible”) et regrette de ne pas plus voir son ami : “Alors est-ce la peine de se connaître ? Je tremble en pensant aux lettre peut-être non arrivées où je vous disais mille obscénités sur les dames Cabourgeoises”. Concernant le Figaro, il n’y a pas renoncé, même s’il n’y a “pas écrit depuis le pastiche [sur Régnier] que vous avez pastiché”. Référence : Kolb, IX, n° 77.



5. [Vers le 31 décembre 1909]. 7 p. in-12, sur 2 bifeuillets. Filigrane “Imperial Diadem”. Lettre très longue, à l’écriture très dense.
2 feuillets du premier feuillet presque séparés.
Annonçant qu’il s’est enfin mis à écrire son roman, il n’écrira qu’une lettre "du jour de l’an” : ce sera celle qu'il adresse à son jeune ami. Il se montre froissé que Daireaux ne soit jamais venu le voir : “Si c’est parce que vous aviez à faire vous avez bien fait, si c’est par indifférence vous avez bien fait, si c’est par discrétion vous avez mal fait.” Profitant que son appartement est en travaux (pour recouvrir la chambre de liège), il est allé à Cabourg, “croyant chaque jour que je repartirais le lendemain, ce qui faisait que je n’osais pas vous écrire […] A Cabourg, je ne suis pas descendu une seule fois sur la digue, ma santé ayant fort décliné depuis un an.” Cabourg est dans son esprit inséparable de Max Daireaux, qui lui a donc beaucoup manqué. Référence : Kolb, IX, n° 126.



6. Conseils à un jeune littérateur. [10 juillet 1910]. 4 p. in-12 sur un bifeuillet. Lettre écrite à la hâte, d’une large écriture spontanée.
J’ai lu, aimé, ces pages plus bourrées d’esprit”, dit-il de celles que lui a fait lire Daireaux, mais : “J’ai peur que si je les envoie elles semblent trop crues, donnant prétexte par leur grossièreté à un refus toujours agréable aux formalistes.” Il préfère les garder et les porter lui-même à Calmette. Il s’excuse de de cette lettre écrite trop rapidement, d’une mauvaise écriture : “je soufre tant aujourd’hui que je ne peux écrire. J’espère que vous pourrez lire tout de même.” Référence : Kolb, X, n° 63.



7. [Nuit du 11-12 juillet 1910]. 4 p. in-12 sur un bifeuillet.
Il est allé au Figaro récupérer le manuscrit de son roman [Contre Sainte-Beuve] : "Je n’ai pu que reprendre avec une certaine mélancolie le manuscrit de mon roman dans cette maison où je fus jadis plus choyé”, ajoute-il "Comme post scriptum à la lettre que vous avez dû recevoir de moi ce soir” (voir lettre précédente). Il est allé consulter Beaunier au Figaro (voir lots 153 et 177), mais n’a pu le voir, ni Caillavet, ni Robert de Flers. Il s’amuse d’une lapalissade : “les journaux ne retentissent que de votre livre [Les Premières amours d'un inutile], il est vrai que son nom me frappe plus que les autres et c’est pour cela que je le remarque davantage (Lapalissade).Référence : Kolb, X, n°64.



8. [Après le 15 novembre 1911]. 2 p. in-12 sur un bifeuillet.
Il vient de lire un des textes de son ami : “Mais que c’est joli ! Qu’à tout moment on a envie de rire, quelque fois de pleurer. Cette chevelure d’un être invisible (le soleil) est une charmante chose. Auteur et Hauteur excellent.” Il se permet tout de même de corriger quelques irrégularités de langage : “Mais avec morgue, n’est-ce pas avec mépris ? […] “Pas follement, mais de tout cœur, ce qui est pour lui était énorme” n’a aucun sens. Mais tout le reste en a, et si fin et si fort qu’on pourrait faire un recueil de “pensées” extraites de Timon et Zozo qui ne serait pas piqué des vers.Référence : Kolb, X, n° 189



9. Amusante lettre sur Illiers, la mémoire et ses “ridicules”. [Après le 19 juin 1913]. 4 p. in-12 sur un bifeuillet. Filigrane “Imperial Diadem”.
Il salue le “don élégiaque et de poète” de son ami, son talent “d’ironiste et de peintre de caractère” dont il apprécie aussi la “pensée scientifique” (allusion aux réponses scientifiques à sa lettre de juin 1913, voir lot 175), faisant de lui un “Homo triplex”. Évoquant son esprit qui “emmagasine précieusement ce que j’ai observé [de mes ridicules].”, il raconte un “mot bête” qu’il emploiera dans les Jeunes filles en fleurs, il est prononcé par Odette : “L’autre jour, feuilletant un volume sur la petite ville d’où nous venons et où une rue porte le nom de papa, une celui de mon oncle, où le jardin public est le nom de mon oncle, etc. je lisais les noms dans les plus humbles emplois des Marcel Proust, greffiers ou curés ou baillis du XIVe au XVIIe siècle ; je pensais à ces parents lointains non sans un certain attendrissement quand tout d’un coup un mot magnifique de stupidité, tel qu’un de mes personnages du second volume en aurait eu besoin, me revint pour la première fois à la mémoire.” Et de remémorer une conversation qu’il a eu dans le passé, et qui l’a laissé “pétrifié comme le petit garçon qui dans le Livre de mon ami dit “Bonjour Monsieur” à la dame qu’il aimait”. Référence : Kolb, XII, n° 93.



10. [vers juillet 1917]. 4 p. in-12 sur un bifeuillet. Filigrane “Imperial Diadem”.
Il félicite son ami franco-argentin des vers qu’il vient de publier : "Unissant en vous l’Amérique latine et la France, vous les avez vraiment unies dans vos vers comme un autre n’aurait pu le faire ; car tant de noms qui hélas pour vous ne sont que des noms, vous en avez fait étinceler les couleurs pour vous à demi maternelles. […] je suis heureux, il m’est bien doux que ces beaux succès mérités mêlent leur noble éclat à votre deuil.”. Référence : Kolb, XVI, n° 94.



[On joint :]
Daireaux, Max. Lettre autographe signée à Marcel Proust. [Vers mai 1909.] Une p. in-8. Il envoie des "échantillons" de ses écrits qu’il veut présenter au Figaro ; la lettre ci-dessus (n° 2) de Proust en est peut-être la réponse. Kolb, IX, n° 44.



Daireaux, Max. Paradoxes et Lieux communs. Le Five O’clock. Timon et Zozo. Timon à la poste, etc. [Peu avant la lettre précédente de mai 1909.] 8 articles dactylographiés (46 feuillets in-4) qu'il soumet à Proust pour les publier au FigaroTimon et Zozo paraîtra en volume en 1911 chez Calmann-Lévy. Voir Kolb, X, note 2, p. 377.

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Feuillets d'un des bifeuillets presque séparés.
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