[Logica]

Deux manuscrits de 190 et 149 ff. sur beau vergé sonore, écrits recto-verso à l’encre brune d’une petite et fine écriture sinistrogyre, calligraphiés à l’encre noire d’une grande lettrine historiée de départ,  de titres aux belles lettres parfois ombrées et de petits culs-de-lampe. L’écriture du copiste est régulière, appliquée, quasiment sans ratures.

cours donnés par deux professeurs :
--  Jean Randax[he] : “Annotata Logices sub Doctissimo D[omi]no D[omini]. Joe Randax Leodio STL [Sacrae Theologiae Licentiatus] philosophiae Professore primario scripsit Polart”.
-- Sébastien Thibaut : “Annotata sub Doctissimo D[omi]no Domini Sebastiano Thibaut Angiensi STL Philosophiae professore secundari”.

Ces titres sont écrits à l’encre noire dans le cartouche laissé en blanc des deux frontispices, entre le saint Cornelius et la Vierge et l’Enfant, qui furent mis sur cuivre d’après un même dessin par deux graveurs, avec changements. Le 1^er gravé  par Ioan Verhoeven  pour Iacobus  de Gosen à Louvain avec le Château (sur le Keizersberg) dans le bas entre les bustes de Platon et d’Aristote (n° 1.1.2 du répertoire Smeyers-Van der Meijden qui montre en fait un 2^e état avec nom de l’éditeur effacé, voir Ex Cathedra p. 214). Verhoeven a fait au moins 4 autres frontispices avec un saint différent. - Le 2^e  gravé par Arnold Loemans pour Franciscus Wijckmans, avec, entre les bustes, les armoiries de Louvain soutenues par deux anges (id., n° 1.2.2. p. 215). Loemans a aussi exécuté 2 autres pl. avec saint différent. On peut constater par le nombre de ces variantes la forte demande estudiantine.

Etudiant : “Iacobus/ Albertus// Pollart/ Hannomontanus”, en lettres dorées frappées sur les plats. Jacques Albert Pollart, originaire de Mons est inscrit le 30 janvier 1666 chez les “Minnorennes”, les plus nombreux des étudiants qui étaient répartis entre nobilis, minorennis et pauper, - au collège de la Pédagogie du Château (une des 4 Paedagogium), recteur Henri Scaille. Voir A. Schillings Matricule de l’Université de Louvain, Bruxelles, Palais des Académies, 1963, VI,  p. 240, n° 168 “Albertus Pollart, Montensis”. Dernière année de prospérité, car en 1667, les cours furent suspendus devant l’invasion des troupes de Louis XIV (dont le portrait figure dans le recueil), les étudiants devant aider les civils pour les travaux de fortifications. Cette dernière année faste lui permit de réaliser un luxueux exemplaire de ses cours.

Professeurs : Jean Randaxhe de Liège, professeur primarius de philosophie au collège de la Pédagogie du Château, d’où la gravure du Castrum (de Burcht) sur le titre. Sébastien Thibaut d’Enghien (né en 1633), et non Tiebaut (voir Ex Cathedra p. 326), attaché à la Faculté des Arts en 1653 dont dépendait la Pédagogie du Château où il fut nommé professeur secundarius en 1666. Voir E. Reusens. Documents relatifs à l’histoire de l’Université de Louvain. Collèges ou maisons d’études des ordres religieux. Extraits des Analectes.  Bruxelles, s.n., 1999, t. I p. 238 n° VIII (Randaxhe), t. II p. 599, n° 59 (Thibaut).

Illustration en 2 séries :
-- 36 portraits : Pollart n’a pas lésiné pour enrichir son cours. Ces belles eaux-fortes, certaines avec de superbes encadrements baroques, furent quasi toutes achetées  chez le fameux éditeur et marchand d’estampes anversois Gaspar de Hollander “op de Meer inde gulde(n) croen [Meir, à la couronne d’or]. Y figure d’ailleurs, comme témoignage peut-être de leur amitié, son merveilleux portrait, assez jeune, peint par Ioan Meyssens et gravé par Petr. de Iode (ici reproduit), avec la légende en français du grand voyageur “par mer tant en Espagne, Swede, Noorwege,/ que allieurs est sauf retourné auec la grace de Dieu en sa patrie”. Les planches portent les noms des graveurs flamands de son atelier : Adr. Mela(e)r, Fr. vanden Wijngaerde, C. Waumans, et surtout Petrus de Iode (Pieter de Jode II), avec les dates de 1659 à 1666, année de la fin de la transcription. Deux seules ne portent pas d’adresse et celles du comte Serini sont éditées chez Th. Van Merlen d’Anvers.
Splendide galerie de rois, empereurs, princes électeurs, archevêques, évêques, militaires de toute l’Europe, y compris les Turcs : curieusement l’“empereur” de Constantinople Mahomet IV et son épouse ainsi que le vrai portrait du jeune Usman frère du Grand Turc sont confrontés au militaire hongrois, le comte Nicolas Serini [Miklos Zrinyi] en 2 gravures à cheval pourfendant le Turc. Certains portraits relèvent du passé tels Charles-Quint d’après Titien, le Pape Grégoire XV (mort en 1623), mais ce sont surtout les grandes figures dominant les années de jeunesse de Pollart, ainsi Louis XIV et son frère Philippe, duc d’Anjou adolescent (antérieur à 1660 quand il devint duc d’Orléans), Léopold-Guillaume de Hasbourg, gouverneur des Pays-bas espagnols (mort en 1662), magnifique bordure à la licorne, Henri de la Ferté, marquis de Sen(n)eterre, maréchal de France (mort en 1681), Charles IV duc de Lorraine (mort en 1675), Louis II de Bourbon, prince de Condé (d’après la gravure de Robert Nanteuil de 1662 ?).
Se détachent un merveilleux portrait d’enfant allégorique, aux deux chiens se disputant un os (légendé en 3 langues) et surtout le portait imaginaire de l’allemand Thyl Ulenspiegel mort censément à Dam (devenu le héros national belge que l’on sait), reproduit in Ex Cathedra, d’après un cours de 1669 (p. 198).
-- Les 5 sens de Lauwers : extraordinaires eaux-fortes de C(onrad). Lauwers l’anversois d’après C.B. [Craesbeeck ?], sur beau vergé au lis couronné, titrées : Visus, Adoratus (fumée de pipe), Tactus (toucher de l’oreille), Auditus (flûte) et Gustus (Hollstein, X, 24-28).

Geert Vanpaemel e.a. Ex Cathedra. Leuvense collegedictaten [notes de cours] van de 16de tot de 18de eeuw. Leuven, Universiteitsbibliotheek van de KU, 2012. Somme incontournable sur les manuscrits des notes de cours avec répertoires des emblèmes, frontispices, gravures scientifiques et leur recension en Flandre dans les collections publiques. Elle contient la première étude approfondie de leurs reliures par l’éminente spécialiste Mme Elly Cockx-Indestege “Een beschermend omhulsel voor de collegedictaten” [Un revêtement pour protéger les notes de cours], p. 91 sv. et p. 227 sv. pour le répertoire des fers et bandeaux. Nous remercions vivement Mme Anne Rouzet pour ses recherches documentaires.

Faiblesse au bas d'un mors, petites taches d'encre sur les plats
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La magnifique reliure décorée est caractéristique des productions universitaires de luxe d’un atelier joliment dénommé “Artesbinderij” par Mme Elly Cockx-Indestege dans son étude (voir infra). La large roulette florale de fleurs et d’une grenade (inédite ?) constitue une variante entre celles R4 et R6 de son répertoire (p. 232 et 233). Le style s’apparente à celui des reliures de 1664 et 1669 (reproduites p. 98 et 99), mais on décèle aisément des différences, comme dans la 2^e l’absence de grenade, un des 3 filets de cadre plus épais et un jeu de plusieurs filets à l’extrême bord contre un seul ici.

Il va sans dire que les pleines reliures estampées sur des cours d'université, de surcroît enrichies de gravures et/ou dessins, restaient l’apanage des étudiants aisés, donc forcément peu courantes, la plupart étant modestement en parchemin ou en demi.

Faiblesse au bas d’un mors, petites taches d’encre sur les plats, sinon reliure fort bien conservée, ce qui reste l’exception.