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Celan, Paul
Description
- Celan, Paul
- 18 lettres et cartes autographes signées "Paul" et 2 manuscrits autographes des poèmes In memoriam Paul Eluard et Landschaft. Vers 1950-1965.
joint : un tiré à part de deux poèmes de Guillaume Apollinaire, traduits par Celan, avec une correction autographe (cahier de 6 pages in-8), et deux petites photographies de Celan, prises lors du mariage d'Isac Chiva dont il était le témoin.
Catalogue Note
Ces lettres, signées "Paul", témoignent de la grande amitié qui liait les deux hommes, même si Celan reconnaît ne pas savoir toujours exprimer ses sentiments : "dieu sait quelle est cette main qui m’empêche de trouver à mes pensées les mots dont elles sont pourtant faites avant de se précipiter dans les silences – rien au monde ne me rend plus malheureux que de me voir confiné à ce mutisme" (lettre datée de Londres).
Néanmoins, il s'ouvre sur son désarroi après le décès de son premier enfant, mort au lendemain de l’accouchement, en 1953, de leur bonheur à accueillir leur fils, Eric, né deux ans plus tard : "à la joie de pouvoir enregistrer nous-mêmes le poids de son existence – hier, il pesait 2 kilos 705 grammes ! s’ajoutent celle de nous extasier devant ces yeux ouverts, très grands et d’un bleu acier très foncé, ses cheveux plutôt blonds, ses oreilles bien collées, ses mollets bien fermes […] En un mot, c’est le grand réveil des choses simples, après et malgré tout". Et Celan sait remercier chaleureusement Chiva qui lui a offert le second volume des oeuvres de Georg Trakl : "L’autre jour, quand tu m’as parlé de ton intention d’aller continuer tes études aux Etats-Unis, j’ai senti soudain un vide qui se faisait autour de moi. N’est-il pas vrai que nous vivons, malgré nos espoirs peut-être, dans l’attente d’un temps qui nous demanderait de prouver que nous sommes en réalité ce que nous pensons ? Ce jour-là, j’aimerais savoir que tu n’es pas loin et que notre amitié y trouve une place".
Celan raconte à son ami ses impressions sur Londres - "ville étrange" - l'informe de ses travaux de traducteur, qu’il espère pouvoir un jour abandonner : "Ce travail me confronte avec toutes mes défaillances", de son inspiration poétique. Lors d’un séjour dans le sud de la France, il fait parvenir à son ami deux poèmes, 'couleurs du temps', : "que j’ai longtemps mâchés pour les rendre assez amers" dont Schibboleth : "là j’ai mis, tu le vois, le souvenir de l’insurrection ouvrière de Vienne et celui de Madrid révolutionnaire. Assez curieusement, la Licorne a voulu se faire conduire chez les chèvres de l’Estramadura : réminiscence, renouvelée ici, d’un flamenco que nous avons écouté chez toi" (les deux poèmes sont joints, en dactylographie).
Soucieux de l’avenir de Chiva, Celan lui conseille de ne pas précipiter ses décisions, sans juguler pour autant son enthousiasme : "je crois, que toi et moi, riches d’amertumes cueillis sous tant d’horizons, avons toujours besoin d’un moment pour mesurer le poids de ce que, de nous-mêmes, nous mettons sur l’autre plateau de la balance. Les vraies certitudes comportent toujours une possibilité d’attente. Et les vraies attentes ne sont jamais trop longues. Surtout lorsqu’on est vraiment deux pour définir leur unité de mesure". Citons encore parmi les noms croisés au fil de ces lettres, ceux de Lucien Gspann, auteur de Gallicismes et Germanismes, Roger Blin, Serge Moscovici, Hermann Hesse, Jean Effel dont Celan adapte La Création. Les cartes postales sont expédiées de Hambourg, Florence, Ravenne, Cambridge, Tübingen : « voilà la tour où est mort Hölderlin »...
Le premier poème, 'In memoriam Paul Eluard', est composé de 18 vers, rédigés à l’encre puis au crayon : "Lege dem Toten die Worte ins Grab / die er sprach, im zu leben / Bette sein Haüpt zwischen die, Laß ihn fühlen / Die Zangen der Sehnsucht"...
Le second, 'Landschaft', paru dans le second recueil du poète Mohn und Gedächtnis, est un poème symbolique des thématiques récurentes de l'oeuvre de Celan :
"Ihr hohen Pappeln - Menschen dieser Erde !
Ihr schwarzen Teiche Glücks - ihr spiegelte sie zu Tode !
Ich sah Dich, Schwester, stehn in diesem Glanze."