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Giorgio Morandi
Description
- Natura Morta
- signé Morandi (en bas à gauche)
- huile sur toile
- 30,2 x 32,2 cm ; 11 7/8 x 12 5/8 in.
Provenance
Acquis auprès du précédent par le propriétaire actuel
Exhibited
Literature
Condition
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Catalogue Note
The English translation of this note follows the French
Notice de catalogue
"La peinture de Morandi s’avance ainsi dans le temps, tacitement fidèle à elle-même bien que diverse, par des variations imperceptibles au sommet et considérables à la base." Cesare Brandi.
Au milieu des années 1950, les œuvres de Morandi atteignent un degré absolu de dépouillement et de perfection. Conservée depuis 1956 à Bologne, ville où Morandi naquit et mourut, Natura Morta succède à la période de Grizzana, campagne bolonaise où l’artiste séjourne durant la guerre et où il peint une suite mémorable de paysages exhalant un sentiment serein de la nature. Peinte dans l’atelier de Bologne où Morandi revient pour son consacrer au genre de la nature morte, véritable métonymie de son œuvre, Natura Morta traduit la montée de nouvelles exigences. Le langage est nouveau : tons, espace et lumière concourent à une ultime et une sublime épure.
Contrastant avec la rigueur de la structure, les tons clairs orchestrent la composition silencieuse de Natura Morta. Pas de ce bleu lapis-lazuli qui luit essentiellement dans les œuvres d’avant-guerre ; pas de ces rouges mats et des ces terres cuites qui se retrouvent ponctuellement jusque dans les dernières œuvres, seul a cours le vibrato des ocres tendres, des bruns sourds, des gris et des cendres. C’est comme si Morandi, réputé broyer lui-même ses pigments, avait fait le choix de renoncer aux atours des fresques du Quattrocento admiré, pour se concentrer sur les apprêts de la splendeur. Il parvient à en révéler les nuances et le rayonnement.
Dans Natura Morta, Morandi livre en outre une nouvelle conception de l’espace : "à partir des années 1950, ces gnomons ne projetteront plus d’ombre. Ce monde immobile ne connaitra plus l’ombre portée, comme si un midi parfait avait fini par diviser le jour en deux parties égales" (Jean Leymarie). Contenus au centre de la composition, flacons, bouteilles et pots sont alignés. Sans se toucher, ils s’effleurent fort : au point que la troisième dimension s’abolit. A l’inverse de la poussière d’atelier qui se dépose sur le flanc des choses sans entrer à l’intérieur, la lumière tombe sur les objets sans produire d’ombre véritable. Aux antipodes des ombres réalistes qui leur donnent du volume, aux antipodes des ombres étirées de la Pittura metafisica de Chirico qui leur donnent l’illusion de la mémoire, ce sont des ombres blanches qui nimbent les objets de Morandi. Ils n’en sont pas moins présents.
Parmi la variété des problèmes qui se posent à Morandi en dépit d’un thème constant, il y a celui du mouvement. A rebours des préoccupations obsédées des Futuristes contemporains de ses premières œuvres, Morandi cherche à exprimer la présence de la chose en l’absence du mouvement. On décèle ici comme une correspondance entre l’artiste et son œuvre : enfermé dans sa Bologne natale, isolé dans la paysage artistique de son temps, Morandi invente un monde clos où le changeant et le transitoire n’ont pas lieu.
A force de maîtrise et de travail intérieur, c’est dans une œuvre de la majesté de Natura Morta que le règne de l’immobile rejoint celui de l’immuable : "Une surprenante immobilité se dégage de ces repères dressés sur la table comme des gnomons sur un plan, groupés, rassemblés pour mettre de l’ordre dans le cours du temps, en sonder le mystère, en observer le sens, petits observatoires domestiques, calendriers lariques célébrant le rituel minutieux du soleil" (ibidem). A ce moment, c’est bel et bien la présence du temps que Morandi donne à voir à travers la chose la plus familière, la plus modeste, la plus dérisoire qui soit.
Dans Natura Morta, au-delà de ses valeurs plastiques d’où sont abstraits espace et temps, Morandi est le premier à révéler le potentiel conceptuel de l’art.
Catalogue note
“Morandi’s painting thus moves forward in time, tacitly faithful to itself although diverse, by imperceptible variations at the summit and considerable ones at the base.” Cesare Bradi.
In the middle of the 1950s, Morandi’s works reached an absolute degree of starkness and perfection. Kept since 1956 in Bologna, the city where Morandi was born and died, Natura Morta was created after the Grizzana period, the Bolognese countryside where the artist stayed during the war and where he painted a memorable series of landscapes radiating the serene feeling of nature. Painted in the Bologna studio where Morandi returned in order to devote himself to the still life genre, a veritable metonymy of his work, Natura morta conveys the rise of new standards. The language is new: colour tones, space and light contribute towards an ultimate and sublime purity.
Contrasting with the rigour of the structure, the light colour tones orchestrate the silent composition of Natura morta. We no longer find the lapis lazuli blue of the pre-war paintings; nor the matt reds and brick oranges that occasionally appear even in his last works. Only the vibrato of tender ochre’s, or soft browns and ashy grays. It is as if Morandi, renowned for grinding his own pigments, has chosen to renounce the admired finery of Quattrocento frescoes in order to concentrate on the fainter preparations of splendour. He succeeds in revealing their nuances and radiance.
In Natura morta, Morandi also presents a new conception of space: “From the 1950s, these gnomons no longer project shadows. This immobile world no longer knows of thrown shadows, as if a perfect midday had ended up dividing the day into two equal parts.” (Jean Leymarie). Contained at the centre of the composition, flasks, bottles and pots are lined up. Without touching each other, they graze their edges, to the point of abolishing the third dimension. Unlike the dust of the studio which gathers on the sides of things without entering, light falls on the objects without creating a veritable shadow. Poles apart from realist shadows which give them volume, poles apart from the stretched shadows of Chirico’s Pittura metafisica which give them the illusion of memory, these are white shadows which enshroud Morandi’s objects. They are no less present.
Among the variety of problems posed for Morandi, and despite a constant theme, there is that of movement. In contrast with the Futurist obsession of his first works, Morandi sought to express the presence of the thing in the absence of movement. A link between the artist and his work can be perceived here: enclosed within his native Bologna, isolated within the artistic landscape of his time, Morandi invented a closed world where the changing and the transitory do not occur.
By dint of skill and internal labour, it is in a work as majestic as Natura morta that the reign of the immobile joins that of the immutable: “A surprising immobility emerges from these landmarks standing on the table like gnomons on a map, grouped, gathered together to put the process of time in order, to probe its mystery, observe its meaning, small domestic observatories, larique calendars celebrating the meticulous ritual of the sun.” (Ibidem). At this instant, it is certainly the presence of time that Morandi renders visible through the most familiar, the most modest, the most derisory of things.
In Natura morta, beyond its artistic values from which space and time have been abstracted, Morandi is the first to reveal the conceptual potential of art.