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Man Ray
Description
- Man Ray
- Image à Deux Faces (Two-Faced Image)
- signé Man Ray et daté 1959 (en haut à gauche)
huile sur toile
- 200 x 150 cm
- 78 3/4 x 59 in.
Provenance
Collection particulière, Europe (acquis auprès du précédent en 1976 et vendu : Sotheby's, New York, 14 mai 1998, lot 346)
Collection particulière, Paris (vente : Sotheby's, Londres, Surrealism : Dreams and Imagery, 4 décembre 2000, lot 53)
Acquis lors de cette vente par le propriétaire actuel
Exhibited
Los Angeles, Los Angeles County Museum of Art, Man Ray, 1966, no. 104 (daté 1958, dimensions erronnées)
Bordeaux, Galerie des Beaux-Arts, Surréalisme, 1971, no. 152
Rotterdam, Museum Boymans-van Beuningen & Paris, Musée d'art moderne, Man Ray, 1971-72, no. 53
Humblebaek, Louisiana Museum, Man Ray, 1972, no. 49
New York, The New York Cultural Center, Man Ray, Inventor/Painter/Poet, 1974-75, no. 67
Londres, The Institute of Contemporary Arts, Man Ray, 1975, no. 58
Rome, Palazzo delle Esposizioni, Man Ray, l'occhio e il suodoppio, dipinti, collages, disegni, invenzioni fotografiche, ogetti d'affezione, libri, cinema, 1975, no. 187
Rome, Surrealismo. La création d'un mythe collectif. Omaggio a André Breton, 1976, n.n.
New York, The Jewish Museum, Alias Man Ray : The Art of Reinvention, 2009-10, n.n.
Literature
Sarane Alexandrian, Man Ray, Paris & Berlin, 1973, reproduit p. 54
Janus, Man Ray, Milan, 1973, fig. 113, reproduit
Roland Penrose, Man Ray, Londres, 1975, fig. 120, reproduit p.180
Arturo Schwarz, Man Ray, The Rigour of Imagination, Londres, 1977, no. 208, reproduit p. 118
Janus, Man Ray, Œuvres 1909-1972, Milan & Paris, 1990, fig. 78, reproduit
Condition
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Catalogue Note
signed 'Man Ray' and dated '1959' (upper left), oil on canvas. Painted in Paris in 1959.
"A kiss is a lovely trick designed by nature to stop speech when words become superfluous."
Ingrid Bergman
Exécutée à Paris en 1959, cette magistrale et puissante composition est l'interprétation par Man Ray du thème intemporel du baiser. Ce tableau s'inscrit dans la lignée directe des chefs d'œuvres de l'histoire de l'art du début du XXème siècle consacrés à ce thème, qu'il s'agisse du célèbre Baiser de Brancusi (1916), de l'énigmatique tableau de Magritte, Les Amants (1928) et des nombreux Baisers qui jalonnent tout l'œuvre de Picasso. Par son cadrage serré créant un effet dramatique d'une grande intensité et son traitement plastique d'une extrême modernité, Image à deux faces apparaît également comme l'indéniable précurseur de certaines des plus grandes icônes du Pop Art, telles que Kiss de Roy Lichtenstein (1962).
Dans Image à deux faces, l'artiste réinterprète de manière provocante ce thème mythique du baiser en choisissant de mettre en scène deux femmes sur le point de s'embrasser. Cette provocation n'en devient que plus troublante lorsque, en analysant attentivement l'œuvre, on découvre l'identité du modèle représenté à gauche de la composition : il s'agit de Lee Miller, qui fut l'assistante photographe de l'artiste, et surtout sa muse et son amante entre 1929 et 1932, que l'on reconnaît sous les traits de cette femme, et notamment dans la forme si caractéristique de ses lèvres voluptueuses, immortalisées dans À l'heure de l'observatoire - les amoureux (1932-34).
La présente composition reprend celle d'une photographie de Man Ray montrant Lee Miller et une autre femme (non identifiée) s'embrassant ou plutôt, de manière encore plus troublante, sur le point de s'embrasser. Directement peint d'après une impression en cadrage serré de cette photographie, publiée dans Vu en janvier 1935 (no. 355) et qui se réduisait à un gros plan sur les lèvres se frôlant, Image à deux faces organise à une échelle monumentale et dans des couleurs flamboyantes le gros plan d'un gros plan : des lèvres se frôlant, et souriant. C'est un exemple admirable de la double maîtrise par Man Ray de l'art de la photographie et de celui de la peinture, qu'il sut faire co-exister et associer tout au long de sa carrière afin de créer un art spécifique. C'est cette même composition que l'on retrouve également dans un dessin de 1937 ainsi que dans une gouache préparatoire à notre tableau, le dernier grand Baiser de Man Ray.
L'image des inoubliables lèvres sensuelles de Lee Miller est l'un des sujets emblématiques de l'œuvre de Man Ray. Lee Miller quitte brusquement Man Ray en 1932. Après cette rupture brutale, l'artiste réalise plusieurs œuvres mettant en scène son désespoir amoureux et sa passion toujours vibrante. L'une des plus célèbres d'entre elles est l'iconique À l'heure de I'observatoire - les amoureux, où les lèvres de la jeune femme sont représentées comme de gigantesques girandoles flottant dans le ciel parisien, comme les corps des deux amants enlacés dans une ultime étreinte.
Quelques années plus tard, vers 1937, Man Ray et Lee Miller se réconcilient, leur passion évoluant vers une amitié profonde qui ne se démentira plus. C'est notamment le mari de Lee Miller, Roland Penrose, grand mécène et collectionneur d'art moderne proche du mouvement surréaliste, qui organise l'exposition individuelle de Man Ray à l'Institute of Contemporary Arts de Londres en 1959. C'est très certainement cette étroite amitié et cette complicité qui conduit Man Ray à revenir une dernière fois sur les lèvres de Lee Miller pour peindre Image à Deux Faces en 1959.
Cette même année, Man Ray rédige "Inventaire d'une tête de femme", texte publié dans le catalogue de l'Exposition Internationale du Surréalisme (placée sous le thème d'Eros) à la Galerie Daniel Cordier en 1959-60 : "Oh, je le sais, il y a la jambe bien tournée, le sein parfait, la croupe hospitalière, mais c'est d'abord par l'intermédiaire des yeux que le sens sexuel est stimulé. Et j'en appelle au témoignage de ma propre tête, car elle contient les mêmes sens que celle de la femme. Mon principal objet est d'instiller les mêmes désirs dans ces deux têtes par leurs ouvertures semblables. C'est seulement en réunissant deux visages qu'un véritable accord peut être consenti, et qu'on peut agréer les explorations ultérieures. Un peu partout, le baiser est devenu le mot de passe de cette union. En certains lieux seulement on le réprouve comme on le réprouve comme on réprouverait une manifestation d'exhibitionnisme sexuel. Puisque la nudité de la tête est tolérée, on tolère la jonction de deux têtes, ce qui confère à notre société une logique au moins superficielle. Et c'est tant mieux ! Car la tête d'une femme est son entier portrait physique. Cependant, quelle que soit sa fascination, "le portrait d'un être qu'on aime, écrit André Breton, doit pouvoir être non seulement une image à laquelle on sourit, mais un oracle qu'on interroge". Aussi, dans tous les cas, exigeons avant tout d'une femme qu'elle ait une tête !" (Man Ray, "L'Inventaire d'une tête de femme", publié dans le catalogue d'exposition : Exposition Internationale du Surréalisme, Paris, Galerie Daniel Cordier, 1959, pp. 14-15 ; cette version citée dans : Man Ray, Autoportrait, Paris, 1964, pp. 349-50).
Painted in Paris in 1959, this striking and monumental image is Man Ray's rendering of the timeless subject of the kiss. Indeed, the present work can arguably be considered both a logical extension of earlier twentieth-century depictions of the theme, such as Brancusi's Le Baiser (1916) and Magritte's remarkable 1928 painting The Lovers, and, with its dramatically cropped composition and distinctly modern treatment, an undeniable forerunner to works such as Roy Lichtenstein's iconic Kiss of 1962. In Man Ray's Image à deux faces, however, the artist crucially transforms the classical rendering of the subject by depicting two women kissing, adding an undeniable element of provocation to the viewer's experience of the image. A provocation which only deepens once we discover that these are not just any two women; Lee Miller, the artist's photographic assistant, lover and muse between 1929 and 1932, can be recognized as the woman on the left by her distinctive and voluptuous lips, which Man Ray made famous in the iconic À l'heure de l'observatoire – les amoureux (1932-34).
The present painting derives from a 1930 photograph of Lee Miller and an unidentified woman kissing or, more tantalizingly, on the verge of a kiss. Painted directly from a tightly cropped printing of this photograph, which was published in Vu as early as January 1935 (no. 355) and is itself restricted to a close-up of the lips about to touch, Image à deux faces is also a prime example of the multi-media process Man Ray employed throughout much of his career: oscillating his use of media from photography and painting and beyond to express a specific concept. This composition would later appear in a drawing of 1937, and a gouache made in preparation for the present definitive painted version.
The image of Lee Miller's sensual lips is one of the most unforgettable icons to appear in Man Ray's work. After she abruptly left him for another man in 1932, Man Ray conceived several works of art inspired by his despair and enduring love, including the twentieth-century icon À l'heure de I'observatoire - les amoureux where her lips are depicted floating in the sky above a Parisian cityscape as if they were the bodies of two lovers pressed in an intimate embrace. By 1937, though, the pair were reconciled and remained friends for the rest of their lives. Indeed, it was Lee Miller's husband, Roland Penrose, a major promoter and collector of modern art and a close associate of the Surrealists, who organized Man Ray's one-man exhibition at the Institute of Contemporary Arts in London in 1959. Good relations and strong friendships must surely have inspired Man Ray to paint Lee Miller's lips once again that year.
Man Ray certainly had the image of the present painting in mind when, in 1959 (the same year he painted Image à deux faces), he wrote "Inventaire d'une tête de femme", a text written and published in the catalogue for the Exposition Internationale du Surréalisme (a show whose theme was Eros) held at the Galerie Daniel Cordier in Paris in 1959-60:
"Oh, I know, there is the well-turned leg, the perfect breast, the inviting rump, but it is first through the eyes in the head that the final, the sexual sense is aroused. I speak now of my own head which contains the same senses as does that of the woman. My first object is to arouse the same desires in these two heads through their similar openings. It is only by bringing together the heads that any real understanding and acquiescence can be attained, and consent given for further exploration. In most places, the kiss has become the password for this unison; in some places it is frowned upon, as would be a public sexual gesture. Since the nakedness of the head is tolerated, so is the junction of two heads tolerated; at least our society observes a certain superficial logic. Fortunately again! The head of a woman is her complete physical portrait, but, whatever its fascination, "The portrait of a loved one should not be not only an image at which one smiles, but an oracle one interrogates," says André Breton. So for all purposes, let us first ask of a woman: has she a head ?" (Man Ray, Self Portrait, Boston and London, 1963, p. 394).