Lot 17
  • 17

Suiveur de Giuseppe Arcimboldo, début du XVIIe siècle

Estimate
200,000 - 300,000 EUR
bidding is closed

Description

  • Printemps et Eté
  • Huile sur toile, une paire
    Porte une inscription en haut à gauche PRIMABERA
    Porte une signature dans le col GIUSEPPE / ARCIMBOLDO et une date dans l’épaulette 1572
    Porte une inscription en haut à droite ESTIO

Provenance

Pour l'Eté : Galerie Andree & Hipola, Madrid, en 1962 ;
Pour l'Eté et le Printemps : Collection privée parisienne

Condition

To the naked eye: Both paintings appear in satisfactory condition. They have been correctly relined in the first part of the 20th century. Both are under an old and dirty varnish. Summer: We notice a 3 cm. high band of restoration all along the lower edge. We also notice some slight retouching in the collar, on the inscription Giuseppe Arcimboldo, as well as some little wears in the background. Spring: We notice some light wears in the background, that don't bother the lecture of the composition . We notice a 2 cm. of diameter restoration in the red flower in the hair, as well as some slight tears on the background. Under U.V. light: Both paintings appear under a green uniform varnish. Summer: We notice some restorations along the lower edge and on the collar, already mentioned. We also notice some scattered retouching on the background, as well as some little areas in the figure’s hair, above the ears of wheat. Spring: We notice two restorations along the upper edge, as well as the restoration in the red flower, already reported. Besides, we also notice a 15 cm. long line of restoration from the centre toward the left edge.
"In response to your inquiry, we are pleased to provide you with a general report of the condition of the property described above. Since we are not professional conservators or restorers, we urge you to consult with a restorer or conservator of your choice who will be better able to provide a detailed, professional report. Prospective buyers should inspect each lot to satisfy themselves as to condition and must understand that any statement made by Sotheby's is merely a subjective, qualified opinion. Prospective buyers should also refer to any Important Notices regarding this sale, which are printed in the Sale Catalogue.
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Catalogue Note

Nous remercions le Dr. Dacosta Kaufmann pour son aide dans la rédaction de cette notice.

Les deux œuvres que nous vous présentons constituent des apports significatifs dans la connaissance des ensembles de têtes composées de la production arcimboldesque.
L’Été apparait comme une version d’un tableau éponyme conservé au Denver Art Museum. Ce dernier fait partie du même ensemble que l’Automne, actuellement dans une collection privée américaine, ainsi que l’Hiver (conservé à la Menil Collection de Houston). Ces trois œuvres sont datées de 1572 et les tableaux américains de l’Été et de l’Automne proviennent tous deux de la collection Bridel-Boiceau à Lausanne. Ces œuvres doivent être considérées comme des deuxième versions autographes du premier ensemble des saisons peint par l’artiste, en 1563 et dont l’Hiver et l’Été se trouvent aujourd’hui au Kunsthistorisches Museum de Vienne, tandis que le Printemps est conservé à la Real Academia de Bellas Artes de San Fernando à Madrid.
Si notre représentation de l’Été présente peu de différences avec la version du musée de Denver ou celle de Vienne, il n’en va pas tout à fait de même pour notre Printemps, qui offre une variation significative par rapport au tableau de Madrid : une longue tige fleurie de lys a remplacé l’unique fleur de la composition originale. On retrouve une même substitution dans une autre représentation du Printemps, fort semblable, présentée en octobre 1968 dans la galerie Robert Finck de Bruxelles. Comment interpréter cette variante ? Le lys doit être vu, dans les diverses versions du Printemps, comme une allusion à la prétention des Habsbourg de descendre d’Hercule et à la légende selon laquelle le lys naquit du lait que donna Junon à Hercule. S’agit-il là d’une amplification de cette allégorie ? Il semble que nous ayons affaire à l’un des nombreux mystères entourant la production de ces têtes composées.
Nos deux œuvres présentent des inscriptions en espagnol : Estio et Primabera (respectivement Été et Printemps), indiquant leur lieu de provenance, voire peut-être l’endroit où ils furent peints. Ces inscriptions rappellent celle qui se trouve sur le tableau de l’Hiver de la Menil Collection (Houston), sur laquelle on peut lire le mot Inbierno, signifiant Hiver en espagnol. Cette indication, conjuguée aux tissages du motif du briquet sur la pèlerine en osier, symbole de la maison de Habsbourg, suggèrent que cette œuvre provient des collections royales espagnoles. On peut donc légitimement supposer que nos deux tableaux constituent des répliques postérieures de qualité (selon toute vraisemblance réalisées au tout début du XVIIe siècle) des œuvres alors situées en Espagne. Il faut par ailleurs préciser que notre tableau de l’Été fut présenté dans la galerie madrilène Andree & Hipola en février 1962.
Ce type de portraits phytomorphes suggérés par des végétaux, des animaux ou des objets astucieusement disposés contribua largement à forger la réputation de Giuseppe Arcimboldo. D’origine milanaise, il fut appelé en 1562 à la cour de Prague par Ferdinand Ier. Par la suite, il y fut protégé par les empereurs Maximilien II et Rodolphe II. En 1591, il peignit ainsi l’un de ses chefs-d’œuvre, le Portrait de Rodolphe II en Vertumne (dieu étrusque des récoltes et de l’abondance), conservé au château de Skokloster, en Suède. Le talent d’Arcimboldo réside ainsi dans son exceptionnelle aptitude à conjuguer le goût du bizarre du maniérisme des écoles du Nord avec la tradition des têtes de caricature comme celles de Léonard de Vinci. Son œuvre est également symptomatique de l’influence de la peinture de genre des Campi, notamment de Vincenzo.
Les portraits composés d’Arcimboldo constituent ainsi des allégories exaltant la puissance de l’Empereur Maximilien II, qui règne sur les hommes, mais aussi sur les saisons et les éléments. L’artiste crée ainsi un lien symbolique entre le pouvoir temporel de l’empereur et l’immuabilité des saisons, qui semble avoir pour sens profond le caractère permanent du Saint-Empire. Dans la série des saisons, l’Hiver regarde le Printemps et l’Été dévisage l’Automne. Le visage du Printemps est composé de lys, de pivoines, de roses, d’églantines et d’anémones. L’Été, quant à lui, est un assemblage de fruits et de légumes. Le nez est formé d’une courgette, l’œil d’une cerise surmontée d’un sourcil en épi de maïs. Le rouge des lèvres est constitué de deux cerises tandis qu’une pêche forme la joue. L’épi de maïs qui fait office d’oreille est alors une nouvelle céréale venue d’Amérique.
Arcimboldo fut découvert à la faveur du Surréalisme : Dali présentait ainsi le peintre comme « le père du Surréalisme ». Largement connue du grand public, l’œuvre d’Arcimboldo n’en demeure pas moins chargée de mystère, sujette à interprétation. Entre universalité et énigme, l’œuvre d’Arcimboldo est profondément ambivalente. Cette idée est ainsi développée par Roland Barthes, qui voyait en l’artiste un « rhétoriqueur visuel », créant, par substitution, par déplacement, par découpage, quelque chose de nouveau ; de même que de nouveaux rapports, naissant de la combinaison particulière de certains objets et de l’arrangement de l’ensemble. L’œuvre d’Arcimboldo a par conséquent traversé les siècles sans rien perdre de sa puissance évocatrice.