Lot 97
  • 97

Exceptionnel pot à oille en argent, le couvercle (anciennement une cloche couvre-plat) provenant du service Penthièvre-Orléans par Antoine Sébastien Durant, Paris, 1750-1751, le corps et la doublure par Jean-Baptiste Claude Odiot, Paris, 1819-1826, le réchaud intérieur par Charles-Nicolas Odiot, Paris 1826-1838,

Estimate
250,000 - 400,000 EUR
Log in to view results
bidding is closed

Description

  • silver
  • Haut. 36 cm, larg. 37 cm, 7.413 g ; 14 1/4 in. high, 14 1/2 in width, 238oz 7dwt
le corps reposant sur quatre pieds en forme de feuillages de céleri, appliqué des armes Orléans, le couvercle orné de trois trophées de chasse et d'un cartouche où ont été serties postérieurement les armes Orléans, la prise formée de deux passereaux et un citron, la queue d'un des oiseaux s'appuyant contre le citron, l'intérieur du couvercle gravé des armes en partie visibles d'Henry Janssen, le dessus de la cloche gravé de 4 points, la prise gravée au-dessous de 3 points

Provenance

Très probablement commandé par Henry Janssen (1701-1766) puis acquis par
Louis-Charles de Bourbon, comte d’Eu, petit-fils de Louis XIV (1701-1775), à son cousin
Louis-Jean-Marie de Bourbon, duc de Penthièvre (1725-1793), à sa fille
Louise-Marie-Adélaïde de Bourbon-Penthièvre (1753-1821) qui épouse en 1769
Louis-Philippe-Joseph, duc d’Orléans (Philippe-Egalité) (1747-1793), à son fils
Louis-Philippe, Roi des Français (17773-1850), puis par descendance à
Emmanuel d'Orléans, duc de Vendôme (1872-1931) qui épouse la princesse
Henriette de Belgique (1870-1948) puis à son fils
Charles, duc de Nemours (1905-1970)

 

Condition

In overall good condition. Each piece fully marked. The cover with legible charge, decharge and jurande marks; traces of another marks. Inside the cover, stamped with four dots. The liner with scratches. Superb piece. Poinçons: Sur la cloche, charge, jurande et décharge lisibles. Poinçon de contrôle (gland) pour Paris 1756-1762. Numérotée de 4 points dans la cloche et de 3 points sous la prise. Quelques griffures à la doublure. Superbe pièce.
"In response to your inquiry, we are pleased to provide you with a general report of the condition of the property described above. Since we are not professional conservators or restorers, we urge you to consult with a restorer or conservator of your choice who will be better able to provide a detailed, professional report. Prospective buyers should inspect each lot to satisfy themselves as to condition and must understand that any statement made by Sotheby's is merely a subjective, qualified opinion. Prospective buyers should also refer to any Important Notices regarding this sale, which are printed in the Sale Catalogue.
NOTWITHSTANDING THIS REPORT OR ANY DISCUSSIONS CONCERNING A LOT, ALL LOTS ARE OFFERED AND SOLD AS IS" IN ACCORDANCE WITH THE CONDITIONS OF BUSINESS PRINTED IN THE SALE CATALOGUE."

Catalogue Note

Le service Penthièvre-Orléans

Le commanditaire à l'origine du superbe service Penthièvre-Orléans est très probablement un Anglais du nom d'Henry Janssen. Suite à des déboires financiers, il est contraint de vendre cet ensemble au comte de Toulouse, Louis-Alexandre de Bourbon (1678-1737), ou peut-être à son frère, le duc du Maine, tous deux fils légitimés du roi Louis XIV et de la marquise de Montespan. Le comte d'Eu, fils du duc du Maine, n'a pas de descendant et son cousin le duc de Penthièvre, fils du comte de Toulouse, est son héritier. A la mort du duc, sa fille, Louise Marie Adélaïde, épouse de Philippe-Egalité, hérite du service qui arrive ainsi dans la maison d'Orléans. Louis-Philippe, roi des Français de 1830 à 1848, en hérite à son tour de sa mère. Il fait alors restaurer le service et apposer ses armes par l'orfèvre Jean-Baptiste-Claude Odiot vers 1821. Il en profite pour commander à l'orfèvre de nouvelles pièces davantage au goût du jour (voir par exemple Sotheby's Paris, 10 juin 2004, n° 205, 206 et 207). En conséquence du passage vers 1809 du service à la Française au service à la Russe, il fait transformer les cloches couvre-plats réalisées par Durant, en couvercles de légumier.

Il s'agit aujourd'hui de l'unique service royal français en argent qui nous soit parvenu, dont la quasi-totalité est conservée dans de grandes collections publiques (Musée du Louvre, Metropolitan Museum, Fondation Gulbenkian, musées de Détroit et Philadelphie, musées royaux d'Art et d'Histoire de Bruxelles)2, les pièces restantes demeurant dans quelques grandes collections privées.

Parmi les cloches couvre-plats, seules restent en mains privées la paire de grandes cloches rondes et une ronde couvrant un pot à oille mis en vente chez Sotheby's à Londres le 6 juillet 2016. En ce qui concerne les autres couvercles de cette forme et de cette taille, l’un est conservé aux Musées Royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles (Fig.4), le dernier au musée du Louvre (fig. 5).

Le couvercle ici présenté appartient à ce fameux service Penthièvre-Orléans "miraculeusement préservé … aujourd’hui le seul ensemble qui permette d’apprécier la splendeur, l’éclat et le raffinement de l’argenterie de la cour de France".1

Contrairement aux autres services royaux français, celui de Penthièvre-Orléans a survécu à la révolution et au besoin récurrent de l’Etat en argent liquide, lorsqu’était attendu des privilégiés qu’ils donnent leur argenterie afin d’en battre monnaie.  D’une façon ou d’une autre, il a également survécu aux fontes consécutives et aux changements de mode, comme en atteste ce témoignage du milieu du XVIIIe siècle, "ces fontes déplorables étaient extrêmement fréquentes et on peut affirmer que les orfèvres de Louis XV ont détruit presque autant d’objets qu’ils produisirent" 3.

Le service Penthièvre-Orléans est issu de différents orfèvres parisiens, notamment  Thomas Germain, Claude II Ballin, Edme-Pierre Balzac, Robert-Joseph Auguste et Antoine-Sébastien Durant, couvrant la période de 1728 à 1770 environ. Il comprend des pièces aussi célèbres que les terrines de Thomas Germain aux anses en tête de sanglier (1733-1734 (fig.9), dont l'une reste le record inégalé aux enchères pour une pièce d'orfèvrerie, tous pays et toutes époques confondues (Sotheby's New York, the Property of George Ortiz, 13 novembre 1996, n° 3, vendue pour un peu plus de 10 millions de dollars), les cloches couvre-plats de Durant devenues couvercles et datant du début des années 1750 (fig.5 à 8) et les terrines de Balzac de 1757-1759 qui ont servi de modèles aux apports d’Odiot au XIXe siècle (fig.10), lorsque les armoiries des Orléans ont été ajoutées à la demande de Louis Philippe (roi des Français de 1830 à 1848).

Iconographie de la vénerie

Les prises sur le thème de la chasse, associant animaux et légumes, surplombent souvent les plus belles pièces d'orfèvreries françaises au milieu du XVIIIe siècle, et Durant en était l’un des plus grands créateurs. Outre le service Penthièvre-Orléans, en attestent également les terrines réalisées pour le roi du Danemark, en 1749-1750, dont l’une figure un faucon encapuchonné perché sur un canard similaire au présent exemplaire. 4. Un service inspiré de la vénerie était parfaitement approprié pour le duc de Penthièvre, nommé Grand Veneur de France en 1737, un des plus importants offices de la Maison du Roi. Louis XV, son parrain, chassait autant que cela lui était possible, et le prince l'accompagnait lors de ses chasses. Leurs butins étaient si conséquents que, par exemple, le 19 août 1738, mille sept cents bêtes ont été tuées sur la plaine de St Denis, au nord de Paris.5 Comme il était féru de chasse, il appréciait également les peintures de chasse et remplissait ses palais de toiles signées par les peintres officiels qu’étaient Alexandre-François Desportes (1661-1743) et Jean-Baptiste Oudry (1686-1755).

Les oeuvres issues de ces deux derniers associent souvent pièces d’orfèvrerie, gibier, fruits et légumes. La terrine en argent aux pêches de Desportes (fig.10) représente probablement une pièce provenant du service Penthièvre-Orléans, ou peut-être une pièce similaire que l'on pense faite pour Jol. Les relations d’Oudry avec l’univers artistique des orfèvres étaient bien connues6 et les sujets de ces toiles peuvent être directement reliés aux pièces d’argenterie existantes comme dans le Loup pris au piège de 1732 (Stadtliches Museum, Schwerin Inv. G213). Cette iconographie est reprise sur un surtout en argent (Nicolas Roettiers, 1734-35, au Louvre), réalisé pour le petit-fils de Louis XIV, le duc de Bourbon (1692-1740). Il semblerait que Roettiers ait vu la toile dans l’atelier d’Oudry, étant donné qu’elle n’a pas été vendue par l’artiste avant 1739.7 L’influence d’Oudry sur le service Penthièvre-Orléans se traduit pleinement dans la prise figurant un renard et un coq sur l’un des couvercles de Durant (fig.7). Il a été modelé d’après son Renard dans la Basse-Cour de 1748 (Wallace collection, Londres).

Antoine-Sébastien Durant

Né à Paris le 15 mars 1712, il est le fils d'un marchand de vin. Commencée sous les meillleurs auspices dans une famille bourgeoise aisée, sa vie va brusquement connaitre une période pleine d'incertitudes avec le décès de sa mère lorsqu'il a dix ans et la faillite brutale de son père lorsqu'il en a douze. Recueilli par son beau-frère l'orfèvre Jean-Baptiste Tripart, ce dernier l'aiguillera sur la voie de l'orfèvrerie auprès de Chéret et Igonnet. A son tour Tripart dépose son bilan et meurt à 45 ans. Antoine est reçu maître le 30 mars 1740 et sera encore inscrit sur les listes jusqu'en 1785. L’orthographe traditionnelle du nom de la famille d’orfèvre Durand est, selon de récentes recherches, considérée comme incorrecte, du moins au regard des propres vœux de l’orfèvre. Les terrines en argent livrées pour la couronne danoise sont signées “Durant” et, dans son contrat de mariage, à chaque fois que le notaire a écrit “Durand”, la dernière lettre a été remplacée par un « t ». De remarquables détails biographiques sur Antoine-Sébastian Durant (1712-1787) ont été découverts, concernant notamment son enfance tragique et l’influence de sa sœur et de son époux, l’orfèvre Jean-Baptiste Tripart. A cela s’ajoutent des informations sur sa carrière, sa santé et ses clients qui peuvent être trouvées dans une communication de Françoise Arquié-Bruley dans le Bulletin de la Société de l’Histoire de l’Art Français, 1995, pp. 165-185. Si ce nom est moins connu que celui de Germain, son importance à l'époque ne peut être minorée. Par exemple, dans l'inventaire de la comtesse du Barry en date du 10 janvier 1791 figurent deux girandoles d'or par Durant. Si l'on analyse les objets subsistants de cet orfèvre, on relève 20 objets datant de la péridoe 1740-1750, 28 entre 1750 et 1760, 16 entre 1760 et 1770, le dernier étant une clochette de table datant de 1769-1770. La disparition brutale de son fils à Rome en 1770 crée certainement un grand traumatisme pour l'orfèvre. Si aucune pièce postérieure à 1770 n'a été retrouvée, on sait par les dépôts à la marque que sa production est encore importante, par exemple 103 marcs en 1768 et 225 marcs en 1771, le marc pesant environ 245 g  (Sotheby's remercie vivement Bernard Causse pour sa précieuse contribution).

L’origine du service et son appartenance au duc de Penthièvre

Le mystère autour de l’origine du service n’a pas été entièrement élucidé. Il est documenté pour la première fois dans un inventaire du petit-fils de Louis XIV, le duc de Penthièvre (Fig.2  dans l’arbre généalogique), réalisé en 1794. Le duc de Penthièvre était l’un des hommes les plus riches de France, tenant sa fortune de son statut d’héritier des deux fils légitimés de Louis XIV et de Madame de Montespan, son père et son oncle, respectivement le comte de Toulouse et le duc du Maine. Il hérita de la fortune de son oncle car le fils de ce dernier, le comte d’Eu mourut sans descendance, laissant comme héritier le duc de Penthièvre.

Un inventaire du duc de Penthièvre datant de 1757 relève un très grand nombre de pièces d’argenterie, mais aucune d’elles ne comprend le service Penthièvre-Orléans. Cela suggère qu’il n’en a pas hérité de son père décédé en 1737.8

Son cousin et légataire, le comte d’Eu, était encore vivant à l’époque et, bien qu’aucun document en attestant n’ait été publié, il apparaît plausible de penser qu’il ait été le propriétaire du service.  Cela est confirmé par un document prouvant l’acquisition par le comte d’Eu d’éléments du service auprès d’un certain Henry Janssen ou de ses héritiers.

La preuve de cet achat est confirmée par l’existence d’armoiries antérieures sur la cloche de Durant aux Musées Royaux d’art et d’Histoire de Bruxelles ainsi que sur celle présentée ici, identifiées comme celles de Janssen ; on peut relever aussi le lien entre Janssen et les terrines à la tête de sanglier de Thomas Germain dans le même service. Des modèles de ces dernières ont été conservés par le fils de Germain, François-Thomas, et enregistrés dans son atelier en 1765 sous ‘M de Janssin [sic]'9 . Enfin, un rapport rédigé vers 1803 sur la vie du duc de Penthièvre témoigne que son oncle, le comte d’Eu, a acquis un service pour 50 personnes d’ ‘un Anglois nomme le comte de Jansin qui avoit l’honneur d’être admis a sa cour’10. Le rapport de Madame Guénard contient quelques inconsistances en termes de chronologie, mais constitue un témoignage relativement contemporain qui peut être pris au sérieux.

L’histoire de cette dernière révèle qu’Henry Janssen était attaché à la cour du comte d’Eu. Comme beaucoup d’autres, il fut « invité » à abandonner son argenterie pour la fonte de 1759 (afin de soutenir le financement de la guerre de Sept Ans) et, sur le point de perdre le service pour 50 personnes, récemment complété. Il avait lui-même fourni le métal et il lui restait à payer à l’orfèvre une somme importante pour sa main d’œuvre.  Il a fait appel au comte d’Eu qui a proposé de l’aider en se portant acquéreur du service (et vraisemblablement des taxes afférentes) en échange d’une rente annuelle.  Lorsque le comte d’Eu mourut en 1775 sans descendant, son cousin et héritier, le duc de Penthièvre hérita de  ‘la belle argenterie Jansin’  mais offrit également généreusement de rembourser la famille Jansen à hauteur de la valeur du métal. Il est avéré qu’à la mort d’Henry Janssen en 1766, l’argenterie qu’il possédait à l’hôtel de Lassay qu’il louait et partageait avec son frère Robert, sans plus de précisions, pesait près de 300 kilos et avait été donnée en garantie de ses dettes. Il est également rapporté qu’après la mort d’Henry, le comte d’Eu accepta de payer une rente annuelle de 7200 livres au frère d’Henry, Robert, qui en était l’héritier, pour un principal de 72,000 livres 11. Cette somme d’argent correspond au coût d’un service important et élaboré de l’époque. Une étude radiographique sur une des célèbres terrines aux hures de sangliers permet de relever de façon quasi-certaine sur une doublure la présence des armoiries du comte d'Eu.

Un article de Maureen Cassidy-Geiger suggérait que des pièces du service Penthièvre-Orléans (comprenant la terrine à tête de sanglier) avaient été effectivement acquises par le comte d’Eu mais en passant par une autre source, ayant appartenu au comte de Brühl, originaire de Saxe, qui l’avait lui-même acheté au Fermier Général de France François Joly de Fleury.12

Alors que peu d’éléments dans cet article permettent de douter du fait que le comte d’Eu ait acheté le service auprès de Janssen et de ses héritiers, l’histoire de Joly de Flory confirme que des services spectaculaires étaient sur le marché peu de temps après leur réalisation, et que l’élite de la société, pour qui ces grands services d’argenterie constituaient une part essentielle de leur situation, était prête à en acquérir en seconde main plutôt que d’attendre le temps du processus de commande d’un service neuf et d'en assumer les coûts.  

Les éléments du service ayant survécu sont connus d’après trois inventaires. Deux de ceux-ci ont été réalisés en 1794 après le décès du duc de Penthièvre en 1793. Le troisième, datant de 1850, le répertorie comme « Service no 1 » à la suite du décès de Louis-Philippe à Claremont House dans le Surrey. Cette demeure avait été prêtée par la reine Victoria, après son exil, conséquence de la révolution de 1848. Dans ce dernier inventaire, il est possible d’identifier le service avec les ajouts d’Odiot. 13 Dans l'Etat du Grand Service de 1794 figurent clairement et seulement 9 cloches couvre-plats, chacune accompagnée de son plat : 2 grandes cloches rondes, 1 grande cloche ovale, 4 petites cloches rondes et 2 petites ovales. Ce sont bien celles qui ont subsisté aujourd'hui et que l'on a pu localiser.

Peu de temps après la mort du duc de Penthièvre au château de Bizy en Normandie, son argenterie avait été confisquée par le gouvernement à sa fille et héritière Louise Marie-Adélaïde. L’intention originale était de fondre le service, qui avait été apporté à l’Hotel Mondragon à Paris où un inventaire  était dressé en date du 9 Floréal an II (28 avril 1794) avant de les apporter à la fonderie.14  Il fut enregistré près de 370 kilos d’argent et incluait toutes les pièces connues et survivantes du service Penthièvre-Orléans.

L’inventaire rapportait également comment les différentes pièces étaient entreposées dans des étuis de cuir ‘afin de ne pas les abîmer au cas où il serait décrété que quelques pièces seraient préservées” 15.  Ce fut « décrété » et les meilleures pièces d’orfèvrerie de Penthièvre furent reprises pour être regroupées en un Grand Service destiné finalement à l’usage par l’exécutif du Directoire au Palais du Luxembourg. Elles étaient enregistrées dans un autre inventaire de 1794 intitulé Etat et poids du Grand Service, où les éléments XVIIIe du service Penthièvre-Orléans comprenant le présent couvercle, pouvaient être à nouveau identifiés. 16

L’appartenance aux Orléans

Le Directoire n’a jamais utilisé le Grand service dont l’argenterie de Penthièvre était le fleuron. En 1797, la fille et héritière du duc de Penthièvre, Louise Marie Adélaïde, dont l’époux, le duc d’Orléans (Philippe-Egalité), avait été guillotiné, avait été elle-même emprisonnée. Elle obtint le droit de récupérer son argenterie selon les termes de la loi du 28 juin. 17 Celle-ci s’élevait à près de 230 kg d’argent et avait ainsi créé un trou important dans le Grand service, si bien que l’exécutif du Directoire avait écrit au Ministre des Finances en protestant contre son retour et en décrivant l’argent comme ‘précieux par son exécution’.18  Alors que la lettre du Directoire n’eut pas le résultat escompté, l’orfèvrerie était à nouveau en péril 16 jours plus tard après que la duchesse en ait pris possession, lorsqu’elle dû s’exiler en Espagne à la suite de la révolution du 4 Septembre 1797. A nouveau, il fut rendu à la duchesse après la restauration de la monarchie en juillet 1814, puis confisqué pendant les Cent-Jours, revenant définitivement à sa propriétaire après la restauration du Roi en juillet 1815. A la mort de la duchesse d’Orléans, ses deux fils aînés étant déjà décédés, le service revint à son troisième fils, Louis-Philippe, duc d’Orléans (puis roi des Français de 1830 à 1848), ce dernier décidant d'y appliquer ses armoiries .19 Il avait été détrôné en 1848 et s’était réfugié en Angleterre où il mourut en 1850. En tant qu’exilée, sa veuve n’était pas autorisée à faire un testament en France mais avait signé un Act of Settlement qui l’autorisa à laisser le Service no 1 à son fils survivant le plus âgé, le duc de Nemours (1814-1896).20 Par la suite, les testaments ne permettent pas de suivre le service, mais des ventes ont été organisées par la famille du duc de Vendôme (1872-1931), arrière-petit-fils de Louis-Philippe au milieu du XXe siècle.

 Henry Janssen

Henry Janssen (1701-1766) était d’origine hollandaise et son ancêtre, le baron Janssen de Heez avait perdu la vie et ses possessions durant les guerres d’indépendance hollandaise alors sous le joug espagnol.  Son grand-père Théodore Janssen de Heez avait fait fortune en France, et son père également nommé Théodore avait apporté sa fortune en Angleterre avant d’être naturalisé et d'être créé baronet en 1714 pour les services rendus à la Couronne. Il mourut en 1748 laissant cinq fils. Parmi eux, le frère d’Henry Janssen, Stephen Theodore, devint Lord Mayor de Londres en 1754, alors qu'Henry lui-même et son frère Robert avaient été naturalisés citoyens de France respectivement en 1741 et 1740, demeurant à l’Hôtel de Lassay loué depuis 1738. Sa nécrologie le présente comme un ancien ‘Capitaine aux Gardes Anglois’ et un capitaine de navire considéré comme étant Henry Janssen est mentionné en 1744, comme maître du Pavillon corsaire  ‘La  Palme’ escortant deux vaisseaux à Dunkerque, ‘Le Neptune’ et  ‘La Bonne Espérance’ chargés de vin, d’eau de vie et de sirop pour les marchands d’Ostende et de Bruges.21 Le poète Alexander Pope décrit ironiquement Henry dans le volume 4 de La Dunciade, publiée pour la première fois en 1728, comme responsable de l’éducation financière de la jeunesse. Lorsqu’il était en Angleterre, il aurait allégé de 30,000 livres le jeune 3ème duc de Bedford (1708-1732) au cours d’une partie de cartes qui avait duré 24 heures.22 Dans la même veine, il est mentionné dans une correspondance entre Horace Walpole et Sir Horace Mann où ce dernier se réfère à lui en France en tant que “ce fraudeur” prenant l’argent aux riches Anglais et qui “de temps en temps se présentera  comme étant libéré de ses milliers».23

Notes

1. Gérard Mabille, ‘Le Service Penthièvre-Orléans’, Versailles et les table royales en Europe XVIIème-XIXèmes siècles, cat. exp. château de Versailles, 3 Novembre 1993 - 27 Février 1994, p.275

2.Les pièces composant le service Penthièvre-Orléans enregistrées sont :

Thomas Germain

- Une paire de rafraichissoirs, 1727-1728 (Louvre).

- Deux paires de candélabres à trois lumières (une paire dans une collection privée, 1732, l’autre dont la localisation est inconnue).

- Une paire de plats à ragoût, 1733-1734 (une au Louvre; l’autre dans une collection privée, cf. Sotheby’s Monaco, 20 Juin, 1992, lot 24).

- Une paire de terrines sur leurs présentoirs, aux prises en forme de têtes de sanglier 1733-1734 (une au Detroit Institute of Arts, une autre dans une collection privée, cf. Royal French Silver, the property of George Ortiz, Sotheby’ New York, mercredi  13 novembre 1996, lot 3).

- Une autre paire de terrines sur leurs présentoirs (localisation inconnue des terrines ; les socles, 1729-30, en collection privée, cf. Sotheby’s, op. cit., 1996, lot 5).

- Une paire de salières, 1734-1736 (Louvre).

Claude Ballin II

- Une paire de rafraîchissoirs, 1744-1745 (Sotheby’s, op. cit., 1996, lot 4).

Edmé-Pierre Balzac

- Une paire de terrines, 1757-1759 (l’une sans présentoir, Metropolitan Museum of Arts; l’autre avec un présentoir légèrement postérieur, 1763-1764, Louvre, Sotheby’s, op. cit., lot 23).

- Une paire de rafraîchissoirs, 1757-1760 (collection privée, Sotheby’s Monaco, 24 Juin 1976, lot 51).

- Une paire de rafraichissoirs assortie, 1759-1760 (Louvre).

- Deux paires de pots à oille, 1758-1759 (une paire au Louvre; l’autre dans une collection privée).

- Quatre huiliers (l’un de 1760-1761 dans une collection privée; trois dont la localisation est inconnue).

 

Antoine-Sébastien Durant

- Une paire de couvercles ovales, 1750-1751 (Musée Royaux d’Art et d’Histoire, Bruxelles).

- Un couvercle rond, 1750-1756 (Musée Royaux d’Art et d’Histoire, Bruxelles).

- Un couvercle rond, 1750-1756 (Louvre).

- Un important couvercle ovale, 1754-1755 (Fondation Gulbenkian).

- Une paire de grands couvercles ronds surmontés respectivement d’un renard et d’une fouine, 1756-1757 (collection privée).

- Une paire de salières, 1758-1759 (une au Louvre; une autre au Philadelphia Museum of Art).

Robert-Joseph Auguste

- Quatre présentoirs, 1770-1771, pour des pots à oille de Balzac (Louvre et collection privée).

3. Lazare Duvaux, Marchand Bijoutier ordinaire du roi. Par Alexander von Solodkoff, ‘The rediscovery of a 1754 ‘‘Machine d’Argent’’ by François-Thomas Germain’, Studies in the Decorative Arts, vol. 13, no. 2 (2006) p.59, note 17.

4.On ne sait pas précisément quel roi du Danemark a commandé ces terrines ; elles sont mentionnées pour la première fois dans les inventaires danois en 1796. Cf.: cat. exp., A King’s Feast, Kensington Palace, 5 juin-29 septembre 1991 p. 101, n° 72. Pour une autre terrine de Durant avec une prise élaborée figurant un oiseau et un légume; et pour des informations biographiques sur l’orfèvre : Sotheby’s Paris, 18 décembre 2002, catalogue séparé pour les lots 134, 135 et 136, Exceptionnel ensemble d’orfèvrerie par Antoine-Sébastian Durant.

5. Cat. exp. Vincent Droguet et al., Animaux d’Oudry, Collection des ducs de Mecklembourg-Schwerin, Musée national du château de Fontainebleau, 5 novembre - 9 février, 2004, p. 15.

6. Voir par exemple son rôle dans l’acquisition d’un surtout en argent dans Alexander von Solodkoff, ‘A Lost “Machine d’Argentof 1754 by François-Thomas Germain for the Duke of Mecklenburg,’ in Studies in the Decorative Arts, The University of Chicago Press on behalf of the Bard Graduate Centre, Printemps-Eté 2000, pp. 122-135.

7. Vincent Droguet, 2004, p. 108.

8. Sotheby’s New York, Royal French Silver, the property of George Ortiz, 13 novembre 1996, p. 39 note 2. La plupart des recherches sur les origines des Penthièvre-Orléans ont été entreprises par Stéphane Boiron et publiées dans ce catalogue, ainsi que dans celui de la vente Sotheby's Monaco, 20 juin 1992, lot 23.

9. Christiane Perrin, François Thomas Germain, orfèvre du roi, Saint-Rémy-en-L’eau, 1993, p.58.

10. Elisabeth Guénard, Vie du duc de Penthièvre, t II, Paris, 1803, pp.125-127.

11. op. cit, Sotheby's 1996, p.39, note 12.

12. Maureen Cassidy-Geiger, ‘Ein neues silbern Französisches Tafel Service: Linking the Penthièvre-Orléans service to Dresden in Silver Studies, 2007, pp. 123-152

13. Op. cit. 1996, p. 42, note 26.

14. Le document a été découvert par Madame Gaborit-Chopin à la Bibliotèque Nationale. Op.cit, 1996, p. 41, note 19.

15. Op.cit. 1996, p. 41, note 19.

16. Op.cit. 1996, p. 54, note 3.

17. Op. cit. 1996 p. 42, note 22.

18. Op.cit. 1996 p. 54, note 1.

19. Op.cit. 1996 p.42, note 24.

20. Op. cit. 1996 p. 42, note 27.

21. Mercure de France, mai 1744 p. 1053. Christine Perrin relie cet incident et les `prises anglaises du capitaine Janssen' (également mentionnées dans le Mercure de France) à Henry Janssen, op. cit., p. 109. Georgiana Blakiston, Woburn and the Russels, London, 1980, p.98. The Yale edition of Horace Walpole’s Correspondence, 5 et 17 septembre, 1741.