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Max Jacob
Estimate
4,000 - 5,000 EUR
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Description
- Max Jacob
- Conférence sur Guillaume Apollinaire. Manuscrit autographe signé, s.d. [1927], 4 pages sur 2 feuillets in-8, écrites à l’encre noire au recto seulement, avec enveloppe autographe d'envoi à Madame Aurel légendée Texte pour la soirée du 31 mars pour Guillaume Apollinaire, cachet postal du 28-3-27.
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TRÈS BEAU TEXTE INÉDIT DE SOUVENIRS SUR APOLLINAIRE.
L'écrivain Aurel (Mme Alfred Mortier) organisait chez elle, rue du Printemps, des soirées littéraires consacrées à un écrivain, soirées que ridiculisera Léautaud dans son mordant Un Salon littéraire. Ayant prévu d'en consacrer une à Apollinaire le 31 mars 1927, elle demanda à Max Jacob, qui résidait à Saint-Benoît-sur-Loire, de rédiger pour la circonstance deux pages de souvenirs, qui seraient lues ce soir-là. Max Jacob s'exécuta et envoya par la poste ce texte, qui constitue un très bel hommage à son ami disparu. Apollinaire et Max Jacob, qui s'étaient rencontrés en 1905, avaient en effet été liés d'une grande amitié. Et, comme Jacob le rappelle dans son texte, c'est lui qui fit connaître Picasso à Apollinaire.
Après un bref hommage à Aurel, Max Jacob brosse le très intéressant portrait synthétique d'un Apollinaire un peu paradoxal : … le Guillaume des colères, le Guillaume des rires en fanfare, le Guillaume des improvisations satiriques avait une nature douce et réservée. Ce héros de la guerre avait devant une bataille de voyous une peur de fillette. Il avait un fond comme religieux et pudibond, il respectait les convenances, il prisait la correction. Ce suiveur de jupes n'allait pas aux rendez-vous qu'il donnait dix fois par jour aux dactylographes de Paris et d'ailleurs…
Parmi ses souvenirs personnels, il brosse d'abord cet étonnant portrait d'Apollinaire au travail : Guillaume inspiré était sublime. Le teint enflammé, ruisselant de sueur, les vêtements défaits, Guillaume, tragique, chantait gravement. La vaste cuirasse de son corps sur une maigre chaise se tordait comme celui d'une sibylle ; il riait, il pleurait, pâlissait tout d'un coup et les vers un à un sortaient de lui…
Evocation de leur première rencontre, dans un bar : … Il était entouré d'abord d'une multitude de petits livres reliés puis d'une demi-douzaine de commis-voyageurs. Il tendit la main à Picasso et à moi sans quitter ni sa pipe ni ses propos enflammés. C'était un jeune homme (nous sommes en 1905) aux épaules larges, habillé de somptueux drap anglais clair et d'une chemise un peu sale et molle. Il était alors très pâle, sa figure était piriforme, terminée par une touffe bouclée de cheveux à reflets dorés… Il parle ensuite de leurs randonnées nocturnes, et de sa collection de livres ridicules qui faisaient notre joie…
Parler d'Apollinaire, conclut-il, c'est parler de la Poésie elle-même, de la Jeunesse dans ses élans lyriques, de l'Art enfin qu'il personnifiait…
Comme avait bien voulu nous le confirmer Michel Décaudin, ce texte, dont l'existence seule était connue, est inédit.
L'écrivain Aurel (Mme Alfred Mortier) organisait chez elle, rue du Printemps, des soirées littéraires consacrées à un écrivain, soirées que ridiculisera Léautaud dans son mordant Un Salon littéraire. Ayant prévu d'en consacrer une à Apollinaire le 31 mars 1927, elle demanda à Max Jacob, qui résidait à Saint-Benoît-sur-Loire, de rédiger pour la circonstance deux pages de souvenirs, qui seraient lues ce soir-là. Max Jacob s'exécuta et envoya par la poste ce texte, qui constitue un très bel hommage à son ami disparu. Apollinaire et Max Jacob, qui s'étaient rencontrés en 1905, avaient en effet été liés d'une grande amitié. Et, comme Jacob le rappelle dans son texte, c'est lui qui fit connaître Picasso à Apollinaire.
Après un bref hommage à Aurel, Max Jacob brosse le très intéressant portrait synthétique d'un Apollinaire un peu paradoxal : … le Guillaume des colères, le Guillaume des rires en fanfare, le Guillaume des improvisations satiriques avait une nature douce et réservée. Ce héros de la guerre avait devant une bataille de voyous une peur de fillette. Il avait un fond comme religieux et pudibond, il respectait les convenances, il prisait la correction. Ce suiveur de jupes n'allait pas aux rendez-vous qu'il donnait dix fois par jour aux dactylographes de Paris et d'ailleurs…
Parmi ses souvenirs personnels, il brosse d'abord cet étonnant portrait d'Apollinaire au travail : Guillaume inspiré était sublime. Le teint enflammé, ruisselant de sueur, les vêtements défaits, Guillaume, tragique, chantait gravement. La vaste cuirasse de son corps sur une maigre chaise se tordait comme celui d'une sibylle ; il riait, il pleurait, pâlissait tout d'un coup et les vers un à un sortaient de lui…
Evocation de leur première rencontre, dans un bar : … Il était entouré d'abord d'une multitude de petits livres reliés puis d'une demi-douzaine de commis-voyageurs. Il tendit la main à Picasso et à moi sans quitter ni sa pipe ni ses propos enflammés. C'était un jeune homme (nous sommes en 1905) aux épaules larges, habillé de somptueux drap anglais clair et d'une chemise un peu sale et molle. Il était alors très pâle, sa figure était piriforme, terminée par une touffe bouclée de cheveux à reflets dorés… Il parle ensuite de leurs randonnées nocturnes, et de sa collection de livres ridicules qui faisaient notre joie…
Parler d'Apollinaire, conclut-il, c'est parler de la Poésie elle-même, de la Jeunesse dans ses élans lyriques, de l'Art enfin qu'il personnifiait…
Comme avait bien voulu nous le confirmer Michel Décaudin, ce texte, dont l'existence seule était connue, est inédit.