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Masque-heaume, Kota, Gabon
Description
- wood and pigment
- haut. 64 cm
- 25 1/4 cm
Provenance
Catalogue Note
Par Louis Perrois
Ethnologue et historien de l'art, spécialiste des arts de l'Afrique équatoriale
Lors de mes premières tournées de terrain en pays kota, entre Makokou et Mékambo, au Gabon oriental, j’eus l’occasion de voir in situ plusieurs masques « emboli ». C’était en septembre 1965, soit à l’époque où Christian Duponcheel puis Jacques Kerchache, alors jeunes antiquaires en quête de trouvailles méconnues, en collectèrent des spécimens de belle qualité sculpturale qui se retrouvèrent vite en exposition à Paris (Musée de l’Homme, inv. n° 67.10.1) et à Zurich (cf. Elsy Leuzinger, Die Kunst von Schwarz-Afrika, R 14, 70 cm). Quelques autres étaient cependant connus, tels que celui entré dans les collections du Musée des Arts d’Afrique et d’Océanie en 1964 (cf. Le Fur, Les forêts natales, Arts de l’Afrique équatoriale atlantique, 2017, n° 128). Tous ces masques avaient été façonnés dans les années 50.
Le masque emboli (appelé aussi mboto-mwa-bèmpoli) représente un esprit de la forêt (ekokoï) qui se manifeste à l’occasion de l'initiation satsi des adolescents, chez les Kota, les Mahongwe et les Shamaye, trois peuples apparentés de la région de Makokou et de Mékambo (Gabon oriental). Ce masque heaume prend l'aspect d’un humain aux traits à la fois stylisés et déstructurés, tels que sont imaginés les ancêtres défunts ; l'emboli se caractérise aussi par certains attributs animaux, comme les rides des arcades et des joues et surtout le cimier sommital dont l'impressionnante crête sagittale et longitudinale, croisée de deux ailerons arqués, évoque explicitement le crâne du gorille mâle (njya), un des esprits les plus redoutés de la forêt. Comme ce masque, acquis en 1967 dans le village Batouala (Henriot, Mascarades africaines, 2014, p. 219), certains spécimens sont enduits de kaolin blanchâtre (symbolisant le monde des défunts) et d’un pigment noir, parfois aussi d’un motif ocellé noir et rouge sur un fond blanc, symbolisant la puissance de la panthère (ngoye).
C’est au cours de l’initiation satsi (encore en fonction jusqu’aux années 60-70) que les jeunes Kota avaient la révélation des masques. Ils découvraient alors que les créatures de bois peint, au costume de fibres et de pagnes, si effrayantes pour les néophytes, n’étaient que l’évocation visuelle des esprits de la forêt, fabriqués par les nganga (spécialistes rituels) pour impressionner le public profane des villages. Fruit de l’imagination des initiés et souvent nées de leurs rêves provoqués par des plantes hallucinogènes, ces entités aux formes étranges et colorées, aux traits stylisés, sont aussi au cœur des récits mythiques de la tradition orale. L’emboli était conservé caché dans un enclos secret aménagé en forêt loin des villages, par les initiés du mungala, principale confrérie masculine des Kota. Ces masques, encore présents jusqu’aux années cinquante, sont devenus rares au fil des décennies en raison d’un abandon progressif des initiations villageoises. Ils ont complètement disparu aujourd’hui.