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[VERLAINE]. COPPÉE (François)
Description
- [VERLAINE]. COPPÉE (François)
- Lettre à Paul Verlaine. [Paris], lundi 5 août 67.
Catalogue Note
Lettre d'un ton alerte et facétieux, datant des débuts littéraires des deux poètes.
François Coppée adresse à Paul Verlaine, en vacances à Paliseul en Belgique, des nouvelles de la vie littéraire. Leurs premiers recueils, Poèmes saturniens et Le Reliquaire, remontent à novembre 1866, l'année même où ils ont participé à la création du Parnasse contemporain. Tous deux collaborent au Hanneton d'Eugène Vermesch, le futur communard. Les amis évoqués, Valade et Mérat, forment avec Verlaine le trio des ronds-de-cuir, alors employés à l'Hôtel de Ville. Par la suite, François Coppée deviendra leur tête de Turc, pastiché notamment dans l'Album zutique ; en cela, la lettre ne manque pas de sel.
Un journaliste du Nain jaune, «trop esclave de la tradition pour nous avoir oubliés», a publié une note «assez polie (...) quoique venimeuse». Un autre journaliste du Nain jaune et un du Courrier français, «que Valade sait être un ancien voleur (à la lettre) nous ont également fait subir le baptême de la fange». Personne ne les soutient : A. Duchesne est plongé dans ses cours, F. Magnard, «dans la crainte sans doute de nous faire de la publicité, s'est renfermé dans le sein des silences diplomatiques. Du reste grimaces de Leconte de Lisle et de Dierx, naturellement.»
«Rien de la littérature. J'ai fait quelques vers d'Angélus, mais en très petit nombre. Le Hanneton de demain publiera un autre poëme en prose de vous : Le Corbillard au galop, je crois. S'il y est, je vous enverrai le numéro. J'ai passé hier soir la soirée à la foire de Montrouge avec Valade et Vermersch : j'ai tiré aux macarons & cassé à l'arbalète un grand nombre de pipes, ce dont très fier [sic].»
Il a vu récemment Mérat, «énervé et ballant ; il nourrit de sombres haines contre les journaux (...). La Revue nationale (Charpentier) paraît tous les huit jours ; elle se propose de publier des vers. Catulle toujours à Arcachon. Pas allé depuis quinze jours chez Leconte de Lisle.»
Il envie Verlaine de se balader «parmi les paysages noirs de la patrie de Stapleaux». Il rêve de campagne, mais ne peut quitter Paris par manque d'argent. Aussi se rend-il dans les environs de Paris. «Dimanche soir, vous ne le croiriez pas, je dansais le cancan au bal des Canotiers de Joinville le Pont, où j'ai même rencontré Rosa, souvenir lointain et déjà effacé»...
L'Odéon monte Risette ou les millions de la mansarde d'Edmond About. «Si les gens de l'hymne à la paix se décidaient à un pays, je crois que je n'y tiendrais pas et que je m'éloignerais vers les bords de l'Océan, dans un Dieppe quelconque ; mais cette chance est bien douteuse.»
«Quand revenez-vous, car Valade et Mérat vont partir ; Catulle est absent, et je n'aurai bientôt plus personne à qui parler de la rime rare et du vers unijambiste ? Je ne suis pas allé depuis fort longtemps chez Lemerre, où l'on ne parle même plus de cela, et c'est ce qui vous explique ce bavardage incohérent et pareil au ramage des plus borgne des anciennes pies»...
Puis il rapporte une anecdote charmante : «Hier, comme Valade et moi vociférions des chants obscènes & autres sur la butte de Montrouge, un ami de Vermersch, le dessinateur Petit, s'adressa à un ouvrier bizarre à qui nous demandions notre chemin, et lui dit en nous montrant tous deux : Vous ne vous douteriez pas, n'est-ce pas, que ces gens-là sont des Parnassiens.
- Ah ! monsieur, répondit l'ouvrier, je sais bien ce que c'est que de s'amuser»...
De la bibliothèque du professeur Alajouanine (Cat. I, 1981, nº 180).
Petit manque à l'ouverture du cachet postal, restauré avec du papier collant.