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Joan Miró
Description
- Joan Miró
- FEMMES ET OISEAU DEVANT LE SOLEIL
signé Miró (en bas au centre)
pastel, gouache, encre et crayon sur papier velours marouflé sur carton
- 107,9 x 71,8 cm
- 42 1/2 x 28 1/4 in.
Provenance
Pierre Matisse Gallery, New York
Famille Hillman (probablement aquis du précédent vers 1950)
Vente : Christie's, New York, The Modern Age : The Hillman Family Collection, 5 novembre 2008, lot 6
Acquis lors de cette vente par le propriétaire actuel
Exhibited
New York, Pierre Matisse Gallery, Miró, 1948, no. 11
Roslyn, Nassau County Museum of Art, Calder & Miró, 1998
Literature
Jacques Dupin & Ariane Lelong-Mainaud, Joan Miró. Catalogue raisonné. Drawings, Paris, 2010, vol. II : 1938-1959, no. 965, reproduit p. 92
Condition
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Catalogue Note
signed 'Miró' (lower centre), pastel, gouache, ink and pencil on flocked paper laid down on board. Executed in 1942.
"Miró parle seul une langue que tout le monde comprend mais que personne ne peut apprendre, car elle est sans référence directe avec l'extérieur, une langue qui ne se parle qu'en s'inventant et qui ne peut se répéter, une langue originelle".
"Que les œuvres soient conçues avec une âme de feu mais réalisées avec une froideur clinique"
Joan Miró
Les années de guerre de Joan Miró sont évidemment dominées par la période des Constellations (1940-1941), immédiatement suivie par la production d'une douzaine de compositions sur papier velours, entre mai et juillet 1942. Femmes et oiseau devant le soleil s'impose comme le joyau de cette série, qui scelle les retrouvailles de l'artiste avec des compositions de grand format et dont Jacques Dupin a longuement et éloquemment parlé :
"Parmi les plus importantes de ces feuilles [de 1942 à 1943], retenons une douzaine de pastels sur papier velours. Miró y joue de l'opposition de la ligne pure à l'encre de Chine et à la mine de plomb avec l'âpre douceur du support, du contraste entre les formes nettement découpées et les couleurs floues et vaporeuses, les effets de phosphorescence obtenus par des pulvérisations de pastels. Presque toujours, le peintre commence par un travail d'approche qui est animation de l'espace et appel à la vie des matières (...). Cette animation des fonds, l'aspect et la saveur des taches portent l'artiste au degré d'échauffement voulu et provoquent des rencontres qui déterminent et guident son dessin et sa composition. Tout se passe comme si ces harmonies de base appelaient l'invention mélodique du trait et le contrepoint des couleurs (...). Ses personnages s'ignorent, ils se multiplient sans se voir, leurs traits se croisent sans qu'ils se touchent, leur voisinage n'établit aucune relation entre eux. Ils sont étrangers l'un à l'autre et absolument seuls. Ils ont pourtant en commun un élément qui donnent l'unité à l'œuvre et cette identité si forte, si farouche, à tout ce que fait Miró : c'est l'espace, d'une grande intensité, dans lequel ils baignent et dont on peut dire plus justement qu'ils procèdent" (Jacques Dupin, Joan Miró, p. 261).
La puissance chromatique de Femmes et oiseau devant le soleil tient en effet beaucoup au choix du papier velours et du travail préparatoire auquel Miró l'a soumis pour obtenir une texture aussi veloutée et une brillance sourde, presque mate. L'artiste s'en explique dans les Carnets catalans, commencés à Montroig en juillet 1941 et continués l'année suivante : "j'ai trouvé ici quelques papiers pour peindre au pastel - la matière est très belle, c'est d'elle qu'il faut partir, pour l'enrichir, y passer une pierre ponce plus ou moins forte" (cité par Margit Rowell, Joan Miró,Ecrits et Entretiens, Paris, 1995, p. 202). Il se procura vraisemblablement ce papier velours lors d'une visite chez sa mère à Barcelone en février 1942. Miró retrouvait ainsi l'usage de ce papier très particulier, principalement connu pour bien fixer le pastel, qu'il avait utilisé dès les années 1920 et surtout pour la célèbre série des grands pastels de 1934, première manifestation de ce qu'il appellera ses "peintures sauvages" et qui compte aujourd'hui parmi les plus éclatantes réussites de tout son œuvre des années 30. Ainsi les pastels sur papier velours de 1942 marquent le retour de Miró à l'un de ses media de prédilection, mais la manière "sauvage" des productions antérieures laisse désormais place à un niveau inouï de sérénité plastique et de virtuosité technique. Le créateur des Constellations a désormais touché le soleil de son art.
Flottant dans une vénéneuse lumière mêlant le vert au jaune, les deux personnages de Femmes et oiseau devant le soleil renvoient aux deux visages de l'Espagne d'alors : la grande femme centrale, sombre et hiératique, possible référence à l'Espagne franquiste, face au personnage de droite au visage rose fuchsia, ployé mais debout, mirage d'une Espagne libre, baroque et riante. Au-delà d'un contexte historique douloureux que l'œuvre transcende, Femmes et oiseau devant le soleil convoque, sur une des plus grandes feuilles jamais utilisées par Miró tout au long de la guerre, la quintessence du vocabulaire de l'artiste (femme, oiseau, soleil, astre) pour donner à chaque élément pictural une force graphique hypnotique, un chromatisme irrésistible et une poésie contagieuse, qui l'imposent comme un véritable chef-d'œuvre de l'art moderne.
"Miró is the only one who speaks a language that everyone understands but that no one can learn, as it does not directly refer to the external world, a language that can only be spoken whilst it is being invented and which cannot be repeated, an original language". Jacques Dupin
"Works should be conceived with a fiery soul but realised with a clinical coldness" Joan Miró
Joan Miró's war years were dominated by the Constellations period (1940-1941), immediately followed by the production of a dozen compositions on flocked paper, between May and July 1942. Femmes et oiseau devant le soleil is the undisputed jewel of this series, cementing the artist's return to large format compositions, and eloquently eulogised by Jacques Dupin:
"Among the most important of these works [from 1942 to 1943], are the dozen pastels on flocked paper. Miró plays with the opposition between the pure Indian ink and graphite pencil line and the harsh softness of the medium, the contrast between the neatly outlined shapes and the blurry, vaporous colours, the phosphorescent effects obtained from the smudged pastels. Almost always, the painter begins with a first attempt at animating the space and bringing the material to life (...) This animation of the background, the appearance and character of the marks, allowed the artist to warm up and provoke encounters that determine and guide his drawing and his composition. Everything occurs as if underlying harmonies influence the melodic invention of the line and the counterpoint of the colours (...). His figures do not know each other, they multiply without seeing each other, their lines cross without touching, their proximity does not establish any relationship between them. They are strangers to one another and absolutely alone. They have an element in common, however, that gives unity to the work and this identity that is so strong, so fierce, to everything that Miró does : it is the intense space in which they bathe and of which we can say that they are a product" (Jacques Dupin, Joan Miró, p. 261).
The powerful colours of Femmes et oiseau devant le soleil in effect owe a great deal to the choice of flocked paper and to the preparatory work to which Miró subjected it in order to obtain such a velvety texture and muted, almost matte glow. The artist explained this in the Carnets Catalans, begun in Montroig in July 1941 and continued the following year: "I have found some paper to use with pastel – the material is very beautiful, this is what I must start with, enriching it with pumice stone" (quoted in Margit Rowell, Joan Miró,Ecrits et Entretiens, Paris, 1995, p. 202). It is likely that he bought this flocked paper while visiting his mother in Barcelona in February 1942. Miró thus rediscovered this very unique paper, chiefly known for fixing pastel, which he had used in the 1920s and above all for the famous series of large pastels from 1934, the first manifestation of which he would call his "wild paintings", which today count amongst the most strikingly accomplished works of his entire 1930s output. Thus the pastels on flocked paper from 1942 herald Miró's return to one of his favourite media, but the "wild" manner of his previous works now give way to an unprecedented level of visual harmony and technical virtuosity. The creator of the Constellations has now reached the zenith of his art.
Floating in a toxic greenish yellow light, the two figures of Femmes et oiseau devant le soleil recall the two faces of Spain at the time: the large central woman, sombre and priestly, is a possible reference to Franco's Spain, whilst the figure on the right who faces her, with a fuchsia pink face, bent over yet still standing, could represent free Spain, baroque and joyful. However the work transcends its painful historical context. Femmes et oiseau devant le soleil deploys, on one of the largest sheets ever used by Miró during the war, the quintessence of the artist's vocabulary (woman, bird, sun, star) in order to give each pictorial element a hypnotic graphic force, an irresistible palette and a contagious lyricism, that establish the picture as a veritable masterpiece of Modern Art.