Lot 157
  • 157

Villiers de L'Isle Adam, Auguste

Estimate
1,000 - 1,500 EUR
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Description

  • Villiers de L'Isle Adam, Auguste
  • Lettre à un correspondant non identifé [comte de La Houssaye ?]. Paris, 5 juillet 1882.

Catalogue Note

Quand l'Ève future vire encore au conte cruel.

Comme bien des projets matrimoniaux de Villiers, où la dot joue un rôle crucial, celui-ci n'aboutira pas. Il semble inconnu des exégètes de Villiers. Le correspondant non identifié pourrait être le comte de La Houssaye, son marieur de cousin (voir n° 156 du catalogue). Toujours dans la misère, Villiers vivait alors avec Marie Dantine et leur fils naturel, Victor.

Villiers de l'Isle-Adam demande de l'argent pour faire bonne figure et mener à bien ses projets matrimoniaux avec une demoiselle de Gisors.
«Cette fois», écrit-il, «croyez-moi [souligné deux fois], c'est pour de bon [souligné une fois]»...

Rappelant ses mésaventures avec Louise Bhair, manipulée par une dame Perry. Villiers informe son correspondant que, depuis qu'ils se sont expliqués franchement, Mlle Bhair est devenue une amie véritable, «mais absolument et totalement rien de plus», prend-il la peine de préciser. Or, celle-ci lui a présenté une de ses amies d'enfance, originaire de Gisors, Isabelle Foullon. Elle a trente-trois ans, et «dès aujourd'hui, de 50 à 60 mille livres de rente en propriétés. Elle en aura environ cent mille – à peu près deux millions cinq cent mille francs si quelques terres étaient vendues – à la mort de sa tante, Mlle Pinel, laquelle a plus de 80 ans. (...) Elle a jusqu'à présent refusé tous les partis qui se sont présentés, quelque riches qu'ils fussent. C'est une personne très solitaire, très religieuse, d'une éducation et d'une intelligence des plus hautes ; n'aimant que la lecture, les bonnes oeuvres, et beaucoup la littérature dans le sens élevé de ce mot. Elle écrit, même – mais sans publier. Elle est dans l'admiration du Nouveau Monde. C'est une belle personne, un peu pâle, très blonde, d'un caractère des plus réservés et des plus modestes. (...) Elle est d'un royalisme héréditaire absolu. Un grand nom, un beau titre, un avenir intelligent et un homme d'une science et d'un talent reconnus, voilà ce qu'elle désire et ce qu'elle est prête à accepter.»

La tante de Villiers, et son oncle, curé doyen de Ploumilliau, sont intervenus et le projet avance bon train. Mais Villiers, qui doit passer quinze jours chez son ami, le comte d'Osmoy, a besoin d'argent pour faire bonne figure et demande à son correspondant de lui prêter deux mille francs tout de suite – et mille supplémentaires, si nécessaire.
«Il faut que j'y fasse figure et que je redevienne ce que je devrais être, quant à l'extérieur. Je ne sais pas au juste si même les frais indispensables coûteront cela, puisque je ne manquerai pas d'argent aussitôt la parole définitive échangée, cela va sans dire»...

Il se propose donc de venir le voir avec Louise Bhair et le supplie d'être discret, afin que rien ne puisse filtrer etvenir aux oreilles des Foullon – «Vous comprenez bien pourquoi»...

«On n'a plus d'argent et on ne peut pas le dire», se lamente-t-il en post-scriptum.

Le Nouveau Monde, qu'admirait la demoiselle Foullon selon Villiers, fut créé au théâtre des Nations l'année suivante, en février 1883, grâce en partie au soutien du comte d'Osmoy. La pièce n'eut que dix-neuf représentations et le bilan s'avéra désastreux pour les bailleurs de fonds.