Lot 73
  • 73

Correspondance autographe à son mécène Jacques André. A Paris et Oyonnax, 1930 à 1966.

Estimate
5,000 - 8,000 EUR
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Description

  • [André, Jacques]--Milkos, Gustave
  • Correspondance autographe à son mécène Jacques André.A Paris et Oyonnax, 1930 à 1966.
- Ensemble de 51 lettres autographes signées, à l'encre noire ou bleue, à Jacques André : 31 au format in-4, 20 in-8.
- Une carte postale représentant la sculpture Prométhée de Miklos.
- Une lettre autographe signée, in-8, à Madame Jacques André.



La correspondance (à l'exception de 9 lettres) a été reliée à l'époque par le destinataire Jacques André.
Les lettres sont montées sur onglets ou contrecollées sur papier vergé et reliées dans un volume in-4 de chagrin rouge à dos lisse.
Sont jointes dans une enveloppe à part : 7 lettres autographes signées de Madame Gustave Miklos à Jacques André et une lettre tapuscrite de Jean Marquis, conservateur-adjoint du musée de l'Ain, concernant l'inventaire des oeuvres sculptées de Miklos pour la rédaction du catalogue raisonné.



Sont montés dans le volume : 2 dessins originaux signés ; 7 photographies originales dont 6 d'œuvres et un portrait de l'artiste ; 2 coupures de presse.

Provenance

Jacques André.

Catalogue Note

Superbe correspondance sur plus de 30 années entre un artiste et son mécène.

A la mort de Jacques Doucet (1853 - 1929), son principal mécène, Miklos se retrouve dans un grand dénuement. Jacques André, déjà mécène de Schmied, décide de lui commander une œuvre : « notre ami Schmied m'a dit que vous aviez manifesté le désir d'avoir une sculpture de moi à l'entrée de votre maison ».  De là, une relation de confiance et d'amitié se noue. Les lettres et les commandes se multiplient : " Je vous ai dit le prix de mon masque que vous appelez pour me rendre plus orgueilleux 'le reflet de l'infini du passé' (...) 20 000 et pour l'adolescent couché 15 000. Schmied fera la grimace mais il m'aime bien et vous aime mieux encore. » L'artiste exprime dans ces missives sa joie de créer, de ciseler, de modeler... « Autre joie : la petite baigneuse est fondue de façon remarquable. Et je suis en train de la ciseler, caressant ses formes pures et juvéniles. » ainsi que ses relations envers ses créations, qu'elles soient fraternelles, « je me suis remis au travail sur la grande figure de ce Prométhée que, dans mon orgueil, j'aime comme un frère », paternelles, « je recevrai avec plaisir Madame van Kampe à mon atelier [pour] visiter 'mes enfants' », ou presque amoureuses « cette petite sculpture (...) est l'image de la jeunesse et de la beauté selon les lois éternelles de l'harmonie et du rythme – elle a un sourire qui contient tant de choses. »
Cette relation artistique devient, au fur et à mesure de la correspondance, intime et Jacques André tente même de promouvoir 'son' artiste auprès des institutions : « L'évocation de mes ombres protectrices a agi en ma faveur. (...) grâce à votre généreuse sollicitude, j'aurai la plus grande joie de ma vie d'artiste. Avoir l'honneur très grand de voir mes œuvres entrer à la chambre de Commerce de Paris. » Et fort de sa popularité frémissante, les commandes augmentent : « Je n'ai pas encore la commande officielle de ma statue (...). Je vais ensuite me mettre à mon bas-relief pour l'U.A.M. ». Pourtant, apprend-on dans les dernières lettres, ces commandes n'ont pas toutes abouti : « vous évoquez nos espoirs de jadis alors que nous espérions réaliser de grandes figures pour la Chambre de Commerce de Paris. Espoirs déçus il est vrai, mais cela me fut quand même profitable m'apportant (...) un bon stimulant à mon enthousiasme. »
En 1940, il quitte Paris avec regret et nostalgie, « il m'en coûte de quitter Paris » pour un poste de professeur d'Arts Plastiques à Oyonnax où il a du mal à s'acclimater « cette petite ville provinciale où je vis est vraiment sans intérêt. Je n'aime pas (...) l'esprit qui y règne, aussi je me trouve particulièrement isolé et me sens comprimé dans le milieu fonctionnaire où je ne serai jamais dans mon élément. » Pourtant son nouveau métier d'enseignant le passionne, surtout ses relations avec certains de ses élèves : « A l'école (...) j'ai deux élèves (...) bien doués. (...) cela me plait de les enseigner uniquement pour l'amour de l'Art et en me souvenant que j'ai eu jadis un bon maitre qui le fit pour moi. »
Son exil volontaire lui pèse et les évènements de 1956 en Hongrie, sa patrie d'origine, le touchent profondément « C'est un Miklos triste et malheureux qui vous adresse ses vœux de nouvel an. Vous connaissez les évènements de Hongrie, et vous savez quel amour j'ai conservé à ma patrie et aux miens qui y vivent (...) Quelle honte de voir cela ! et que je suis fier d'être issu d'une telle race. (...) J'ai le désir de vous envoyer (...) une peinture de moi, mon petit Saint François (...). J'ai mis dans cette œuvre tout mon amour pour cette pauvre humanité si décevante pourtant à quelques exceptions près et si belle parfois tout de même puisqu'elle sait encore mourir pour un idéal de liberté comme mes malheureux frères hongrois pour lesquels je suis déchiré. »
Il continue pourtant à produire autant qu'il peut, toujours avec cette passion pure de l'Art véritable : « à tout prendre je ne crois pas m'avilir en me livrant à ce travail qui lui, me permettra de faire pour moi l'Art que j'aime et qui est ma vie, un Art sans destination commerciale et où je pourrai mettre le meilleur de moi comme je l'ai toujours voulu ». Il critique l'art contemporain et sa production industrielle : « Ce que je reproche à beaucoup d'artistes contemporains est ce besoin d'épater, visiblement la foi ne les habite plus. Aujourd'hui c'est la vraie foire. Une ou plusieurs expositions par an, ce n'est plus comme jadis : travailler longuement, méditer l'œuvre et enfin la montrer. » Pour lui « l'Art est sensuel, il doit l'être (...) mais il convient qu'il soit discipliné par l'esprit ».
La fin de la correspondance présente un homme fier mais usé, regardant ses œuvres avec amitié et nostalgie « tel que mon vieux Clown pour qui j'ai une particulière amitié il me semble que ma vie d'artiste peut se lire sur ce masque désabusé ».