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[VERLAINE]. PÉARON (Jules
Description
- [VERLAINE]. PÉARON (Jules
- Portrait charge de Paul Verlaine. Sans lieu ni date [1867].
Catalogue Note
Exceptionnelle caricature macabre inspirée des Poèmes saturniens par Jules Barthélémy Péaron.
Le poète y figure de face, cheveux au vent, mais avec un corps de squelette ; il est debout sur le squelette d'un cheval au galop. La scène se déroule dans une arène, sous une nuit étoilée – la lumière ne venant pas de la Lune, mais de Saturne. Le public assis dans les gradins est lui-même composé de squelettes et de personnages fantastiques à tête d'animaux (taureau, oiseaux, âne, éléphant) ou à têtes grotesques et effrayantes. En haut des gradins, une oriflamme proclame : «Grand succès. Poèmes saturniens par Paul Verlaine.»
Le portrait-charge s'inspire du premier recueil de Verlaine paru l'année précédente chez Lemerre (1866), notamment des chapitres Mélancholia, Eaux-fortes et Paysages tristes. Si les Poèmes saturniens se vendirent assez mal, il firent grand bruit dans le Paris littéraire par leur ton nouveau – «un métal vierge et neuf», écrivit Mallarmé à l'auteur. C'est à cette renommée nouvelle et un brin scandaleuse que s'attache le caricaturiste, faisant écho au jugement d'Anatole France : «L'impression que produit la lecture des Poèmes saturniens est à peu près celle que l'on ressent à feuilleter une danse macabre du XVe siècle. C'est tournoyant, vertigineux, fou et grave.» Peintre et dessinateur, Péaron (1836-1882) fut l'élève de J. Quentin. On lui doit un autre portrait de Verlaine. Il exposa au salon de 1867. Victor Hugo appréciait le talent de ce bohème impénitent, ancien facteur rural du Bas-Berry.
De toute rareté : on ne connaîtrait que deux ou trois épreuves de la lithographie, reproduite dans La Plume en février 1896 (p. 80), d'après l'épreuve fournie par un certain M. Pochet.
Envoi autographe signé du poète :
À Anatole France
son ami
P. Verlaine.
Piquante provenance que celle du parnassien Anatole France.
Les deux poètes se rencontrèrent dans le salon de la marquise de Ricard en 1865. Ils se lièrent d'amitié, mais le refus de publier des vers de Verlaine dans le troisième volume du Parnasse contemporain devait les brouiller – d'autant qu'Anatole France justifia cette décision de manière brutale : «L'auteur est indigne et ses vers sont les plus mauvais qu'on ait vus»...
En 1896, pourtant, dans la Revue encyclopédique, Anatole France devait tourner casaque : «C'est un poète comme il ne s'en rencontre pas un par siècle. (...) Certes, il est fou. Mais prenez garde que ce pauvre insensé a créé un art nouveau et qu'il y a quelque chance qu'on dise un jour de lui ce qu'on dit aujourd'hui de François Villon, auquel il faut bien le comparer : C'était le meilleur poète de son temps».
Belle épreuve, parfaitement conservée.