Lot 63
  • 63

Corneille de La Haye dit de Lyon et son atelier

Estimate
200,000 - 300,000 EUR
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Description

  • Corneille de La Haye dit de Lyon et son atelier
  • Portrait de Madame Anne de Pisseleu, Duchesse d'Etampes
  • Huile sur panneau
  • 17 x 14 cm ; 6 3/4 by 5 1/2 in

Provenance

Collection Georges de Monbrison (1830-1906), château de Saint-Roch, Le Pin, Tarn-et-Garonne, salle de billard, avant 1913 ;
Probablement Eugène Kraemer, Paris ;
Galerie Kleinberger, Paris ;
Collection Leopold Hirsch (1857-1939), Londres.

Exhibited

Les Primitifs français, Paris, musée du Louvre, n°175 (daté vers 1548), 1904 ;
French Exhibition, Londres, Royal Academy of Arts, Burlington House, sans num., 1931 ;
Exhibition of French Art, Londres, Royal Academy of Arts, Burlington House, n° 96, 1934.

Literature

J. Frayssinet, « La Galerie de portraits de M. de Monbrison », Revue de Gascogne. Bulletin mensuel de la Société historique de Gascogne, vol. 25, 1884, p. 30-31 ;
F. Kenner, « Die Portätsammlung des Erzherzogs Ferdinand von Tirol », Jahrbuch der kunsthistorischen Sammlungen in Wien, vol. XIX, 1898, p. 70-71 ;
L. Dimier, Le portrait du XVIe siècle aux Primitifs français, Paris, 1904, n° 174 ;
L. Dimier, Histoire de la peinture de portrait en France au XVIe siècle, Paris, Bruxelles, 1924-1926, t. II, n° 243 ;
A. Defries, « The French Exhibition at Burlington House », The French Quarterly, vol. 13, 1931, p. 151 ; 
W. G. Constable, P. Léon, Exhibition of French Art. 1200-1900, cat. exp., Londres, Royal Academy of Arts, Burlington House, 1932, p. 52, cat. 96 ;
A. de Groër, « Nouvelles recherches sur Corneille, à la lumière du Portrait de Pierre Aymeric », Revue du Louvre et des musées de France, 28, n° 1, 1978, p. 42, n. 32 ;
A. Dubois de Groër, Corneille de La Haye dit Corneille de Lyon, Paris, Arthéna, 1996, p. 133, cat. 28A, repr. ;
A. de Wismes, Les Grandes favorites royales, Sainte-Luce-sur-Loire, 2012, p.17, repr.

Condition

Le tableau est dans un état de conservation satisfaisant. Le vernis est encrassé, a besoin d'être allégé. On remarque un fin réseau de craquelures caractéristique de la période, notamment au niveau des carnations. Il est sur un panneau de chêne non parquetée. Le panneau a été aminci, puis doublé à l'arrière. Une bande de deux millimètres a été ajoutée de chaque côté. Aucun début de fente, la matière est parfaitement stable. A la lampe UV : Le tableau apparaît sous un vernis vert épais, partiellement allégé dans les carnations. Quelques légères reprises très anciennes dans les fonds, ainsi qu'une reprise sombre le long du bord droit. Par contre le vêtement, le visage, le buste et le bijou sont très bien préservés. The painting is in an overall good condition. The varnish is dirty, needs to be lightened. We can see a thin grid of cracks typical of the period, especially on the skin of the character. It is on a Oaktree panel made uncradled. The panel has been flattened and lined on its back with another panel. A thin strip of two millimeters has been added on both sides. We cannot see any begin of slit. The painting is perfectly stable. Under the UV light : the painting is under a thick green varnish partly lighten on the skin of the character. Few light very ancient restauration on the background. There is a dark repainted area along the right edge On the other hand, the cloth, the face, the chest, the jewel are very well preserved.
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Catalogue Note

Nous remercions Alexandra Zvereva pour la rédaction de cette notice.

À en croire l’historiographe bordelais Arnoul Le Ferron, c’est en 1526, en revenant de sa captivité espagnole que le roi François rencontra la belle Mademoiselle d’Heilly, suivante de Louise de Savoie, la mère du roi, et « se pleust fort en la douceur de sa conversation » (De rebus gestis Gallorum, Paris, 1554). Plus explicite, Brantôme assure que Louise « la produisit au roy François à son retour d’Espagne, laquelle il prit pour sa maistresse » (Dames galantes).
Mais c’est le terme de « favorite » – favoreth nota l’ambassadeur anglais en 1527 – qui sied le mieux à celle qui, deux siècles avant la marquise de Pompadour, sut capter non seulement l’intimité, mais aussi le cœur et l’oreille d’un roi. François Ier ne la quitta plus, estimant son charme, sa conversation et son intelligence. Soucieux de son statut, il la maria, en 1532, à Jean IV de Brosse de Bretagne. Deux ans plus tard, il donna aux époux le comté d’Étampes, érigé en duché en 1537, offrant ainsi à Anne le titre qui lui manquait. Dès lors, l’influence de la favorite ne cessa de grandir : dans les dernières années du règne, la plupart des conseillers importants du monarque étaient des alliés ou des dépendants de la duchesse. Anne agissait également beaucoup elle-même et fut la première des grandes maîtresses en titre de la cour de France à posséder un pouvoir politique réel.
L’avènement de Henri II fut, pour la duchesse d’Étampes, synonyme de disgrâce. Elle se retira dans ses terres et dut supporter plusieurs procès intentés par son époux. Elle mourut en 1580 dans son château d’Heilly.
De cette dernière période de sa vie, date un portrait montrant la duchesse en habit de veuve et dont subsistent deux répliques dessinées. Cette image clôt une iconographie étonnamment réduite et qui semble trancher avec la place qu’Anne de Pisseleu occupa à la cour de François Ier. Car le portrait en veuve n’est qu’un rhabillage d’une œuvre réalisée vers 1535 par Jean Clouet, portraitiste en titre du roi, et connue par des copies seulement.
On n’aurait eu qu’une idée très vague des charmes de la belle blonde sans le portrait tiré d’elle par Corneille de La Haye, plus connu aujourd’hui sous son surnom apparu tardivement, Corneille de Lyon. Installé dans cette ville depuis 1533 au moins, l’artiste se rendit célèbre par ses portraits de dimensions très réduites et à fonds colorés, peints directement sur panneau de bois en quelques séances de pose. Ses premiers clients étaient des notables, suivis bientôt par les gentilshommes et les dames de la cour qui profitaient des séjours du roi à Lyon pour se faire peindre.
La duchesse d’Étampes posa probablement pour Corneille en 1536 : cette année, la cour resta plus de huit mois à Lyon. D’une grande délicatesse, ce portrait finit par éclipser toutes les autres représentations de la favorite. Aussi, quelques cinquante ans plus tard, c’est cette image que choisit de faire copier l’archiduc Ferdinand de Tyrol pour sa galerie du château d’Ambras. Anne y apparaît rayonnante de beauté, regard bleu clair dirigé hors du cadre et lèvres animés d’un léger sourire. Elle est vêtue d’une robe de velours noir brodée de fils d’or au décolleté orné de perles et de pierreries. Les amples manches tailladées et la cotte sont de soie blanche qui garnit également l’élégant escoffion (bonnet) posé sur ses cheveux blond doré. Deux cottoires (colliers) complètent la tenue de la jeune femme, dont une en or avec un pendentif en forme d’un A majuscule, l’initiale de la duchesse. Ce pendentif n’est pas sans rappeler un autre bijou célèbre, en forme d’un B, qu’arbore Anne Boleyn dans son tableau peint par Holbein trois ans plus tôt (perdu).
Deux versions du portrait d’Anne de Pisseleu sont localisées : la nôtre et celle conservée au Metropolitan Museum of Art (fig. 1). Si la présentation est identique, le traitement diverge considérablement : très libre dans la peinture newyorkaise, il est plus précis et attentif dans la nôtre. La touche fine décrit chaque perle, chaque maillon émaillé du collier, chaque fil d’or des broderies. L’artiste détaille davantage le collier au A, mais également la ceinture d’orfèvrerie, la garniture de l’escoffion ou la chevelure. En même temps, le modelé du visage est léger et fluide, laissant perceptible le dessin sous-jacent qui se résume aux seuls contours. Enfin, le fond du portrait, bleuté dans le tableau de New York, est ici d’un vert soutenu s’assombrissant vers les bords, plus typique de l’œuvre de Corneille.
Si une telle précision des détails est rare chez Corneille, elle n’est pas pour autant exceptionnelle et s’avère même caractéristique dès lors que le modèle est d’importance. On peut ainsi rapprocher de notre portrait celui de Charles de France, duc d’Orléans, le plus jeune fils de François Ier, peint vers 1543 et conservé à la Galleria Estense de Modène (inv. 312). L’armure damasquinée que porte le jeune prince et sa chevelure sont rendues avec le même soin, et le traitement des chairs, des pupilles ou des lèvres est également très semblable. On doit également évoquer le portrait du duc d’Étampes, époux de la favorite, datant également du milieu des années 1540 et dont plusieurs variantes sont conservées, certaines particulièrement soignées (ainsi Louvre, inv. 3258). Il est à noter que Corneille choisit de représenter le gentilhomme tourné vers la droite, en pendant de sa femme, permettant de présenter les deux panneaux ensemble.
Notre peinture est donc sans nul doute une réplique, séparée de quelques années de l’original et réalisée par Corneille lui-même avec une participation éventuelle d’un collaborateur pour les détails les plus fins. Le style du tableau permet d’en placer la réalisation dans les dernières années du règne de François Ier. Il s’agit surtout de l’image la plus vivante et touchante de la duchesse d’Étampes, l’« amye parfaite » du roi-chevalier, « la plus savante des belles et la plus belle des savantes ».