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Jean Restout
Description
- Jean Restout
- Abraham et les trois anges
- Huile sur toile
Provenance
Condition
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Catalogue Note
Au premier plan figure Abraham affairé à laver les pieds de l’un des anges. Ce dernier, dans une pose très gracieuse, lui présente sa jambe, qu’il maintient avec sa main gauche. De son autre main, il retient son bâton de pèlerin dans un geste tout à la fois négligeant et élégant. Le drapé bleu de son costume, qu’animent de sinueux mouvements, est une très belle invention de l’artiste qui renforce le caractère aérien et céleste de la figure. Face à lui, le patriarche est plus solidement ancré au sol : son genou posé à terre et son pied droit le soutiennent fermement. Sa posture, ses gestes doux mais assurés, contribuent à faire de lui une figure résolument terrestre. Derrière la grande table nappée de blanc, les deux autres anges échangent un regard entendu. L’un est assis, une assiette posée entre les mains, et le second se tient debout, tenant fermement son bâton. Derrière eux, à gauche, domine le chêne de Mambré, près duquel Abraham a planté sa tente (Genèse 12,6). L’épouse d’Abraham, encore craintive, s’y réfugie tout en montrant sa tête, curieuse mais timide.
Le traitement de l’ange du premier plan dénote un entrain et une exaltation très sensibles, qui en font la figure la plus réussie de l’œuvre. Restout déploie ainsi sa belle silhouette, dans une pose très gracieuse, tout en marquant subtilement sa musculature. La clarté de sa carnation illumine la composition et tranche avec celle, plus ambrée, d’Abraham. Ce contraste culmine à la jonction du pied de l’ange et de la main d’Abraham, renforçant ainsi l’idée d’une opposition entre le caractère céleste de l’ange et l’aspect plus terrestre d’Abraham. D’un point de vue stylistique, la dimension sinueuse de cette scène n’est pas sans rappeler certaines œuvres de Natoire ou de Carle van Loo, notamment par l’importance accordée au mouvement et la facture assez libre.
Nous assistons, dans cette scène, à l’épisode biblique dans lequel Abraham offre l’hospitalité à trois jeunes hommes inconnus. (Genèse 18, 1-16). Le texte, qui fait référence tantôt à d’ordinaires jeunes hommes, tantôt à des anges, laisse aux artistes une certaine marge d’interprétation. Dieu, s’exprimant par leur truchement, annonce ainsi à Abraham et à Sarah la grossesse prochaine de cette dernière. Ici, la révélation n’a pas encore eu lieu. Seul l’échange de regards complices des anges du deuxième plan donne au spectateur un indice sur les évènements à venir.
Un autre tableau de Restout, présentant le même sujet est conservé à l’église Notre-Dame-de-la-Couture du Mans. Il décorait à l’origine la chapelle de l’hôpital de la Charité à Paris avec un pendant, Le bon Samaritain, ainsi qu’avec deux de ses peintures (Les noces de Cana et Le repas chez Simon). Ces quatre tableaux semblent avoir fait l’objet d’un programme iconographique mettant en avant les notions de charité et d’hospitalité qui sont, comme l’a expliqué Christine Gouzi, des devoirs reconnus de l’ordre de Saint Jean de Dieu.
Dans les deux tableaux figurant Abraham et les anges, l’artiste a opté pour une composition pyramidale, légèrement plus marquée dans le tableau que nous vous présentons. Un certain nombre de divergences existe cependant entre les deux tableaux. Ainsi, dans la toile du Mans, les figures d’Abraham et de l’ange sont inversées, leurs postures sont différentes et les deux anges sont attablés. Sarah est sortie de la tente et leur apporte des petits pains encore fumants. Le chêne de Mambré est placé au centre, tandis que la tente est reléguée à gauche.
Les tableaux religieux constituent l’essentiel de la production de Jean Restout. Celui-ci s’inscrit ainsi dans la lignée de son maître et oncle, Jean Jouvenet, dont il conserva la clientèle. De l’héritage de Jouvenet, Restout retient une aisance pour les grands formats ainsi qu’une peinture religieuse inspirée et épurée. En outre, l’importance de la peinture religieuse chez Restout peut être expliquée par sa proximité avec les milieux jansénistes. De fait, comme l’a dit Christine Gouzi, «(...) l’essentiel est donc de comprendre que le jansénisme, sans expliquer entièrement l’œuvre de l’artiste, en est cependant un mode privilégié d’interprétation. ».
Restout est l’auteur d’un Essai sur les principes de la peinture, publié à Caen en 1863, dans lequel il développe les principes acquis auprès de Jean Jouvenet, mais aussi de Charles de La Fosse et Nicolas de Largillierre. Son art, si original, fut peu imité et l’artiste sombra quelque peu dans l’oubli avant que le musée des Beaux-Arts de Rouen lui consacre une grande exposition en 1970, et lui restitue le prestige et la noblesse qui lui étaient dus.