Lot 82
  • 82

Superbe statue, Bamana, Mali

Estimate
200,000 - 300,000 EUR
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Description

  • Superbe statue, Bamana, Mali
  • haut. 116 cm
  • 45 2/3 in

Provenance

Collection Belge
Hélène et Philippe Leloup, Paris
Collection privée

Exhibited

Exposée dans :
Art d'Afrique dans les collections belges, Tervuren: Musée royal de l'Afrique centrale, 29 juin - 30 octobre 1963

Datée au C14 entre 1416 et 1528 (71,6%)

Literature

Exposée et reproduite dans :
Leloup, Bambara, 2000 : 84, n° 31, catalogue de l'exposition, Galerie Leloup, Paris, juin 2000
Bassani, Arts of Africa. 7000 ans d'art africain, 2005 : 207, n° 82a, catalogue de l'exposition, Grimaldi Forum, Monaco, 16 juillet - 4 septembre 2005
Dandrieu-Giovagnoni, Archétypes, 2007 : 14 et 21, catalogue de l'exposition, Galerie Dimeo, Paris, 12 – 16 septembre

Condition

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Catalogue Note

Au milieu du XIIIe, les Bamanan émigrèrent du Mandé, leur pays d'origine. Lorsque l'affaiblissement de l'Empire du Mali se fit sentir vers le début du XVe siècle, des conquérants de cette émigration envahirent les vallées du Niger et du Bani et étendirent leur suprématie avec l'avènement de deux royaumes bamana : celui de Segou et celui du Kaarta, qui eurent un peu plus de trois cent ans d'existence. Pendant cette période, la suprématie bamanan s'étendit à toute la vallée du Niger, pratiquement de Tombouctou  à Kouroussa en Guinée. S'inspirant des modèles ancestraux, les Bamanan mirent en place dans cet espace un régime politique, le Bamanan Fanga, ''pouvoir bamanan'' et un ordre social, le bamananyan, système qui avait des fondements à la fois politiques, économiques, sociaux et religieux, que l'islamisation relégua à l'arrière-plan à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle. Mais l'animisme, terme quelque peu galvaudé, continue dans une certaine mesure, à être massivement pratiqué dans cet espace, aussi bien au sommet de la société qu'à la base.

Les territoires Jitumu, Banan, Banimolotiè [1],  Baninko et Ganadugu au sud du Mali, habités surtout par des Bamanan, Malinké, et Peul sédentaires, font partie de cette grande aire de civilisation caractérisée par une diversité culturelle exceptionnelle. Les croyances se traduisent par l'existence de nombreuses sociétés d'initiation -Ntomo, Komo, Nama ou Ciwara, Kono, Korè, Jo ou Do, Nya, avec leurs diverses formes d'organisation et de production matérielle (masques, statuettes...) ainsi qu'une myriade de pratiques (cultes, rites, fêtes...) à caractère secret ou public.

Cette statue s'inscrit dans l'ensemble des productions matérielles liées aux nombreuses croyances de ces sociétés d'initiation, notamment celles des cultes jo et gwan. Ce type de statue est apparu en photographie avant les années 1930, en même temps que les petites figurines, (jo nyeleni ) et les statues (jomooni) du jo, dans un style dit « style de Bougouni », identifiés dans le livre Bambara Sculpture from the Western Sudan, sous les appellations de : « ancestral figure », « female figure », « fertility figure », provenant tantôt de « Doila District », de « Ganadougou district », de « Bougouni district ». [2]  Dans les années 1950, les cultes du jo, du gwan et du Nama ou Ciwara qui étaient encore pratiqués dans un grand nombre de villages de ces localités, débordaient le cercle de Bougouni, dans la direction de Sikasso et de Kignan. Selon la source précédemment citée, c'est « un certain nombre de grandes figures, généralement de couleur plus claire (peut-être due à l'érosion de la surface), et plus fluide dans la conception qui ont été découvertes autour et au nord-ouest de Bougouni. La plupart d'entre eux sont des femmes représentées debout ou assis sur des tabourets bas, et parfois portant un enfant qui s'accroche au corps de la mère, le torse et le cou long, surmonté d'une tête décorée d'une coiffure féminine liée à la maternité avec ses tresses caractéristiques et/ou portant une charge. Il y a aussi des personnages masculins debout, avec des arrangements de coiffure plus courts, et portant un bâton, ou tout autre insigne de grade. Certaines de ces figures sont altérées.

Les figures de femmes ont été dénommées reines, et il a été suggéré qu'elles soient de type portrait... Leurs attitudes et les attributs suggèrent un rang élevé, et ils peuvent en effet représenter les ''chefs'' et les ''femmes de chefs''. Pour les représentations féminines, ces références pourraient facilement fusionner avec le rôle des figures de fécondité, un autre sens indiqué par l'inclusion de l'enfant...»(p.17).   

Cette description vaut en partie pour cette statue féminine, entièrement en bois dur, probablement du bois de guele (Prosopis africana) utilisé en sculpture et comme support de mirador pour sa résistance réelle et symbolique. Une forme conique assimilable à celle d'un long bonnet, est distinguée de la tête par une ligne horizontale qui souligne le front  surplombant le visage dont les composantes –yeux, nez, narines et bouche- sont à peine suggérées. Cette forme,  participant de l'équilibre de l'objet, comporte deux niveaux séparés par une forme rectangulaire dont les bouts évoquent ceux d'un foulard attaché. Il s'agit certainement de la reproduction du type de bonnet de prêtre du culte jo, de l'initiateur appelé jo shan), un personnage central du culte jo qui portait un bonnet caractéristique de son statut de créateur d' «homme de culte » (jocè) ou d'homme religieux, c'est-à-dire du type d'homme dont la société avait besoin. Ce bonnet de type phrygien, couleur ocre rouge, a fini par être remplacé par des bonnets d'un rouge plus vif, introduit par les pèlerins venant de la Mecque et les colons. Certains shan possédant ce bonnet le renforçait encore avec une bande de tissus de couleur rouge, qui ne faisait qu'augmenter la croyance en la sacralité de sa fonction religieuse.

La statue est la matérialisation de la femme ''mère de culte'', pouvant être une épouse, une sœur de shan, ou la femme la plus âgée du clan propriétaire du culte, qui nouait son foulard en forme de  bonnet caractéristique du shan ou alors, le nouait au milieu d'un bonnet de shan qu'elle portait en se tenant à côté du prêtre au cours de l'intronisation de celui-ci. Elle signifiait ainsi non seulement son statue de femme à l'origine de la création, de la création/«découverte » des cultes, notamment celui du jo, et des croyances y afférentes mais aussi de son statut de mère, de femme accomplie.

Le cou considérablement rétréci relie la tête ainsi coiffée au tronc, avec des seins non entièrement tombés donnant à la poitrine son volume. Le bras gauche manquant est cassé au niveau de l'épaule, le bras droit décollé et allongé le long du corps, courbé en angle droit au niveau du coude, l'avant-bras équivalent sensiblement à la moitié du bras est collé au ventre légèrement au-dessus du nombril, la hanche cernée d'une ceinture, de type cè farin jala, « ceinture du brave » ou baba ka kulusi jala, « cordelette du pantalon du père », est faite de petits losanges. Cette succession de losanges évoque les plis de la ceinture au moment où elle est serrée. Inversement, quand elle est dénouée, l'homme crée sa descendance et c'est donc les générations à venir qui sont représentées. Elle est portée par les femmes de haut rang pour signifier à la foi leur statut et leur nombreuse progéniture. La statuette tient débout sur les deux pieds séparés, le dessus et le bout des pieds arrondis.

L'aspect du corps de la statue symbolise celui d'une génération d'initiés du jo, une génération d'hommes aux corps crasseux, endurcis, asséchés, éprouvés par les premières dures expériences de toutes sortes d'une vie placée, pendant la longue période initiatique, sous influence des forces du culte, de génies de la brousse et d'êtres humains malveillants, qui a besoin d'eau pour humidifier le corps des individus qui la composent, de substance pour re-naître, re-vivre en vue de re-dynamiser la société qui va l'intégrer ; telles sont, succinctement résumées, les réalités de l'état des initiés du jo au terme du périple « promenade du culte » [joyaala]. Le corps de la statue, avec sa surface marquée de longues fentes et de traces d'érosion, comme si le bois une fois sculpté avait été soumis à l'attaque des termites,  reflète cet état.

 Salia Malé, septembre 2010

[1] Le Banimonotié : ''Entre le Bani et le Mono'',  les noms de deux rivières qui  traversant ce territoire.  Bougouni est une ville situé à 10°24' de latitude Nord et 7°29' de longitude Ouest.
[2] Voir photos n° 91 à 99, in Bambara  sculptures from the Western Sudan, The Museum of primitive art, New York, 1960.  

Superb Bamana figure, Mali

In the mid-13th century the Bamana left their native land of Mandé. When the empire of Mali began its decline in the early 15th century, conquerors from this earlier migration invaded the valleys of Niger and Bani and spread their rule over both Bamana kingdoms: Segou and Kaarta. This dominance lasted for over three hundred years. During this time the Bamana supremacy expanded across the whole of the Niger valley, almost from Timbuktu to Kouroussa in Guinea. The Bamana established a political regime to govern these lands - the Bamana Fanga, "Bamana power"- and a social order -the Bamanyan, a system based on political, economic, social and religious foundations. These two structures were superseded in the 18th and early 19th century by the progression of Islam. Today, animism -although the term is somewhat hackneyed- is still, to a certain extent, widely practiced in the area, both among the aristocracy and the lower levels of society. The Jitumu, Banan, Banimolotiè[1],  Baninko and Ganadugu territories in southern Mali are inhabited by Bamana, Malinke and sedentary Fula peoples who are part of this great area of civilization. the diverse beliefs within the region are mirrored in the numerous initiation societies - Ntomo, Komo, Nama or Ciwara, Kono, Korè, Jo or Do, Nya- each organized according to their own rules and each producing their own masks and statuettes and upholding their own practices, be they cult, rites, or celebrations, in secret or in public.

The offered statue is one of the artefacts manufactured in relation to the beliefs upheld by these initiation societies, specifically the jo and gwan cults. This type of statue appeared in photographs even before the 1930s together with the small jo nyeleni figurines and jomooni statues of the jo cult. They were said to be in the "Bougouni style" and identified in Bambara Sculpture from the Western Sudan under the following names: "ancestral figure", "female figure", "fertility figure", originating either from the "Doila District", the "Ganadougou district" or the "Bougouni district". [2]

The jo, gwan and Nama or Ciwara cults were still practiced in the 1950s in a number of villages within those districts, beyond Bougouni and towards Sikasso and Kignan. According to our previous source "a number of large figures, generally lighter (the discoloration probably being due to surface erosion) and more fluid in their conception have been found around and to the north west of Bougouni. Most of them are female figures standing or sitting on low stools -sometimes carrying a child latched onto the mother's body- with a long torso and neck, their head adorned with a female coiffure bearing typical maternity braids and/or carrying a load. Some figures are male and are depicted standing. Their coiffure is shorter and they carry a staff or any other rank insignia. A number of those figures show signs of abrasion.

The female figures have been called queens and it is suggested that they may have been portrait representations... Both their stance and attributes suggest they are high ranking and they may have been embodiments of "chief" figures or "wives of chiefs". For females, these references could easily merge with the roles of fertility figures, another meaning implied by the inclusion of the child" (p.17).

This description is partly applicable to this female figure. It is made entirely of hard wood, probably guele (Prosopis africana) used in sculpture and for watchtower bases and known for its great real and symbolic resistance. A cone, similar in shape to a tall hat, is separated from the head by a horizontal line, outlining the forehead above the face, whose components -eyes, nose, nostrils and mouth- are barely delineated. This shape is part of the object's balance and comprises two separate levels with a rectangular form between them, the ends of which evoke a tied up scarf. It is almost certainly a reproduction of the type of hat worn by the Jo cult priest, the initiator called Jo shan, a central figure in the Jo cult. This character wore a distinctive hat, which reflected his status as a creator of "man of the cult" (jocè) or religious man, a type of man who was useful to society. This red ochre Phrygian type hat was eventually replaced by hats in a brighter shade of red, introduced by pilgrims returning from Mecca and colons. Some shan who owned this type of hat would highlight it further by adding strips of red cloth, thereby strengthening the belief in the holiness of its religious function.

The statue is a representation of a "mother of the cult" woman, who could be a wife, the sister of a shan or the oldest woman in the clan who owned the cult. She would tie her scarf in the shape of a shan hat or around such a hat and then wear it standing next to the priest during his inaugural ceremony. By doing this she underlined, not only her status as a woman at the root of creation, of the creation/"discovery" of cults -including the Jo- and the beliefs related to them, but also as a mother and accomplished woman.

The considerably shortened neck links the head, thus adorned, with the bust, where breast that have not fully dropped give the bosom its full volume. The missing left arm is broken at shoulder level and the right arm is separated from the body, following its line then bending at a right angle at elbow level. The forearm is roughly half the length of the full arm and is connected with the stomach slightly above the navel. The hips are enclosed in a cè farin jala type belt, "belt of the brave" or a baba ka kulusi jala,  "cord of the father's trouser" made from small diamond-shaped motifs. These diamond shapes represent the creases of the belt as it is tightened. Conversely, when it is undone, a man is free to create his descent and it is then the following generations that are being represented. The belt is worn by high ranking women to mark both their status and their abundant progeny. The figure stands legs apart, on feet that bear rounded tops and ends.

The aspect of the statue's body is a symbol of a generation of Jo initiates. A generation of men with dirty, hardened, dried out, toughened bodies from the numerous and diverse experiences of a life, which, during the long initiation period, is placed under the influence of the cult's forces, the bush's genies and wicked human beings. The bodies of the individuals who are part of it need to be humidified with water, they need sustenance to be re-born, to come to life again so they may infuse a new strength in the society that shall welcome them. This is a succinct account of the state of the Jo initiates when they come to the end of the "path of the cult" (joyaala). The body of the statue, scored with long gashes and traces of abrasion, as if the wood had been attacked by termites after being carved, reflects the state of the initiates.

Salia Malé

[1] The Banimonotie : 'Between the Bani and the Mono''. These are the names of two rivers that run across the territory. Bougouni is a town, which is located 10°24' at northern latitude by 7°29' at western longitude.
[2] See photos n° 91 to 99, in Bambara  sculptures from the Western Sudan, The Museum of primitive art, New York, 1960.