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Masque, Punu, Gabon
Description
- wood
- haut. 31 cm
- 12 1/4 in
Provenance
Transmis par descendance
Alain de Monbrison, Paris
Jacques Germain, Montréal, acquis en 2005
Collection privée américaine
Collection privée européenne
Exhibited
Literature
Tribal Art magazine, n° 13, Eté 2006, p. 25
Neyt, Fleuve Congo. Arts d'Afrique centrale, 2010, p. 306, n° 200
Grand-Dufay, Les Lumbu. Un art sacré. Bungeelëyibayisi, 2016, p. 55, n° 29
Catalogue Note
La danse de l’okuyi (mukuyi ou mukudj’), qui a donné son nom aux masques blancs de la région du Sud-Gabon, fédérait la communauté lors de ses évènements majeurs : au moment des deuils, lors de la naissance de jumeaux, au cours des rituels d’initiation, ou encore afin de régler rituellement des distensions entre groupes, à travers des joutes de palabres. Faisant référence à la « femme ancêtre », le masque « avait pour fonction religieuse de relier les vivants aux morts, avec un rôle de captation de leurs forces occultes » (Perrois et Grand-Dufay, Punu, 2008, p. 43). Son pouvoir sacré était signifié à travers la virtuosité du danseur - juché lors de sa performance sur de hautes échasses - et la beauté émanant de sa face sculptée. Le visage, grandeur nature, exalte ainsi les signes de la beauté féminine. A leur transcription le plus souvent codifiée répond parfois, comme ici, le pouvoir de transcendance insufflé par l’inspiration et le talent du sculpteur.
L’explorateur Paul Du Chaillu (1831-1903) fut le premier à relater les signes de beauté en pays Punu : « les femmes s’embellissent en se tatouant le front par des espèces de cicatrices. Ce sont souvent de petites protubérances rondes, au nombre de neuf, et de la grosseur d’un pois, disposées en losange entre leurs sourcils. Des ornements du même genre ressortent sur leurs joues […]. Elles se rougissent la peau [et] se coiffent de différentes façons » (Du Chaillu, L’Afrique sauvage. Nouvelles excursions au pays des Ashangos, 1868, p. 122). Dans ce masque s’affirme l’harmonie parfaite entre les critères naturels de la beauté, et les signes qui lui sont ajoutés. L’artiste a légèrement sous-dimensionné le visage afin de mettre en valeur à la fois la sérénité de la face – au regard filtrant – et la majesté de la coiffe, magnifiant ainsi l’apparence idéale de la « femme ancêtre ». Si la coiffe, de type classique (large coque centrale composée de cheveux tressés en natte et de couettes latérales retombant derrière les oreilles), relève d’une tradition ancienne - connue par des gravures dès 1850 -, elle se singularise par la très rare présence d’un ornement frontal. Selon Charlotte Grand-Dufay (communication personnelle, octobre 2017), « cet ornement, d’où part de chaque côté une double mèche de cheveux entourant la base de la coque, se retrouve sur quelques autres masques anciens, dont notamment celui des collections de Paul Guillaume puis du Baron Von der Heydt, entré dans les collections du Rietberg Museum (Zurich) avant 1928 ; un masque collecté avant 1923 (Grand-Dufay, Les Lumbu, un art sacré, 2016, p. 54 et couverture), et un conservé au Rautenstrauch-Joest Museum für Völkerkunde de Cologne ».
La singularité de la parure et l’individualité qui sublime l’iconographie conventionnelle révèlent tant le talent de l’artiste que le processus de création - fondé, selon Alisa LaGamma, sur « la relation individuelle entre un masque et un sujet humain […]. Les femmes qui méritaient d’être immortalisées par le biais de ce vocabulaire étaient, par définition, choisies pour leur beauté » (LaGamma in Le Fur, Les forêts natales. Arts d’Afrique équatoriale atlantique, 2017, p. 163-164).
S’ajoute enfin, dans cette alliance entre la beauté profane et religieuse, le fard blanc rituel mpemba, ornant le masque au même titre que les participants aux grandes cérémonies collectives. « Cette omniprésence de la couleur blanche […] est un rappel récurrent de la présence du sacré dans le monde profane » (Perrois et Grand-Dufay, idem, p. 9).
Si l’efficience de ses pouvoirs s’affirmait dans la vision fugitive des spectaculaires performances de l’okuyi, ce masque continue de s’imposer à nous par la magnificence de sa face sculptée.
The white masks of Southern Gabon became one of the emblematic images of African arts in the 19th century. The coherence of their very rich corpus defied various attempts at classification, whether according to their iconographic variations, or through the closely related groups (Punu, Lumbu, Shira, Sangu, Tsengi, etc) which, even today, share in their tradition. Aesthetics offer another path for their study. Beyond Western appreciation, it is based on the very essence of these masks, the inspiration and reception of which proceed equally from beauty and virtuosity. This mask is at the acme of a tradition where religious and profane notions of the sacred unite in the exaltation of the beauty.
The okuyi (mukuyi or mukudj') dance, which gave its name to the white masks of the Southern Gabon region, brought the community together for major events: during mourning, for the birth of twins, during initiation rituals, or when ritually settling dissent between groups through palaver jousts. A reference to the “woman ancestor”, the mask “was designed to religiously connect the living with the dead, whilst capturing their occult forces” (Perrois and Grand-Dufay, 2008, p. 43). Its sacred power was manifested through the virtuosity of the dancer, perched on high stilts during his performance, and through the beauty emanating from its sculpted face. Therefore the life-size face exalts the signs of feminine beauty. Their often-codified transcription is sometimes, as is the case here, compounded by the power of transcendence instilled by the inspiration and talent of the sculptor.
Explorer Paul du Chaillu (1831-1903) was the first to give an account of signs of beauty in Punu country: "Women beautify themselves by tattooing their foreheads with a sort of scarring. There are often nine small round protuberances, about the size of a pea, arranged in a rhombus between their eyebrows. The same kinds of adornments arise on their cheeks […]. They redden their skin [and] style their hair in various ways” (Du Chaillu, L’Afrique sauvage. Nouvelles excursions au pays des Ashangos, 1868, p. 122). In this mask there is perfect harmony between the natural criteria of beauty and the signs that are added to it. The artist has slightly underplayed the dimensions in the face in order to emphasize both the serenity of the face - with a filtering gaze - and the majesty of the coiffure, thus magnifying the ideal appearance of the “woman ancestor”. Although the coiffure is of a classical type (large central lobe made up of braids, and side bunches hanging behind the ears) and derives from an ancient tradition, known through engravings from 1850, it stands out for the very rare presence of a frontal ornament. According to Charlotte Grand-Dufay (personal communication, October 2017), “this ornament, from each side of which a double strand of hair stems, surrounding the base of the lobe, is found on certain other ancient masks, one of which was held in the Paul Guillaume collection, later in the Baron Von der Heydt collection, and which eventually came into the Rietberg Museum collections (Zurich) prior to 1928; a mask collected before 1923 (Grand-Dufay, Lumbu, un art sacré, 2016, p. 54 and cover), and one preserved at Rautenstrauch-Joest Museum für Völkerkunde in Cologne”.
The singularity of the ornament and the individuality that sublimates the conventional iconography reveal the talent of the artist as well as the process of creation - based, according to Alisa LaGamma, on “the individual relationship between a mask and a human subject […]. The women who deserved to be immortalised through this vocabulary were, by definition, selected for their beauty” (LaGamma in Le Fur, Les forêts natales. Arts d’Afrique équatoriale atlantique, 2017, p. 163-164).
Finally, this alliance between secular and religious beauty is compounded by the mpemba white ritual makeup, adorning the mask in the same way it does the participants in great collective ceremonies. “This constant presence of the colour white […] is a recurring evocation of the presence of the sacred in a profane world” (Perrois and Grand-Dufay,ibid, p. 9).
Although the efficiency of its powers was asserted in the glimpse of the spectacular okuyi performances, this mask still mesmerizes us today with the magnificence of its sculpted face.