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Paire de bibliothèques en première partie et contre-partie de marqueterie d'écaille rouge, corne et laiton, bois noirci et ébène d'époque Régence, vers 1725, estampillée N.SAGEOT et N.S.
Description
- tortoiseshell
- Haut. 243 cm, larg. 146 cm, prof. 46 cm
- Height 95 2/3 in; width 57 1/2 in; depth 18 in
Literature
Condition
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Catalogue Note
Nicolas Sageot naquit en 1666 à Sermaize-en-Champagne, et mourut à Paris, le 8 janvier 1731. Il épousa, le 6 décembre 1711, Marie-Brigitte Roussel, fille de l'ébéniste Jacques Roussel, dont il eut deux fils, Charles-Joseph et Claude Léonor, et une fille, Marie-Nicole.
Son atelier apparaît, avec celui d'André-Charles Boulle, comme l'un des plus développés de la fin du règne de Louis XIV et de la Régence, tant par l'ampleur de sa production que par les prix élevés qu'il pratiquait. Son atelier devint rapidement une pépinière où les familles venaient, selon la coutume de l'époque, placer leur fils pour lui faire apprendre le métier. Dès 1698, les contrats retrouvés dans les archives parisiennes fournissaient les noms de ceux qu'il engage : Georges Moreau et Claude Coutan, pour deux ans ; François Malfart, en 1700, pour trois ans ; Pierre Parquoy et Jean Chevalier, en 17, pour deux ans ; Denis Philibert Gaudreaus, frère d'Antoine Robert Gaudreaus, futur célèbre fournisseur de la Couronne, en 1705, pour deux ans ; Nicolas Foureau, en 1706, pour trois ans ; René Charpentier, en 1709, pour quatre ans ; Thomas Jean, fils d'ébéniste, en 1711, pour trois ans ; Claude Du Harlay, lui aussi fils d'ébéniste, en 1712, pour six ans. Son mariage, comme ces indications confirment les liens forts qui unissaient la corporation.
Sageot se fit recevoir Maître ébéniste de la corporation parisienne en 1706. Son atelier fut très rapidement prospère puisque, en 1711, au moment de son mariage, l'artiste évalua ses biens à douze mille livres, auxquelles s'ajoutèrent les deux mille cinq cents livres de dot de sa femme. Son succès ne se démentit pas, et la période qui va des dernières années du règne de Louis XIV à celle de la Régence et du début du règne de Louis XV voit l'apogée de son activité. Il était installé face à la Bastille, à l'angle de la grande rue du faubourg Saint-Antoine et de la rue de la Roquette. Celui-ci portait l'enseigne « Soufflet Royal ». En 1720, Sageot réalisa certains éléments de son stock. Cette opération, qui ne portait que sur une partie de ses biens, dégagea un produit de 28'000 livres, immédiatement investies alors en rentes perpétuelles.
Deux contrats apportent un jour particulièrement révélateur sur la dernière partie de son œuvre. Le premier est une vente de trente-deux meubles, tous de prix notables, à Claude Léonard Prieur, Marchand Mercier Joaillier privilégié du Roy suivant la Cour. On y relève des bibliothèques et des armoires pleines, « avec leurs côtés de marqueterie », à dôme, vendues entre neuf cents et mille livres pièce et d'autres bibliothèques, sans dôme, vendues cinq cents livres pièce. Quinze riches commodes complètent l'ensemble, ainsi qu'un grand bureau, vendu sept cents livres, deux bureaux d'un modèle déjà un peu archaïque, plus petits et probablement à huit pieds, d'autres encore « à jambes de biche », c'est-à-dire, en terme moderne, à pieds cambrés. Tous ces meubles, sans exception, sont en marqueterie de cuivre et d'écaille.
Le prix élevés de ces armoires mentionnées dans ce contrat doit être mis en avant. Il est tout à fait exceptionnel. La valeur des armoires de Sageot, la part qu'elles tiennent dans l'éventail des productions de son atelier, sont autant de caractéristiques qui s'accordent, avec une particulière harmonie, à l'étude de ses meubles subsistants. Les seuls parallèles que l'on puisse leur trouver sont les prix des armoires d'André-Charles Boulle.
Le second contrat de 1720 inclut la vente, pour 12'000 livres, de 450 tables de noyer, et, d'autre part, celle du stock de bois de chêne et de sapin.
Outre ses relations avec le marchand Prieur, Sageot entretenait à la même date un lien commercial avec ses confrères Jean François Mondon et Jacques Philippe Carel, et avec Pierre Moulin, Marchand Ebéniste du Roy, qui, en 1729, lui devait encore quatre cents livres au titre des comptes de 1720.
En 1723, Sageot fut frappé d'aliénation mentale et, le 22 septembre 1725, à la demande de son épouse et après enquête, le Lieutenant Civil ordonna son internement à l'Hôpital de Charenton. Il semble que sa femme n'ait poursuivi l'activité de son mari que peu de temps. Marie Brigitte Roussel ne survécut que quatre ans à cet évènement. Elle mourut le 17 juillet 1729 au couvent des Ursulines de la Place Royale.
L'inventaire qui fut alors dressé ne révèle que les vestiges d'un atelier qui n'avait plus fonctionné depuis plusieurs années, ou dont l'essentiel avait été vendu. On y trouve néanmoins encore la trace de « soixante-cinq livres pesant (32 kg) de Cahouanne, prisé à raison de cinquante sols la livre », mention que l'on ne manquera pas de rapprocher des anciens travaux de l'artiste, puisque la « cahouanne », on le sait, désignait la plus estimée des variétés d'écaille. Enfin la présence de « deux cent dix livres (103 kg) de vieux cuivre de plusieurs morceaux », estimés à dix-huit sols la livre pesante, révèle les restes de l'ancien stock d'ornements de bronze dont le maître avait garni ses meubles.
Dans ses meubles, Sageot a toujours introduit des variations, soit dans la marqueterie, soit dans l'architecture, propres à individualiser l'œuvre finie. Le meuble qu'il convient cependant de rapprocher le plus des bibliothèques étudiées est une armoire à dôme, elle aussi estampillée, avec panneaux supérieurs grillagés (Vente, Versailles, Martin & Desbenoit, 10 mars 1990, lot 88). Le dessin de la marqueterie de sa frise supérieure, de ses portes et de son soubassement est strictement identique dans tous ses détails à celui des présents meubles.
Nicolas Sageot possédait des modèles de bronze exclusifs, qu'il faisait fondre, ciseler, dorer ou mettre en couleurs d'or dans des ateliers spécialisés.
Le masque d'Apollon et son pendentif terminé par des grappes de raisins se retrouvent sur certaines de ses œuvres, portant soit le monogramme « N.S » parmi lesquelles une paire de bibliothèques passée en vente à New York (Sotheby's, 25 mai 2000, lot 322) et une autre paire ayant figurée successivement dans les anciennes collections Roudinesco et Tannoury (Vente, Paris, Ader, 15 novembre 1983, lot 37), soit l'estampille « Nicolas SAGOET » (sic) parmi lesquelles la bibliothèque à dôme déjà citée et une paire de bibliothèques d'une collection privée (Vente, Paris, Tajan, 3 avril 1996, lot 95).
Le très beau masque de femme couronnée de fleurs évoque probablement Flore, déesse associée au Printemps. Formant cul-de-lampe, il ne se retrouve que sur une seule autre pièce historiquement importante. Il s'agit d'une commode acquise à Paris en 1728-1729 pour la margravine Christiane Charlotte d'Ansbach (1694-1729), conservée depuis lors au château de la Résidence d'Ansbach.
Sageot a utilisé indifféremment les deux types d'écoinçon figurant sur l'une et sur l'autre des présentes armoires. Celui à coquille se retrouve par exemple sur la bibliothèque à dôme déjà citée, tandis que l'autre figure sur une paire de bibliothèque (Vente, Paris, Ader Picard Tajan, 9 juin 1976, lot 218), sur un petit bas d'armoire (Vente, Paris, Rabourdin, 29 juin 1987, lot 90), et sur la bibliothèque de la collection Charles de Paw (Vente, Monaco, Sotheby's, 26 juin 1986, n°627). Ce dernier meuble, maintenant à portes vitrées dans sa partie supérieure, a conservé l'entourage de bronze de ses anciens panneaux grillagés, entourage identique à celui des meubles présentés. On y relève la frise de godrons et fleurons, ici placée au-dessus du socle.
Outre les collectionneurs parisiens et une partie significative de l'aristocratie française, sa clientèle inclua Maximilien II Emmanuel, prince électeur de Bavière (1662-1726), et le roi Frederick Ier de Suède (1676-1751).