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Statue féminine attribuée au "Maître d'Ogol", Dogon, Mali
Description
- Dogon
- Statue féminine attribuée au "Maître d'Ogol"
- haut. 77 cm
- 30 1/3 in
Provenance
Collection Alain et Christine Vidal-Naquet, Marseille
Exhibited
Expositions:
Musée Réattu, Arles, Art d'Afrique Noire, 10 avril - 30 septembre 1954
Cercle Volney, Paris, Les Art Africains, juin - juillet 1955
Palais Miramar, Cannes, Première exposition retrospective internationale des arts d'Afrique et d'Océanie, 6 juillet - 29 septembre 1957
Musée Cantini, Marseille, Arts Africains, mars - mai 1970
Musée d'Arts Africains, Océaniens, Amérindiens, Centre de la vieille Charité, Marseille, Pierre Guerre. Un érudit en son temps, 20 mars - 31 mai 1992
South African National Gallery, Cape Town, Art Africain dans la collection Pierre Guerre, 1997
Literature
Cunard, Negro. An anthology made by Nancy Cunard 1931-1933, 1934 : 659
Sweeney, African Negro Art, 1935 : 31, n° 6 (listée)
Musée Réattu, Art d'Afrique Noire, 1954 : 23, n° 2
Vérité et alii, Les art africains, 1955 : 41, n° 57
Kamer, Première exposition retrospective internationale des arts d'Afrique et d'Océanie, 1957, n° 226
Millot, « La collection L.P. Guerre » in Objets et Monde, tome II, fasc. 2, fig. 13
Guerre et Delange, Arts Africains, 1970, n° 23
M.A.A.O.A., Pierre Guerre. Un érudit en son temps, 1992 : 63, n° 3
A.F.A.A., Art Africain dans la collection Pierre Guerre, 1997 : 34, n° 3
Condition
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Catalogue Note
«Le style caractéristique de cette statue permet de l'attribuer avec certitude au sculpteur anonyme que l'on a appelé 'le maître d'Ogol' ».
Pierre Guerre, 1970 : n° 23
En 1964, Jean Laude identifie quatre statues Dogon dont les caractéristiques formelles permettent l'attribution à un seul et même artiste : celle de la collection Léonce et Pierre Guerre, celle du Rietberg Museum, celle de la 'collection Kamer', et celle du musée de l'Homme, qui fut trouvée en 1935 à Ogol-du-Haut, lors de la 3e mission Griaule (Laude, 1964 : 164).
A une époque où l'art africain est limité à une appréhension strictement géographique, Pierre Guerre se distingue par son approche visionnaire. Tout au long de ses écrits, il insiste sur l'importance à venir des travaux archéologiques en Afrique et sur l'absolue nécessité de déterminer des styles, des écoles locales ou des sculpteurs, d'avancer une ancienneté des pièces par rapport à d'autres, autrement dit de recourir dans l'étude des arts africains à des démarches qui en Occident entrent dans le cadre de l'histoire de l'art. C'est lui qui donnera ce nom de convention au « maître d'Ogol » – premier artiste Dogon à sortir de l'anonymat.
Dans son étude consacrée au « Maître d'Ogol », Bernard de Grunne (2011) recense dix-sept statues à travers le monde, dont la découverte s'effectua en deux temps : entre 1929 et 1933 pour les trois premières (celles des collections Guerre, du Rietberg Museum et du musée de l'Homme), et dans les années 1950-1960 pour le reste du corpus (idem). Hélène Leloup souligne que ces œuvres, qu'elle associe au style Dogon/Bombou-Toro, ont été collectées tant à Ogol que "dans les villages de Yayé, Irelli, Tirelli, Dogani, Komakan [...] et paraissent venir d'un même atelier" (Leloup, 1994 : n° 85). Pour Bernard de Grunne, la cohérence de ce corpus permet de parler non pas d'une école ou d'un atelier, mais de l'œuvre d'un grand artiste, dont le travail « se situe entre 1750 et 1840 » (idem).
La première à arriver en Europe est probablement celle aujourd'hui conservée au Rietberg Museum. Acquise avant 1929 par Georges de Miré, elle est exposée en 1930 à la galerie Pigalle, achetée par Charles Ratton en 1931 lors de la vente de Miré et vendue vers 1934 au baron Van der Heydt (Paudrat in De Grunne, 2011). Les inventaires rédigés par Pierre Guerre ne faisant pas mention des dates et des sources d'acquisition (informations jugées par lui très secondaires), l'histoire de son arrivée en Europe demeure hypothétique. Il est vraissemblable qu'elle fut acquise par Léonce et Pierre Guerre auprès de C. Kjersmeier, à qui les collectionneurs marseillais rendent visite en 1931 (Hérat, in MAAOA, 1992 : 54), à son retour de la mission entreprise pour le compte du musée ethnographique du Trocadéro en Afrique Occidentale française (Soudan, Haute Volta, Guinée).
Première œuvre du corpus à avoir été publiée, la statue Guerre apparaît sous la mention « figure d'ancêtre du peuple Habbé, Soudan français, collection du Dr. Guerre, Marseille », dans la Negro Anthology établie entre 1931 et 1933 par Nancy Cunard - activiste profondément engagée contre le racisme, collectionneuse, muse de nombreux écrivains et artistes des années 1920 (parmi lesquels Aldous Huxley, Tristan Tzara ou encore Louis Aragon). Dans cet ouvrage révolutionnaire paru en 1934, Nancy Cunard avait réuni des poésies et textes d'écrivains afro-américains, et les photographies des plus grands chefs-d'œuvre de l'art africain connus à l'époque, provenant du musée ethnographique du Trocadéro, du Pitt Rivers Museum, du British Museum ou du Museum für Völkerkunde de Berlin, ainsi que des collectionneurs Félix Fénéon, Charles Ratton, Paul Guillaume, Paul Eluard, du Baron Stoclet... et de Léonce Guerre.
Sélectionnée avec huit autres œuvres de la collection Guerre pour participer en 1935 au MoMA à la première exposition d'art africain dans un musée d'art moderne - African Negro Art –, elle apparaît au catalogue mais ne sera finalement pas envoyée. Selon toute vraisemblance, Charles Ratton, qui joua un rôle majeur dans la sélection des œuvres, opta pour un choix « commercial » en exposant au public la statue qu'il venait tout juste de vendre au baron Van der Heydt.
Les œuvres attribuées au « Maître d'Ogol » - toutes féminines, debout, les mains se rejoignant devant l'abdomen - se caractérisent par la géométrie de leurs formes épurées, l'exceptionnelle dynamique des lignes dont les puissantes verticales sont rythmées par le jeu serré des brèves horizontales et des obliques faisant glisser le regard en profondeur. Leur parure détaille une coiffe en crête sagittale dont la tresse s'étire à l'arrière jusqu'aux épaules, des rangées de bracelets (sculptés et rapportés), des boucles métalliques ornant les oreilles en arc de cercle, et un labret, ici manquant. Celle de la collection Guerre se distingue par son volume exceptionnel, tant dans la dimension (76 cm) que dans la puissance des formes et la rigueur géométrique de leur agencement, la plaçant parmi les chefs-d'œuvre du « maître d'Ogol ».
Selon l'ethnologue Germaine Dieterlen (1981 : 16-17), ces statues proviendraient d' « autels édifiés pour les rites dédiés aux âmes des femmes mortes en couches ». En 2000, le chercheur malien Youssouf Tata Cissé identifiait celle du musée Dapper comme le portrait de Yâ Kamma « la grande aïeule des Dogon – épouse (sœur) de Kamma (le premier ancêtre) ». Cette interprétation rejoint celle donnée par les informateurs de Marcel Griaule entre 1933 et 1937, citant Kamma, le fils aîné de la tribu de Dyon comme fondateur du quartier Sodamma d'Ogol (Griaule, 1938 :31). Selon Hélène Leloup, ces statues "sont sorties pour les naissances, les enterrements où elles seraient exposées sur la terrasse et, probablement, pour certains rites de fécondité et de pluie. [...] Elles seraient la propriété des femmes, symbolisant l'ancêtre féminin (Leloup, 1994 : n° 84).
Dogon female figure, attributed to the 'Ogol Master', Mali
'The style, characteristic of this statue, can be attributed with certitude to the anonymous sculptor whom we have named: 'the master of Ogol'. Pierre Guerre (1970: No 23)
In 1964 Jean Laude identified four Dogon statues whose formal characteristics allowed them to be attributed to one individual artist. These include examples in the Léonce and Pierre Guerre Collection, the Rietberg Museum, the 'Kamer collection', and finally the statue from the musée de l'Homme which was found in 1935 at Ogol-du-Haut, during the third Griaule mission (Laude, 1964: 164).
At a time when critics still struggled to emerge from a strictly geographic understanding of African art, Pierre Guerre is distinguished for his visionary approach. Throughout his writings he insists upon the importance of future archaeological work in Africa and on the absolute necessity of determining local styles, schools, and sculptors, putting one piece forward over another. In other words, to use Western approaches in the study of African art, thus making it directly a part of Art History. It was he who gave the generic name: the 'master of Ogol' to this first Dogon artist to emerge out of anominity.
In his study devoted to the 'Master of Ogol', Bernard de Grunne (2011) notes seventeen sculptures from across the world which were discovered during two periods: between 1929 and 1933 for the first three pieces (those in the Guerre, Rietberg Museum and musée de l'Homme collections), and between 1950-1960 for the rest of the corpus (ibid). Hélène Leloup underlines the fact that these works of art, which she associates with the Dogon/Bombou-Toro style, were collected not only in Ogol, but also 'in the Yayé, Irelli, Tirelli, Dogani, Komakan [...] villages, all still from the same studio' (Leloup, 1994: n° 85). For de Grunne, the coherence of this corpus allows us to speak not of a school or a studio, but of the work of a great artist, who was working 'somewhere between 1750 and 1840' (ibid).
The first work to arrive in Europe was probably the sculpture now housed at the Rietberg Museum. Purchased before 1929 by George de Miré, it was exhibited in 1930 at the Galerie Pigalle, and bought by Charles Ratton in 1931 at the de Miré sale. Around the year 1934 it was sold again to Baron Van der Heydt (Paudrat in De Grunne, 2011). The inventories written by Pierre Guerre do not mention the dates and the source of acquisition (information deemed by him to be very minor), and thus the history of the Dogon's arrival in Europe remains hypothetical. It was most probably purchased by Léonce and Pierre Guerre from C. Kjersmeier, whom the Marseilles collectors visited in 1931 (Hérat, in MAAOA, 1992: 54) on his return from the mission undertaken on behalf of the Ethnographic Museum of the Trocadero in French West Africa (Sudan, Upper Volta, Guinea).
The first published work from the corpus, the Guerre statue appears under the heading 'ancestor figure of the Habbé people, French Sudan, Collection of Dr Guerre, Marseilles' in the Negro Anthology put together between 1931 and 1933 by Nancy Cunard (a collector, an activist deeply committed to fighting racism, and a muse to a number of writers and artists of the 1920s, including Aldous Huxley, Tristan Tzara and Louis Aragon). In this groundbreaking work, which appeared in 1934, Nancy Cunard collected the poetry and texts of African-American writers along with photographs of all the greatest masterpieces of African Art known at the time. Objects from the Trocadero Ethnographic museum, the Pitt Rivers Museum, the British Museum and the Museum für Völkerkunde of Berlin, along with pieces from collectors such as Félix Fénéon, Charles Ratton, Paul Guillaume, Paul Eluard, Baron Stoclet... and Léonce Guerre.
Selected, along with eight other artworks from the Guerre collection, to be part of the 1935 African Negro Art exhibition at MoMA, the first to show African art in the context of a museum of modern art, it appeared in the catalogue but was not in the end sent to America. In all likelihood, Charles Ratton, who played a large part in the selection of the artworks, opted for a more 'commercial' choice by showing to the public the statue that he had just sold to Baron Van der Heydt.
The works attributed to the 'Master of Ogol' are all female and standing, with hands held in front of the abdomen. They are characterized by the geometry of their pure forms and the exceptional dynamic of the vertical lines, which is punctuated by a horizontal play of neat cuts and the short diagonal lines, leading to a perspective of depth. The headdress shows a sagital crest with the braid stretching back down to the shoulders, the row of bracelets (carved and brought forward), the metal buckles adorning the ears in an arc, and a labret, which is missing. The piece from the Guerre collection is distinguished by its exceptional volumes, both in dimensions (76 cm), and in the power of the geometric forms and the thoroughness of their arrangement, placing it amongst the masterpieces of the 'Master of Ogol'.
According to the anthropologist Germaine Dieterlen (1981: 16-17), these statues came to provide 'built altars for rituals dedicated to the souls of women who died in childbirth'. In 2000, the researcher Malien Youssouf Tata Cissé identified, in the example at the Dapper museum, the portrait of Yâ Kamma 'the great ancestor of the Dogon – wife (sister) to Kamma (the first ancestor)'. This interpretation is consistent with that given by informants of Marcel Griaule between 1933 and 1937, which cited Kamma, the eldest son of the Dyon tribe, as the founder of the Sodamma d'Ogol region (Griaule, 1938: 31). According to Hélène Leloup, these statues were 'taken out for the births and funerals, where they were set out on the terrace and probably for certain rites of fertility and rain [...] they were the property of women and symbolized the feminine ancestor' (Leloup, 1994: n° 84).