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Albert Gleizes
Description
- Albert Gleizes
- CAVALAIRE OU LE VILLAGE
- signé Alb. Gleizes (en bas à droite)
- huile sur toile
- 105 x 75 cm ; 41 3/8 x 29 1/2 in.
Provenance
Juliette Roche-Gleizes
Vente : Palais Galliera, Paris,16 mars 1973, lot 171
Fondation Albert Gleizes, Paris (jusqu'en 1995)
Chantal et Guy Heytens, Monaco (leur vente : Artcurial, Paris, 18 octobre 2005, lot 75)
Acquis lors de cette vente par le propriétaire actuel
Exhibited
Aix-en-Provence, Galerie Lucien Blanc, Rétrospective Albert Gleizes, 1954, no. 19
Avignon, Musée Calvet, Albert Gleizes, 1881-1953, 1962, no. 21
Grenoble, Musée de Peinture et de Sculpture, Albert Gleizes et Tempête dans les salons, 1963, no. 27
Literature
Condition
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Catalogue Note
signed 'Alb. Gleizes' (lower right), oil on canvas. Painted circa 1922.
Fig. 1 Georges Braque, Le Viaduc à l'Estaque, 1908, huile sur toile, Centre Pompidou - Musée National d'Art Moderne, Paris
A l'instar de Georges Braque et de Pablo Picasso qui posèrent les premières pierres de l'édifice cubiste, Gleizes a su articuler avec pertinence approche pratique et théorique pour l'enrichir. Chercheur rigoureux, sa réflexion tend à établir une théorie des formes résolvant la dichotomie volume/planéité, imposée par la transposition d'une image en volume sur la toile. Cette démarche fondamentale connaît trois étapes : la primauté des formes géométriques héritée de Paul Cézanne, l'utilisation de la toile comme d'un principe de composition en soi, et enfin, le développement d'une temporalité propre.
Ainsi, à partir de 1915, Albert Gleizes délaisse-t-il progressivement le figuratif pour se consacrer à des œuvres conçues exclusivement selon le plan de la toile. C'est en cela que Cavalaire ou le village, peint vers 1922, exprime un enjeu fondamental : non pas le retour à une figuration traditionnelle, mais la réintégration de formes du réel dans le vocabulaire plastique cubiste, aboutissant à l'expression d'un univers propre. Représentant un des lieux favoris de villégiature du peintre, l'œuvre se situe à un tournant crucial du cubisme expérimental de Gleizes : l'utilisation de formes figuratives transposées en formes géométriques (carrés, rectangles) sur le plan pour exprimer le réel, la création de cadences par un harmonieux jeu de formes et de couleurs, le choix du paysage comme champ d'expérimentation, font de cette toile un manifeste du cubisme libéré de l'artiste.
Si Gleizes ne se consacrait depuis plusieurs années qu'à la création de toiles purement expérimentales, sans lien aucun avec le monde réel, il pose ici les nouveaux jalons d'une réflexion alliant principes cubistes et paysage provençal. L'œuvre se construit ainsi par des allers et retours subtils entre figuration et abstraction, mécanisme des formes et spontanéité des coloris, contraintes et libertés. Affirmation de cette grande liberté, la composition expose toute la complexité de la peinture moderne : c'est dorénavant l'esprit qui voit et donne à voir le monde, se fiant à ses propres perceptions et sensations. Le peintre, postérieurement aux paysagistes du romantisme allemand, invite donc à voir avec « l'œil de l'esprit », l'œil métaphysique, car il ne doit plus peindre seulement ce qu'il voit en face de lui, mais aussi ce qu'il voit en lui (selon la pensée de Caspar David Friedrich). Il offre ainsi un voyage sensoriel et olfactif d'une grande intensité.
Following in the footsteps of Georges Braque and Pablo Picasso who had laid the foundation stones of Cubism, Gleizes impressively combined theoretical and practical approaches in order to further enrich the movement. A meticulous researcher, his studies led him to establish a theory of forms that resolved the dichotomy between volume and flatness implied by transposing a three-dimensional image onto canvas. This process had three fundamental stages: Paul Cézanne's primacy of geometrical forms, the use of the canvas itself as an aspect of the composition, and finally the development of a unique temporality.
From 1915, Albert Gleizes had progressively moved away from the figurative in order to concentrate on works conceived exclusively in terms of the plane of the canvas. In this regard Cavalaire ou le village, painted towards 1922, expresses a fundamental shift: not a return to traditional figuration, but a reintegration of real forms into the Cubist visual vocabulary, resulting in the creation of a unique universe. Depicting one of the painter's favourite villages, the work is situated at a vital crossroads in Gleizes' experimental Cubism. Many aspects make this picture a veritable manifesto for the liberal Cubism that would follow: the use of figurative forms transposed into geometric shapes (squares, rectangles) on the flat surface in order to represent reality, the creation of cadence through a harmonious balance of shapes and colours, and the choice of a landscape as the field of experimentation.
Though for a few years Gleizes had been working exclusively on purely experimental canvases, with no foundation in the real world, here he paves new ground by combining Cubist principles with a Provencal landscape. The construction of the work subtly sways between figuration and abstraction, mechanical shapes and spontaneous colouring, restraint and liberalism. An affirmation of freedom, the composition exhibits all the complexities of modern painting: it is the mind that sees and gives vision to the world, relying on its own perceptions and sensations. The painter, like the landscape artists of the German Romantic era that came before him, invites us to look with "the mind's eye", the metaphysical eye, as he should not paint simply what he sees in front of him but also what he sees within himself (as Caspar David Friedrich puts it). He thus invites the viewer on a sensory and olfactory journey of great intensity.