Lot 4
  • 4

Martial Raysse

Estimate
300,000 - 400,000 EUR
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Description

  • Martial Raysse
  • Espace zéro
  • signé et daté sur le châssis
  • peinture argent et huile sur photographie marouflée sur toile, ampoule et système électrique

  • 102,5 x 83,5 x 8,3 cm; 40 3/16 x 32 11/16 x 3 1/8 in.
  • Exécuté en 1963.

Provenance

Galleria del Leone, Venise
Acquis auprès de celle-ci et transmis par descendance au propriétaire actuel

Exhibited

Rome, Scuderie del Quirinale, Pop Art! 1956-1968, 2007-2008

Condition

The colours are fairly accurate in the catalogue illustration although the overall tonality is lighter in the original. The work is executed on canvas and it is not relined. A few hairline cracks to the green and red impastos are visible under very close inspection. Along the lower edge, two pinhead sized losses of paint and a light wear approx. 2,5 cm x 0,5 cm are visible under very close inspection. Three tiny losses (less than 0,3 cm each) located in the upper right corner are visible under very close inspection. Under UV light, a tiny dot less than 0,2 cm located 2 cm from the right edge and 18,5 cm from the upper edge fluoresces. Under UV light, a minor dot (2 cm x 0,5 cm) located 8 cm from the left edge and 48 cm from the upper edge fluoresces due to the artist's original process. This work is in excellent condition.
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Catalogue Note

signed and dated on the stretcher; silver paint and oil on photograph laid down on canvas, light bulb and electric system. Executed in 1963.

«Au fond de chaque tableau de Martial Raysse, il y a l'image d'un monde inaccessible, où s'échouent les rêves de conquête, et la poursuite du rêve chaviré n'est plus qu'une mégalomanie solitaire et désespérée. Car, chez Raysse, la passion délibérée d'exaltation cache une volonté de nier la réalité. Ce n'est pas par hasard si un de ses premiers tableaux, de 1959, représente une boîte de détergeant dans un filet en plastique : la beauté, pour Martial Raysse, c'est avant tout la propreté, l'hygiène. Une fois le monde nettoyé, il le reconstruit en n'y admettant que des éléments neufs, aseptisés : le plastique, matière inorganique, frigide, chimiquement pur, qui sans vie intérieure, est garanti contre la pourriture et la mort.» Otto Hahn, résume parfaitement, dans sa préface au catalogue d'exposition chez Iolas en 1965, Martial Raysse ou L'obsession solaire,  tous les éléments qui caractérisent l'Espace Zero de 1963. Le cosmonaute est vêtu d'une combinaison blanche, neuve, hygiénique, qui rappelle également les tenues portées par les laborantins. Isolé dans sa bulle, il respire un air purifié, de même que dans sa cellule aseptisée dans l'espace.  Sur sa combinaison, une ampoule rouge s'allume, peut-être à l'image des battements du cœur humain, «symbolisant la démarche de Raysse et résumant son activité de peintre : faire artificiellement pénétrer la vie, embellir, atteindre par n'importe quel moyen le plus haut degré d'intensité» (Otto Hahn, op.cit). Son obsession, l'artiste la résume lui-même ainsi : «J'ai voulu un monde neuf, aseptisé, pur, et au niveau des techniques utilisées, de plain-pied avec les découvertes technologiques du monde moderne. Je suis un peintre qui utilise les techniques modernes pour exprimer un monde moderne». (Raysse, La Beauté c'est le mauvais goût, in "Arts", Paris, 16-22 juin 1965, p.39) Le cosmonaute se rattache alors à un plus vaste programme artistique, ou hygiénique, dans lequel prennent place les œuvres intitulées Hygiènes de la vision (œuvres de 1960 à 1968), mais aussi Transfusion sanguine (détruite), Seringue, le Nécessaire, de 1959, œuvres mises sous vide, qui se rattachent au cycle. Déjà, l'espace y est associé ; la Colonne au Cosmonaute de 1960, montre dominant une pile d'objets divers, ce petit personnage, que l'artiste identifie au sommet de la hiérarchie. Le terme de colonne renvoie également à l'idée de Colonne sans fin de Brancusi, qui se perd dans l'espace et évoque métaphoriquement une échelle de Jacob qui communique entre la terre et le Ciel.

Ce rapport de l'œuvre d'art à l'espace, explicite dans celle-ci, est un thème sous-jacent de recherches pour d'autres artistes contemporains de Raysse. Klein, son compagnon de route du Nouveau Réalisme, pousse le rapport à l'extrême en se jetant dans le vide : l'œuvre devenant le saut lui-même, l'air brassé, l'espace traversé. Radicalité de la performance qu'un membre du Groupe Zero (groupe avec lequel Klein entretient des liens étroits et expose) Fontana, exprime en deux dimensions : ses Fine di Dio noires ou or présentent visuellement une toile perforée de trous noirs et parsemée de constellations. Au centre de cet univers, est l'homme. Klein, par son acte, Fontana, en annonçant la fin de Dieu, Raysse, avec son nouvel homme, ne sont pas sans rappeler les idéaux de la Renaissance et ce passage d'une vision dorée centrée sur Dieu  à la conscience de la place de l'homme au centre de l'univers: via l 'émergence de la perspective, du paysage et de la réalité en peinture. Mais alors que des artistes comme Piero della Francesca rendent fidèlement compte de la réalité, Raysse, lui emprunte des éléments (les objets) et la réinvente.

L'utilisation de l'objet est une préoccupation que l'artiste partage avec certains autres membres du Nouveau Réalisme: Arman bien sûr, dont les Poubelles réinterprètent le genre du portrait, mais aussi César, Niki de Saint-Phalle, tous l'exploitent; brut ou maltraité car, «comme l'univers imaginaire se fonde toujours sur des éléments empruntés à la réalité, l'œuvre [...] aboutit objectivement à intégrer les motifs plastiques de la civilisation moderne» (Otto Hahn, op.cit.). L'utilisation de l'objet en art n'est pas nouvelle à cette époque, Picasso dans ses sculptures, Les Dadaïstes, Duchamp et ses ready-made, ont déjà par le passé détourné la réalité. Mais pour la première fois, l'objet en tant que tel est utilisé pour ce qu'il est : un produit de la société moderne et par là-même son reflet. Parallèlement, aux Etats-Unis, un artiste du Pop Art travaille dans la même direction. Wesselman, avec ses Great American Nudes  et autres Still Lifes utilise lui-aussi l'objet pour ce qu'il est. Ainsi, dans un intérieur de la Middle-Class Américaine, sur une étagère de bois, trônent des bouteilles de soda. Dans une reconstruction d'une salle de bain sur panneau, la tuyauterie n'est pas figurée mais bien présente, rutilante dans sa modernité.

L'ampoule sur la combinaison du cosmonaute est aussi une évocation de la lumière en tant qu'œuvre d'art et à ce titre, de l'emploi du néon dans la création. Fontana, le premier l'utilise avec sa Neon Structure de 1951 exposée à La triennale de Milan. C'est une œuvre abstraite qui utilise les propriétés seules de la lumière pour créer une modification de la perception de l'espace. Dan Flavin et James Turrell suivront cette voie. Raysse utilise également ce medium: dans Le Raysse Beach en 1962, avec sa lumière rouge qui imite le soleil de la Côte d'Azur. Dans ses sculptures de néon comme About Neon (Obelisk II) de 1964 où il exploite les ressources intrinsèques du matériau. La couleur est en mouvement; c'est une couleur sans matière qui devient le nouveau medium du peintre moderne tout en figurant les repères (signaux, publicités, enseignes) du monde dans lequel il opère.

Prenant appui sur la réalité, Espace Zero fige en une œuvre le temps de 1963. Mais elle s'ouvre aussi sur la conquête d'un nouveau monde et inscrit l'œuvre dans l'éternité : à partir du zero, du rien et du vide, tout est à créer. Mais le zero c'est aussi le cercle, le lieu parfait clôt. Il ne commence nulle part et ne finit nulle part, il est intemporel.