PF1206

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Lot 17
  • 17

Pablo Picasso

Estimate
2,000,000 - 4,000,000 EUR
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bidding is closed

Description

  • Pablo Picasso
  • FEMME ASSISE
  • signé Picasso et daté 13.10.39 (en bas à gauche) ; inscrit Royan et daté vendredi 13.10.39 au dos
  • huile sur toile

  • 65,3 x 50 cm
  • 25 3/4 x 19 5/8 in.

Provenance

Galerie Simon, Paris (no. 01741)
Collection Madeleine Renaud et Jean-Louis Barrault (avant 1950)
Private Collection, Europe (acquis dans les années 1990)

Literature

Robert Desnos, Picasso, Peintures 1939-1946, Paris, 1950, reproduit pl. I
Christian Zervos, Pablo Picasso, Paris, 1959, vol. X : œuvres de 1939 et 1940, no. 118, reproduit p. 38

Condition

The canvas is not lined. A close inspection reveals a few media marks in the upper left corner and evidence of some very slight old frame abrasion along the upper edge. There is no evidence of retouching visible under UV light. This work is in excellent original condition.
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Catalogue Note

signed 'Picasso' and dated '13.10.39' (lower left) ; inscribed 'Royan' and dated 'vendredi 13.10.39' on the reverse, oil on canvas. Painted in Royan on 13th October 1939.


Nous remercions Vérane Tasseau pour sa collaboration précieuse aux recherches autour de ce tableau.

Femme assise est une œuvre contemporaine de la Tête de femme présentée précédemment au catalogue. Réalisée peu de temps après l'arrivée de Pablo Picasso à Royan en octobre 1939, elle représente Marie-Thérèse, jeune maîtresse du peintre rencontrée en 1927. L'artiste partage alors sa vie entre sa nouvelle compagne, la photographe surréaliste Dora Maar et la jeune femme blonde Marie-Thérèse avec qui il a eu une fille, Maya, née en septembre 1935. Si Marie-Thérèse occupe une large partie de l'imagerie de Picasso au début des années trente, elle laisse peu à peu sa place à Dora Maar dès 1936. Femme assise est l'un des très rares portraits de la jeune femme réalisés pendant la guerre ; seulement deux œuvres la représentent distinctement à l'automne 1939, la première étant Femme assise et la seconde, de dimensions plus petites, intitulée Femme lisant du 16 octobre (Z. X, 117).

 

Le choix de Royan comme lieu de refuge est longtemps resté sans explication, le témoignage de Maya dans le récent ouvrage de Gérard Dufaud, Picasso un réfugié à Royan 1939-1940 (Comediart, 2012) nous en donne une version : Picasso, connu pour ses superstitions avait décrété que l'épanouissement des bébés passait par des séjours en Bretagne, celui des jeunes enfants des séjours sur la côte Atlantique et celui des préadolescents sur la côte Basque. L'explication peut paraître insolite, Picasso voulait le meilleur climat pour le bien-être de sa fille. Royan, lieu culturel prisé des Parisiens à cette époque, était surtout considéré comme une zone sûre et avait été recommandé à l'artiste par son ami André Breton. La femme de ce dernier Jacqueline Lamba ainsi que leur fille Aube, du même âge que Maya, y séjournaient également.  Lorsque Picasso fuit Paris le 1er septembre, Dora Maar qui l'accompagne ne sait pas qu'il va en réalité rejoindre la mère de Maya installée dans la villa "Gerbier de Jonc" depuis le début de l'été. L'existence de Marie-Thérèse et la liaison qu'elle entretient avec l'artiste avait jusque-là été tenue secrète de tous, Marie-Thérèse restant toujours dans l'ombre, peut-être à cause de son très jeune âge – elle avait 17 ans lorsque le peintre la séduit – ou, de sa naïveté. Les relations directes de l'artiste tel Roland Penrose ou Jaime Sabartés ne mentionnent jamais sa présence. Sabartés ne fait qu'une seule fois référence à la jeune femme, devant le tableau Femme assise : « Au milieu d'octobre 1939, il peint de mémoire dans le premier atelier, le portrait d'une femme qu'il voit tous les jours à la villa Gerbier-du-Jonc, avec les caractéristiques de la nouvelle orientation qu'il donne à sa peinture », (Picasso, Portraits et Souvenirs, 1946).

 

Les portraits de la période surréaliste, appelée aussi "période Marie-Thérèse", sont notamment connus pour leurs lignes fluides et leurs formes sculpturales bombées. Au début des années trente Picasso réalise de nombreuses figures représentant la jeune femme à la chevelure blonde, douce, endormie avec des courbes généreuses, telle une odalisque. Celle qui devient mère fin 1935 et perd l'année suivante son statut de maîtresse officielle auprès de Picasso, mûrit progressivement dans l'œuvre du maître. S'il la dépeint toujours avec la même douceur, une certaine gravité s'installe sur son visage, comme le décrit la très belle peinture Femme blonde au fauteuil d'osier, 4 mars 1939 (Z. IX, 261, Coll. Marina Picasso) dans laquelle les formes généreuses et la souple chevelure blonde contrastent avec les tonalités froides bleu gris et son regard perdu. La mélancolie qui se dégage des portraits de Marie-Thérèse fin 1938 – début 1939 renvoie également à la dégradation du climat politique en Espagne et dans toute l'Europe. A l'automne 1939, le régime fasciste de Franco est en place alors que l'Europe est en pleine crise.  Dans ce contexte historique dramatique, Femme assise a été peint quelques jours après l'installation précipitée à Royan et l'entrée en guerre de la France contre l'Allemagne nazie. On découvre une Marie-Thérèse, assise dans un fauteuil, à la lourde poitrine et aux bras se déployant dans l'espace, imposante dans une impressionnante robe noire. Avec une économie de moyens, de couleurs et de matière, l'artiste atteint une expressivité incomparable. Le visage de la jeune femme n'est tracé que de quelques lignes noires et laisse apparaître la trame de la toile ; le fond uni jaune pâle ne sert qu'à imposer davantage les masses noires et brunes comme symboles de violence et d'angoisse. Un carnet de dessins réalisés par Picasso à Royan entre le 30 septembre et le 29 octobre 1939 montre deux études de tête de femme proche du visage de Femme assise (Musée Picasso, Paris. Feuillet 33R et 34R, MP 1990-111). Ces deux têtes au profil stylisé et à l'œil droit vertical peuvent être considérées comme des études directes pour Femme assise mais elles traduisent de manière plus radicale encore la présence de la mort en filigrane. Dans la première partie du mois d'octobre 1939, Picasso réalise une série de vanités avec des crânes de mouton. Les têtes de mouton qu'il vient en réalité d'acheter pour nourrir son chien Kazbek vont lui servir à exprimer son horreur de la guerre. La toile Trois crânes de mouton, peinte le 17 octobre (Reina Sofia, Madrid, Z. IX, 349) sur laquelle les crânes d'un rouge vif sang sont entassés à la manière d'un charnier illustre parfaitement  ce sentiment. Le visage de Marie-Thérèse dans la peinture Femme assise n'est pas aussi radical que ceux des études qu'il exécute simultanément mais participe à cette entreprise de dénonciation, l'impressionnante robe noire devant être perçue comme une tenue de deuil.

 

Ce portrait est le seul qui dépeint Marie-Thérèse avec une telle violence expressive. Quelques mois plus tard, il continue son travail de défiguration progressive du visage féminin pour le fondre en tête de mort (Tête de femme, Z. X, 526, Musée Picasso, Paris), cette technique s'appliquera dorénavant au visage de Dora Maar, l'autre femme de sa vie, au tempérament tumultueux. A l'automne 1939, l'artiste qui cohabite avec ses deux maîtresses réalise plusieurs portraits combinant les traits des deux femmes demeurant alors difficilement identifiables. Dans les premiers mois passés à Royan, Picasso partage son temps entre l'atelier qu'il a installé dans l'une des pièces de la villa "Gerbier du Jonc" et, à quelques rues de là, l'Hôtel du Tigre où il vit avec Dora Maar. Les deux femmes connaissent leur existence mutuelle mais aucun témoignage direct ne mentionne leurs échanges ou leur rencontre. L'artiste les imagine côte à côte dans une série d'œuvres réalisées fin septembre 1939 intitulées Nu debout et Femme assise (Z. IX, 339 à 342). La construction est identique dans trois des compositions : Marie-Thérèse assise dans un fauteuil, de trois-quarts regarde Dora Maar sur sa gauche, nue, debout, laissant tomber un linge d'une main et l'autre posée sur le dossier du fauteuil de sa rivale. Dans la dernière œuvre de la série, la jeune femme blonde, les jambes croisées avec le bras droit replié sur les genoux et le bras gauche déployé sur l'accoudoir a exactement la même position que dans Femme assise, imposante mais seule en scène. La discrète Marie-Thérèse a joué un rôle à part dans la vie de Picasso qui lui voue une grande tendresse et bien qu'entretenant une liaison avec Dora Maar jusqu'à l'été 1943, il ne cesse de lui déclarer son amour pendant cette période difficile, passant toute la durée des combats et de l'insurrection de Paris en 1944 avec sa fille Maya et sa mère.

 

Femme assise est une peinture puissante, caractéristique de la période de guerre dans l'œuvre de Picasso, considérée par les véritables amateurs et les intellectuels de l'époque comme le plus haut moment de sa création artistique. Ce tableau a appartenu au couple de comédiens Jean-Louis Barrault et Madeleine Renaud dont l'histoire est liée de près à celle de Picasso aux cours des années de guerre. L'atelier du 7 rue des Grands Augustins dans lequel Picasso travaille de 1937 à 1955 et où il réalise son œuvre la plus importante, Guernica, était en effet l'ancien local occupé par Jean-Louis Barrault entre 1934 et 1936. Lorsque Picasso cherche un nouvel atelier fin 1936, Dora Maar qui fréquente les mêmes cercles intellectuels et politiques autour de Georges Bataille, apprend que le lieu, alors connu sous le nom de « Grenier à Barrault », vient d'être libéré par l'homme de théâtre. Il y avait fondé sa première compagnie mais accueillait également les réunions du mouvement antifasciste Contre-Attaque fondé par Bataille. Picasso et Barrault se sont probablement rencontrés par l'intermédiaire de Dora Maar et Pierre Daix révèle qu'ils avaient une grande estime réciproque. C'est peut-être sous son influence que Picasso crée la pièce surréaliste Le Désir attrapé par la queue, écrite en trois jours en janvier 1941. Lors de sa première représentation le 19 mars 1944 chez Louise et Michel Leiris, Jean-Louis Barrault et sa femme Madeleine Renaud font partie des spectateurs ; c'est Albert Camus qui assure la mise en scène et, Jean-Paul Sartre, Dora Maar, Simone de Beauvoir ou encore Louise et Michel Leiris et Georges Hugnet qui jouent les personnages. Aux côtés de Picasso et du couple Barrault d'autres personnalités : Braque, Brassaï ou Jacques Lacan. Cette représentation burlesque restera un moment fort au sein du milieu littéraire, artistique et intellectuel de l'époque malgré l'occupation de Paris.



Femme assise is a contemporary work of Tête de femme, presented earlier in the catalogue. Painted very soon after Pablo Picasso's arrival in Royan in October 1939, it is a depiction of Marie-Thérèse, the artist's young mistress, whom he had met in 1927. If Marie-Thérèse had occupied a large part of the artist's imagery throughout the early 1930s, her place was ceded little by little to Dora Maar from 1936 onwards. Femme assise is one of the very rare portraits of the young woman painted during the war; only two paintings unambiguously representing Marie-Thérèse during the autumn of 1939 are known, the first is the present work, Femme assise, and the second, much smaller, painting is called Femme lisant and dates from 16th October (Z.X, 117).

Picasso's choice of Royan as his place of refuge has long remained unexplained, but his daughter Maya's testimony in Gérard Dufaud's recent book Picasso un réfugié à Royan 1939-40 (Comediart, 2012) provides one account: Picasso, known for his superstitions, had declared that the best place to raise a baby was in Brittany, that the Atlantic coast was the perfect place for young children and that pre-adolescents should spend their time on the Basque coast. This explanation might appear surprising, but Picasso wanted to be in the best climate for the well-being of his young daughter. Royan, a cultural town popular with Parisians at the time, was most importantly considered to be in a safe zone and had been recommended to the artist by his friend André Breton. Breton's wife, Jacqueline Lamba, and their daughter Aube, who was the same age as Maya, were also staying there. When Picasso himself fled Paris on the 1st September, Dora Maar, who was accompanying him, had no idea that he was really going to join Maya's mother, installed in the villa 'Gerbier de Jonc' since the beginning of the summer. The existence of Marie-Thérèse and her affair with the artist had until then remained a secret from everyone; Marie-Thérèse stayed out of the lime-light, perhaps due to her very young age – she was only 17 when the painter seduced her – or, indeed, her naivety. Close friends of the artist, such as Roland Penrose and Jaime Sabartés never mention her presence. Sabartés only ever made one reference to the young woman, as he was standing before the present work: "In the first studio in the middle of October 1939, he paints the portrait of the woman he sees every day at the villa Gerbier-de-Jonc, from memory, and in his new style" (Picasso, Portraits et Souvenirs, 1946).

The portraits from the surrealist period, also known as the 'Marie-Thérèse period', are particularly known for their fluid lines and curvy sculptural forms. At the beginning of the 1930s, Picasso painted several depictions of the young woman with blonde hair, soft, asleep, with generous curves: an odalisque. She became a mother at the end of 1935 and, the following year, lost her status as Picasso's preferred mistress, growing steadily more mature in the artist's work. Although he still paints her with the same soft sweetness, a certain severity creeps into her face, as can be seen in the very lovely painting Femme blonde au fauteuil d'osier of 4th March 1939 (Z.IX, 261), in which her generous forms and supple blonde hair contrast with her distant gaze and the cold blue and grey tonalities. The melancholy which emanates from portraits of Marie-Thérèse at the end of 1938 and the beginning of 1939 no doubt also reflects the deterioration of the political climate in Spain and throughout Europe. In the autumn of 1939, the fascist regime of General Franco has taken hold and the rest of Europe is in crisis. Femme assise was painted in this dramatic historical context, just a few days after the artist's hasty installation in Royan and France's declaration of war against Nazi Germany. Marie-Thérèse is depicted seated in an armchair with a heavy breast and her arms unfurled into the space, imposing in an impressive black dress as though she is in mourning. With a remarkable economy of means, colours and material, the artist achieves an incomparable expressiveness. The young woman's face is outlined with only a few black lines and pared down so that the grain of the canvas can be seen through the paint; with the uniform pale yellow background further accentuating the black and brown masses, symbols of violence and anxiety. A sketchbook of drawings executed by Picasso in Royan between 30th September and 29th October 1939 show two studies of a head which are very similar to Femme assise (Musée Picasso, Paris. Feuillet 33R and 34R, MP 1990-111). These two drawings of a stylized head in profile with a vertical right eye can be considered direct studies for Femme assise although they convey the underlying presence of death in an even more radical manner.

This portrait is the only one which depicts Marie-Thérèse with such expressive violence. A few months later, Picasso intensifies his mission to progressively disfigure the female face, melting it into a skull (Tête de femme, Z.X, 526, Musée Picasso, Paris), a technique which would thenceforth be applied to the face of Dora Maar, the tempestuous other woman in the artist's life. In the autumn of 1939, the artist, who was living separately with both his mistresses, painted several portraits which combine the features of both women and thus remain hard to identify even today. The discrete Marie-Thérèse played a unique role in Picasso's life and he felt a true affection for her, even as he conducted an affair with Dora Maar, declaring his love for her throughout this difficult period and remaining by her and Maya's side during  the fighting and the insurrection of Paris in 1944.

Femme assise is a powerful painting, characteristic of the wartime period in Picasso's oeuvre which was considered to be the apogee of his creative output by true amateurs and intellectuals of the era. The present work belonged to the comedians Jean-Louis Barrault and Madeleine Renaud, a couple whose wartime story was closely linked to that of Picasso. The studio at 7 rue des Grands Augustins in which Picasso worked from 1937 to 1955 and where he painted his most important work, Guernica, was in fact occupied by Jean-Louis Barrault between 1934 and 1936. When Picasso was looking for a new studio at the end of 1936, Dora Maar, who associated with the same intellectual and political circle which had formed around Georges Bataille, learnt that the place then known as 'Barrault's loft' had just been vacated by the actor. He had founded his first theatre company there and had also invited Bataille and his anti-fascist Contre-Attaque group to use it for meetings. Picasso and Barrault were probably introduced by Dora Maar and Pierre Daix notes that they held each other in great esteem. It was perhaps due to his influence that Picasso wrote the surrealist play Le Désir attrapé par la queue, in just three days in January 1941. Jean-Louis Barrault and his wife Madeleine Renaud were present in the audience the night of its first performance at the home of Michel and Louise Leiris on 19th March 1944 at a time when the artistic, literary and intellectual milieu in Paris was remarkably strong despite the Occupation.