Lot 41
  • 41

Stendhal [Beyle, Henri, dit]

Estimate
20,000 - 30,000 EUR
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Description

  • Stendhal [Beyle, Henri, dit]
  • Histoire de la peinture en Italie, par M. Beyle, ex-auditeur au Conseil d’État. Paris, Didot l’Aîné, Imprimeur du Roi, 1817.
  • PAPER
Remarquable exemplaire avec envoi au comte Kosakowsky dans une charmante reliure de l’époque.

2 volumes in-8 (208 x 133 mm). Demi-basane, plats de papier marbré, dos lisses ornés de rinceaux dorés, tranches marbrées (Reliure de l’époque).
Un coin inférieur du premier plat du t. I légèrement plié ; coins supérieurs du t. II légèrement émoussés, sinon bel exemplaire.



D'une grande rareté : un des quelques volumes publiés par Stendhal qui donne son véritable nom, "M. Beyle, ex-auditeur au Conseil d’Etat".



Edition originale. L’exemplaire contient les cartons que l’imprimeur imposa, signalés par Cordier (p. 209-210, 211-212 et 212 bis-212 ter du t. I et p. 21.22-23.24 du t. II), ainsi que des trois feuillets d’errata (2 ff.n.ch. au t. I et 1 f.n.ch. au t. II), reliés en fin des volumes, qui manquent très souvent.



Cette Histoire de la peinture en Italie est la première œuvre vraiment originale qu’ait publiée Stendhal, si l’on considère que les Lettres écrites de Vienne en Autriche sur le célèbre compositeur J.H. Haydn (1814, connues sous le titre de Vies de Haydn, Mozart et Métastase qui leur sera donné en 1817) sont davantage des traductions que des compositions (Paupe, p. 18).



Seconde émission donnée en 1820, avec le millésime de 1817 et le nom de Beyle sur la page de titre (beaucoup plus courant, le premier tirage donne seulement "par M.B.A.A.", pour "Monsieur Beyle Ancien Auditeur" ; la seconde édition (1831) donnera le pseudonyme de "Stendhal"). Les thèses tendancieuses de l’auteur l’obligèrent à cacher son nom sous l’abréviation M.B.A.A. dans la plupart des exemplaires, et l’éditeur d’imposer 26 cartons. Plusieurs passages dangereux, en effet, pouvaient être signalés, en France à la police de la Restauration, en Italie au sévère gouvernement autrichien. "Ces craintes n’étaient pas vaines", explique Martineau, "et quand en 1828 Stendhal sera expulsé de Milan, ce sera en grande partie pour avoir écrit cet ouvrage, qui plus tard l’empêchera encore d’être accrédité comme consul à Trieste. […] Sa seule précaution, en réalité, fut de ne pas signer ce livre" (Martineau, L’Oeuvre de Stendhal, p. 121). Pour mystifier davantage encore les notabilités françaises auxquelles il envoyait l’ouvrage, il lui est arrivé de signer Aubertin fils (pour "M.B.A.Aubertin"). Aussi, les rares exemplaires connus donnant le nom de Beyle sur la page de titre relèvent-ils d’une certaine audace. Ils ont été réalisés en 1820, selon une volonté de Stendhal formulée dès 1819 (Histoire de la peinture en Italie, édition d’Arbelet, p. CXXXI). Le fait qu’ils soient les seuls volumes publiés du vivant de l’auteur à porter son nom "Beyle" ajoute encore à leur intérêt (cf. Arbelet).



D’autres différences distinguent ces exemplaires de ceux habituellement rencontrés : le chiffre de l’éditeur été supprimé et l’épigraphe des Carracche a été remplacée par des vers du Monti de Manfredi.



Seuls 7 exemplaires de cette émission sont connus :
- Louis de Potter, puis Bibliothèque Simonson (I, Sotheby’s, 19 juin 2013, lot 276) ;
- Mérimée (décrit Vicaire d’après la vente de 1891) ;
- Stritch-Jules Guillemin (première mention en 1875, cf. Cordier) ;
- Exemplaire Heilbrun (Catalogue n° 4, mars 1952, n° 1026) ;
- Deux exemplaires de la bibliothèque de Stendhal : celui de Jacques Guérin (20 mars 1985, n° 101 ; ensuite dans la Bibliothèque Jaime Ortiz-Patino (Sotheby’s, II, 2 décembre 1998, n° 67) et celui du Colonel Sikles (I, 20-21 avril 1989, n° 196).
- Comte Kosakowsky, le présent exemplaire.



Parmi ces exemplaires, seuls 3 portent un envoi (celui de Mérimée, celui de Louis de Potter et le présent exemplaire).



Le tome II porte pour la première fois l’épigraphe que les connaisseurs de Stendhal connaissent bien : "To the happy few" ("Cela explique tout le titre. Je le dédie aux âmes sensibles", dit-il dans une lettre à Crozet de 1816), devise qui figure également en note (t. I, p. 148) et à la fin des Promenades dans Rome, du Rouge et Noir et de La Chartreuse de Parme.



Envoi autographe au comte Kosakowsky :
"À Monsieur le Comte Kosakowsky
Secrétaire de la Légation Russe
à Rome".



Cette dédicace est répétée sur les pages de titre des deux volumes.



Le comte Kosakowki était un ami de la belle Cornelia Martinetti, née comtesse Rossi, dont il fréquenta le salon romain. Dans ses minutieuses Impressions romaines, E.J. Delécluze mentionne sa participation à plusieurs événements mondains entre fin janvier et fin février 1924 (voir passim ; il écrit "Cosacowski"), à une période où Stendhal était à Rome (jusqu’au 4 février). Prosper Duvergier de Hauranne, ami intime et disciple de Stendhal, le cite également dans une lettre qu’il adresse à celui-ci le 14 juin 1824 : "nous sommes arrivés dans la Ville éternelle sans le moindre petit accident à raconter à nos amis et connaissances, et sauf les Anglais qui s'en sont enfuis en masse, je n'y ai rien trouvé de changé. […] Après plusieurs fluctuations, la Martinetti et Kosakowski qu'on avait cru au moment de se séparer se sont accrochés de nouveau l'un à l'autre et ils forment le soir avec la Gabrielli et Mgr Marini une partie carrée, qui au nombre de ses péchés ne compte pas au moins la dissimulation. Tout le monde au reste dans cette maison nous a beaucoup demandé de vos nouvelles, et l'ouvrage Sur l'amour y est attendu avec impatience par l'auteur d'Amélie [Cornelia Martinetti]." (Stendhal, Correspondance, p. 785.)



Sur la page de garde du t. I, un propriétaire du XIXe siècle donne quelques indications bibliographiques.



[On joint :]
"Vue de l’amphithéâtre de Flavius, vulgairement dit Colisée à Rome". Aquarelle titrée au verso (encre et aquarelle, 950 x 1135 mm, rousseurs), insérée dans un des volumes, pourrait être attribuée à Victor-Jean Nicolle (1754-1826), peintre français passionné d’art et d’architecture italienne, qui passa cinq ans à Rome pour étudier et peindre les monuments entre 1806 et 1811.



Nous remercions M. Jacques Houbert pour les renseignements qu’il a bien voulu nous donner sur le comte Kosakowski et pour avoir authentifié l'écriture de l'envoi.



Références : H. Cordier, Bibliographie stendhalienne, 1914. — E.J. Delécluze, Impressions romaines, 1942. — H. Martineau, L’Oeuvre de Stendhal, 1945. — A. Paupe, Histoire des œuvres de Stendhal, 1904. — Stendhal, Correspondance, Pléiade, 1967, t. II. — Stendhal, Histoire de la peinture en Italie, édition de P. Arbelet, 1924.



Provenance : comte Kosakowski (envoi) -- Julien Bogousslavsly (ex-libris gravé).