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Salvador Dalí
Description
- Salvador Dalí
- Paysage de Port Lligat, avant la tempête
- signé Dalí et daté 1956 (en bas à droite)
huile sur toile
- 64,3 x 86,6 cm
- 25 3/8 x 34 1/8 in.
Provenance
Collection particulière, Californie (acquis auprès du précédent en 1956)
Acquis auprès du précédent par le propriétaire actuel en 2000
Exhibited
Condition
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Catalogue Note
signed 'Dalí' and dated '1956' (lower right), oil on canvas. Painted in 1956.
"Port Lligat, symbole d'une vie d'ascétisme et de solitude... C'est là que j'ai appris à m'appauvrir, à limiter et limer ma pensée pour qu'elle devienne aussi coupante qu'une hache. Vie dure, sans métaphore ni alcool, vie teintée d'une lueur d'éternité."
Salvador Dalí, Cadaqués 1958
La baie de Port Lligat infuse toute l'œuvre de Dalí de "sa lumière éternelle et ultra-analytique" depuis que l'artiste en 1930 fit l'acquisition d'une maison de pêcheurs qu'il transformera continuellement pendant quarante ans et qui restera sa seule résidence stable jusqu'à la mort de Gala en 1982. Le décor naturel de Port Lligat plante la scène principale des deux plus ambitieuses créations de Dalí dans les années 50 : La Madone de Port Lligat et le fameux Christ de Saint Jean de la Croix de 1951, très certainement l'œuvre d'après-guerre de Dalí aujourd'hui la plus célèbre et dont la composition de Paysage de Port Lligat, avant la tempête en 1956 est une citation directe. On y retrouve sur la plage d'une crique la barque jaune au centre, ici nommée Gala II, le pêcheur au béret rouge de dos à gauche sortant son filet des eaux, des personnages au loin marchant le long du bras de mer sur un chemin de pierre et la tour génoise sur la colline qui ferme l'horizon à droite de la composition, disposés de manière quasi similaire sur la partie inférieure de la grande composition christique conservée à la National Gallery of Art de Glasgow. Dalí avait reconnu s'être inspiré d'un paysan français dans un tableau de Le Nain (Paysans devant leur maison) et d'une étude de Velazquez pour La Reddition de Breda pour peindre la position des personnages des pêcheurs de Port Lligat dans son Christ de Saint Jean de la Croix. L'ange ici agenouillé à l'arrière de la barque n'apparaissait pas encore dans le grand œuvre de 1951 mais un an plus tard, dans L'Ange de Port Lligat (1952, Saint Petersbourg , Floride, The Salvador Dalí Museum).
Le Christ de Dalí fut exposé en 1952 dans une galerie londonienne où T. J . Honeyman, conservateur du musée de Glasgow, le découvrit et entreprit aussitôt de l'acheter. Le tableau coûta au musée 8 200 livres sterling et Honeyman dut batailler ferme pour convaincre son administration et les habitants de Glasgow de débourser une telle somme pour l'acquisition d'un tableau déjà très controversé. Le Christ de Dalí fut exposé en, juin 1952 et en six mois, il avait déjà attiré plus de 50 000 visiteurs. L'œuvre fut sérieusement endommagée lorsqu'en 1961 un détraqué mental jeta une brique sur le tableau et déchira la toile sur toute la partie basse.
Dans cette version de Paysage de Port Lligat, avant la tempête, Dalí revisite son chef-d'œuvre en lui empruntant toute la partie terrestre, soustraite cette fois à son autoritaire et écrasante partie supérieure : celle du Christ !
Ainsi un ciel d'orage, chargé de nuages lourds, se substitue à la nuit magique dans laquelle un Christ immense flottait sur sa croix, en lévitation au-dessus de Port Lligat. Un rayon de lumière surnaturelle suspend un instant la tempête en baignant toute la baie d'une brume dorée, et vient juste tomber sur le point de mire des personnages du premier plan : le célèbre leitmotiv dalinien du couple miniature formé par un homme et un enfant. Avec un souci génial du détail, propre à l'art magique de Salvador Dalí, cette lumière divine laisse derrière chaque galet une ombre qui étoile la plage au premier plan du tableau.
Depuis le début des années 50, l'artiste avait réalisé plusieurs études de ciels d'orage qui lui permettaient d'explorer des nouvelles techniques, hors des effets de lumière qui l'avaient conduit jusqu'alors à représenter ses ciels, ses plans et toutes ses surfaces jusqu'à la peau de ses personnages comme les facettes toujours parfaitement polies d'un même miroir. Ainsi la pluie vient rayer comme une plaque de cuivre gravée les masses d'air gris entre ciel et mer tandis que de lourds nuages, peints avec virulence dans des tons bistre et anthracite au moyen d'un chiffon frotté sur la toile, viennent cadrer la partie supérieure de la scène comme les rideaux relevés d'un théâtre. Même la surface de la mer, d'habitude lisse et mince comme un léger voile qu'un enfant pouvait tenir entre ses doigts et soulever (Moi-même à l'âge de six ans, 1950), se trouble ici d'un léger clapotis, signe que les orages désirés se sont levés. L'art de Dalí parvient dès lors à réinventer la plénitude plastique de la baie de Port Lligat grâce à de nouveaux moyens d'expression picturaux plus dramatiques, plus gestuels. Il retrouve ainsi la puissance visuelle de certaines aquarelles de William Blake sans perdre la précision d'orfèvre et l'autorité de son trait.
Variation autour d'un des tableaux les plus connus et les plus fascinants de toute l'œuvre de Dalí, Port Lligat à l'approche de l'orage est l'une des compositions les plus personnelles et les plus sereines du peintre catalan, sorte de havre de paix, à l'image de Port Lligat, au milieu des années 50 dominées par la passion mystique de Dalí pour la physique moléculaire et la bombe atomique.