Lettre dactylographiée signée à Emmanuel d'Astier. S.l., le 6. x. 62.

"Quand je pense à ce furieux de Saint-Simon, cette tête baissée dans l'assaut, qui ne maugréait ses rancoeurs et rancunes contre un monde plus haut que lui, qu'à la condition d'être aveugle [...] Vous savez comme moi que l'écriture n'est pas épargnée par la coupure silencieuse des partages politiques, que par exemple ce Mémorialiste hargneux qui nous a donné tout sur Louis XIV, a seulement oublié de le comprendre, non comme homme, grand ou mesquin, mais comme figure nécessaire de l'Histoire, - et le voilà, cet auteur qui nous ouvre les portes du Grand Siècle, rabaissé au ridicule niveau du tabouret où son épouse asseyait ses fesses, et des querelles de l'étiquette où toute sa passion se brûlait : pour n'avoir pas eu le coeur ni la tête à penser son ressentiment (avouez que Montesquieu, qui était à peu de choses près de son parti, nous donna la preuve qu'à le penser on peut presque faire de ce ressentiment une politique)."
Belle analyse d'Althusser sur la dernière publication d'Emmanuel d'Astier, Sur Saint-Simon, parue cette année-là, dans laquelle il déplore l'absence d'introspection et d'auto-critique du mémorialiste.