Jean-Honoré Fragonard

Probablement, Vente Vien, Paris, 17 mai 1809, lot 30 (sous le titre Une charmante esquisse d'un sujet de la crêche);
Probablement, Vente Ménageot, Paris, 17 décembre 1816, lot 15, ;
Probablement, Vente anonyme [Collection MA], 2 avril 1859, lot 15 (sous le titre Le repos de la Sainte Famille);
Collection Jules Strauss, Paris, 1921;
Vente Salavin, Palais Galliera, Paris, 5 décembre 1973, lot 34;
Acquis à cette vente par le père de l'actuel propriétaire;
Vente Christie's, Londres, 7 décembre 2006, lot 14.

Paris, musée des Arts Décoratifs, Fragonard, 7 juin-10 juillet 1921, no. 78;
Paris, galerie Cailleux, Exposition, esquisses, maquettes: projets et ébauches de l'école française du XVIIIe siècle: peintures et scultpures au profit de la Société des Amis d'Enfance, mars 1934, no. 34.

L. Réau, Fragonard, sa vie, son oeuvre, Bruxelles 1956, p.142;
G. Wildenstein, Fragonard, New York et Oxford 1960, no. 12, reproduit;
J. Wilhelm, Fragonard, 1960, p. 11;
G. Mandel, L'opera completa di Fragonard, Milan 1972, no. 12;
J.-P. Cuzin, Fragonard, Life and work, Fribourg 1988, p. 265;
P. Rosenberg, Tout l'oeuvre peint de Fragonard, Paris 1989, p.73, no. 23, reproduit.

The painting seems to be in overall good condition. It has been slightly strongly relined about 20-30 years ago. To the naked eyes there is no visible restoration. The painting has been quickly painted with a very light texture, particularly in the background. Under UV lamp: Under a light uniform varnish. There is an old scratch going from the upper right corner going through the face of Joseph and to the yellow drapery. This scratch has been properly restored. There is an other scratch, properly restored too, going from the arm of Joseph to the middle of the red drapery of the Madonna.
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Si Fragonard est célèbre pour s'être illustré dans le genre galant et la peinture sensuelle, c'est dans un registre plus académique que l'artiste fit ses débuts : celui de la peinture religieuse. Notre tableau est justement l'une de ces rares productions qui caractérisent la première partie de l'œuvre du peintre. Il s'agit d'une esquisse réalisée par l'artiste pour un projet de retable. Représentant Le Repos pendant la fuite en Egypte, ce dernier était censé orner l'une des chapelles de la cathédrale de Grasse. De par son sujet traditionnel, cette peinture diffère du reste de l'œuvre de Fragonard. Toutefois, d'autres études préparatoires exécutées par le même maître et pour le même décor permettent de comprendre la facture particulière de ce tableau et de revenir sur ce style méconnu dans lequel Fragonard s'essaya et se distingua dès l'âge de vingt-cinq ans.

Le tableau que nous présentons peut être considéré comme l'ébauche la plus achevée de cette série de travaux conçue par Fragonard pour ledit retable. Comparé aux autres croquis, d'ensemble notamment, cette étude apparaît comme étant la plus proche du résultat final. Qu'il s'agisse de la composition ou du style, tous les principaux éléments de la version définitive s'y retrouvent : de la présence des anges à la position de Joseph, de la fluidité de la facture à la richesse des couleurs. « Rien de désinvolte (donc) dans une pareille toile »¹: le thème est grave et le génie maîtrisé. D'une main, la Vierge découvre le berceau de l'Enfant, de l'autre, elle révèle le livre des Ecritures, signifiant ainsi aux fidèles que Jésus est le Messie annoncé par le texte biblique. En quelques mots seulement : « Il y a dans toute l'œuvre un souci d'élégance détachée, presque froide, où n'apparaît rien du tempérament sanguin habituellement prêté à Fragonard. »² La complexité du programme iconographique et le soin de son traitement artistique se justifiant à la fois par le caractère religieux du décor et l'immense ambition de l'artiste.

La table d'autel elle-même pouvant être datée des années 1755, cette esquisse correspond encore à la période de formation de l'artiste. Après avoir remporté le Grand Prix de Rome en 1752, Fragonard poursuit sa formation, à Paris toujours, au sein de l'Ecole des Elèves Protégés. Jusqu'en 1756, il y prend pour maître Carle Van Loo, alors peintre d'histoire et recteur de l'Académie, dont les enseignements fondamentaux marqueront profondément les ouvrages de son disciple, tant dans leur construction que dans leur palette. Concernant la conception de cette œuvre et le choix de ses teintes, le premier modèle de Fragonard est la Sainte Famille de Rembrandt, tableau qu'il avait pu découvrir et copier grâce aux collections parisiennes. D'autres influences tout aussi primordiales pour l'artiste et sa peinture peuvent certainement y être décelées, toutefois ces deux seules résument la sensibilité de Fragonard à cette époque. Elles attestent de ses efforts appliqués pour tendre vers la « grande manière ». En vérité, son style sage est déjà brillant.

1. J.-P. Cuzin, Jean-Honoré Fragonard : Vie et œuvre - Catalogue complet des peintures, Fribourg 1987, p. 26.
2. Ibid.