Lot 49
  • 49

Man Ray

Estimate
150,000 - 200,000 EUR
bidding is closed

Description

  • Man Ray
  • WINTER [d'après Arcimboldo]
  • signé MR et daté 1944 (en bas à droite)
  • huile sur isorel
  • 67,9 x 57,5 cm; 26 3/4 x 22 5/8 in.

Provenance

Max Ernst (don de l'artiste)
Dorothea Tanning, New York
John Cavaliero, New York
Gallery Schlesinger-Boisanté, New York
Yves Arman, New York
Collection particulière, New York

Condition

The panel is sound. Apart from an interrupted line of inpainting along the lower part of the left edge, and the upper and right edges, this work is in very good condition.
"In response to your inquiry, we are pleased to provide you with a general report of the condition of the property described above. Since we are not professional conservators or restorers, we urge you to consult with a restorer or conservator of your choice who will be better able to provide a detailed, professional report. Prospective buyers should inspect each lot to satisfy themselves as to condition and must understand that any statement made by Sotheby's is merely a subjective, qualified opinion. Prospective buyers should also refer to any Important Notices regarding this sale, which are printed in the Sale Catalogue.
NOTWITHSTANDING THIS REPORT OR ANY DISCUSSIONS CONCERNING A LOT, ALL LOTS ARE OFFERED AND SOLD AS IS" IN ACCORDANCE WITH THE CONDITIONS OF BUSINESS PRINTED IN THE SALE CATALOGUE."

Catalogue Note

signed 'MR' and dated '1944' (lower right), oil on board. Painted in 1944.

Fig. 1, Inverno [L'Hiver], gravure, 16ème siècle, Nationalmuseum, Stockolm

Fig. 2, Anonyme, L'Hiver [d'après Arcimboldo], Collection particulière (anciennement Succession Man Ray)

Fig. 3, Man Ray, L'Hiver [d'après Arcimboldo], 1940, encre sur papier, Collection particulière

Fig. 4, Man Ray, Winter, 1944, huile sur isorel  (œuvre ici reproduite avec son cadre)

Fig. 5, Giuseppe Arcimboldo, L'Hiver, vers 1563, Kunsthistorisches Museum, Vienne

Fig. 6, Man Ray, L'Attente, 1942, huile sur toile, localisation inconnue

 

L'Hiver [d'après Arcimboldo] de Man Ray est une copie de copie, de copie, de copie. Alors que, d'un tel procédé, certains spectateurs ordinaires pourraient rapidement conclure à un manque de créativité, pour Man Ray qui travailla des années à Paris en qualité de photographe professionnel, il en va ainsi comme de tirages à partir d'un même négatif. A cela s'ajoute le fait qu'il sut introduire des variations subtiles mais suffisamment significatives qu'elles permettent de qualifier le produit final d'exemplaire unique.

 

Dans les années 1930, il acquit chez un antiquaire parisien une peinture représentant une tête d'homme entièrement composée de branches mortes et de racines (Fig.2). La peinture était la réplique d'une œuvre de Giuseppe Arcimboldo (Fig.3), peintre italien du XVIème siècle appelé à la cour d'Autriche, connu de tous pour ses figures allégoriques constituées de fleurs, fruits, légumes, animaux et autres assortiments d'objets inanimés. Le fait qu'il ait su créer en plein XVIème siècle des images à proprement parler surréalistes, fascinèrent les membres du groupe, tous s'accordant à lui reconnaître cette qualité de précurseur. Tandis que l'exposition organisée en 1936 par Alfred Barr au Museum of Modern Art de New York, Fantastic Art: Dada & Surrealism, devait consacrer sa position et son œuvre, la célèbre revue Minotaure à laquelle Man Ray collabora, ne tarda pas à reproduire une version des Quatre Saisons.

 

Quand Man Ray acquit la peinture, il dût espérer qu'elle fut une œuvre originale d'Arcimboldo. Le sujet en effet était celui de L'Hiver (Fig.3), figure presque entièrement composée de branches tordues et de racines d'arbres, faisant partie d'un ensemble de quatre toiles, Les Quatre Saisons, conservées au Kunsthistorisches Museum de Vienne. Mais la peinture qu'il acquit (Fig.2), en de nombreux détails, diffère de l'œuvre originale. La tête tout d'abord, regarde dans l'autre direction, une particularité qui fait généralement supposer l'intervention d'une gravure. Sur ce point en effet, il a récemment été démontré que la copie dont Man Ray fit l'acquisition, s'inspirait d'une gravure italienne du XVIème siècle intitulée Inverno [Hiver] (Fig.4) faisant elle-même partie d'une série de quatre images sur le thème des quatre saisons (Tonino Tornitore, 'Musica per occhi' in Pontus Hulten, ed., Effetto Arcimboldo: Transformazioni del volto nel sedicesimo e nel ventesimo secolo, Milan, 1987, pp. 350-51). En raison de la nature même du medium (la gravure), le thème et le motif y sont traités de manière beaucoup plus simple. Les changements sont à vrai dire à ce point accusés qu'il faudrait moins parler de copie que de véritable variation. Entre autres choses et détails, le graveur a supprimé une branche pleine de fruits, le champignon séché servant à souligner la bouche et le lierre pris dans les mèches des cheveux. S'il ne fait aucun doute que la peinture acquise par Man Ray fut réalisée d'après cette gravure, le peintre lui-même introduisit un certain nombre de changements : la branche verticale dans l'axe du cou ne va plus jusqu'au bord de la composition comme c'est le cas dans la gravure mais se voit coupée et réduite pour ne pas sortir du cadre de la toile, la racine qui tient lieu d'oreille est plus grande, des rinceaux de lierre séché pendent ici et là des branches, tandis que la figure, de manière générale, semble moins flétrie, plus robuste.

 

En 1940, durant les semaines d'occupation de la capitale, Man Ray s'envole pour les Etats-Unis. Avant son départ, il élabore, à l'encre, une petite esquisse détaillée de la copie d'après Arcimboldo. Avec une remarquable précision, il reproduit fidèlement l'image en noir et blanc. Tout laisse accroire qu'il emporte le dessin avec lui à Hollywood où il s'établit à la fin de l'année, ainsi, peut-être, qu'une photographie de la toile. Craignant que les peintures qu'il a du laisser à Paris ne soient détruites durant la guerre, Man Ray fait des copies grandeur nature de certaines. Ce doit être pour les mêmes raisons et craignant que la toile elle-même ne fut perdue, qu'il réalise une série d'œuvres d'après la copie qu'il possède d'Arcimboldo. En 1942 par exemple, il surimpose ce qui doit être une toile d'araignée sur la silhouette opaque de la tête de la figure (Fig.6). Il lui donne pour titre L'attente comme pour suggérer qu'une araignée attend en silence et patiemment sa proie. Dans la mesure où l'araignée est significativement placée hors du champ de l'image, il serait logique de conclure que Man Ray a voulu faire assumer ce rôle au spectateur ou se peut-il simplement qu'il ait été attiré par la structure géométrique de la toile d'araignée et pensé qu'elle pouvait naturellement être associée aux racines d'arbres séchées. Quoiqu'il ait voulu dire, la toile d'araignée pourrait en outre être associée à Man Ray lui-même. Dans plusieurs photographies des années 1940 en effet, il montre le sexe des femmes nues qu'il photographie recouverts d'une toile d'araignée, des photographies où la symbolique du prédateur et de la victime prend un tout autre sens.

 

La dernière et ultime réalisation de cette série de reproductions est l'œuvre, Hiver [d'après Arcimboldo] (Fig.1), une œuvre dans laquelle Man Ray a fidèlement reproduit la copie mais dont il a considérablement agrandi le format. S'il n'est guère possible de dire s'il s'est inspiré du dessin qu'il fit en 1940 (Fig.5) ou de la photographie qu'il prit à Paris, c'est avec une précision remarquable qu'il a reproduit l'image. Mises à part la signature en forme de monogramme et la date qu'il a ajoutées en rouge et en bas à droite de la toile, la seule différence qu'il ait introduite réside dans le motif de la délicate toile d'araignée qui, comme son équivalent dans la nature, est à peine visible, mais qui, avec quelque attention, se décèle, s'étirant entre une branche soudain surgie du coup de la figure jusqu'à la racine creuse qui définit le lobe de l'oreille.

 

En 1946, lors d'une double cérémonie, Man Ray épousa Juliet Browner, Max Ernst, Dorothea Tanning. Il est fort probable que ce soit à cette occasion qu'il offrit à son ami Hiver. A Paris, il avait déjà fait l'acquisition de Qui est ce grand malade (1923-24), une toile de Max Ernst qu'il avait emportée à Hollywood. Sur une photographie le représentant assis dans un coin de son appartement, fumant la pipe (Fig.6), l'on peut voir la peinture de Max Ernst suspendue sur le mur de gauche et, immédiatement dessous (à gauche du lampadaire), une image de l'Hiver. Une étude plus attentive de la photographie montre qu'il ne s'agit pas de la peinture elle-même (qui, à cette date, a déjà été offerte à Max Ernst) mais d'une reproduction photographique de l'œuvre. Si les deux œuvres sont accrochées l'une à côté de l'autre, c'est certainement pour rappeler l'événement heureux du double mariage. L'Hiver [d'après Arcimboldo] de Man Ray est resté en la possession de Max Ernst jusqu'à la fin de sa vie avant d'être vendu par son épouse dans les années 1970 et avoir, jusqu'à ce jour, figuré dans une collection particulière new-yorkaise.

 


 

Man Ray's Winter [After Arcimboldo] is a copy of a copy, of a copy, of a copy. Whereas such a procedure might cause casual viewers to conclude that it lacks creativity, for Man Ray, who had spent years in Paris working as a professional photographer, it was as natural as making multiple prints from the same negative. Moreover, as we shall see, he introduced subtle but significant changes to the composition that caused the final product to bear his unique imprint.

In the 1930s Man Ray purchased a painting from an antique store in Paris that depicted the head of a man constructed entirely of dried tree branches and roots (Fig. 2). The painting was reminiscent of the work of Giuseppe Arcimboldo (Fig. 3), a sixteenth-century Italian painter who worked for the Viennese court and is best known for allegorical figures composed of flowers, fruits, vegetables, animals, and an assortment of inanimate objects. The Surrealists were fascinated by Arcimboldo, for he had, in effect, created Surrealist images in the sixteenth century, a precedence that was acknowledged by virtually everyone associated with the movement. A variation of the Four Seasons was reproduced in the leading Surrealist magazine Minotaure (no. 10, 1937, an issue to which Man Ray had also contributed), and Arcimboldo was identified as a precursor to Surrealism in Alfred Barr's exhibition Fantastic Art: Dada & Surrealism at the Museum of Modern Art, New York, in 1936 (a show that included many works by Man Ray).

            When Man Ray acquired the picture, he might have hoped that it was a genuine work by Arcimboldo. It was similar in subject to Arcimboldo's Winter (Fig. 3), a figure composed almost entirely of twisted branches and tree roots, a painting that forms part of a series devoted to the Four Seasons that is in the collection of the Kunsthistorisches Museum in Vienna.  But the picture Man Ray purchased (Fig. 2) differs in significant details from the painting by Arcimboldo.  To begin with, the head is facing in the opposite direction, an indication that it was probably based on a print (since in the printmaking process causes images to reverse). Indeed, it was recently discovered that Man Ray's copy was based on a sixteen-century Italian print called Inverno [Winter] (Fig. 4), one in a series of four images that depict the Four Seasons (Tonino Tornitore, 'Musica per occhi' in Pontus Hulten, ed., Effetto Arcimboldo: Transformazioni del volto nel sedicesimo e nel ventesimo secolo, Milan, 1987, pp. 350-51). This printed image is rendered in a far more simplified form (clearly better suited to the graphic copy of the printmaking medium) and contains so many changes from the original that it is more accurately classified as a variation than a copy. Among other things, the engraver removed many details: a branch with hanging fruit; the dried mushroom used to define the lips, and the ivy that comprises the hair. There can be no question that the copy Man Ray acquired was based on this particular print, although the copyist introduced a number of comparatively minor variations of his own (Fig. 2): the branch that extends vertically from the figure's neck no longer extends to the upper margin of the print, but is rather reduced in size and truncated to fit within the image; the root representing the ear is enlarged; sprigs of dried ivy hang from various branches; while the figure, in general, seems more robust (not as wizened as he appears in the engraving).

In 1940, within weeks of the Nazi Occupation of Paris, Man Ray left for the United States. Before his departure, he made a detailed ink sketch of his copy after Arcimboldo, where, with remarkable accuracy, he faithfully replicated the image in black-and-white (Fig. 5). He probably took this drawing with him to Hollywood (where he settled before the end of the year), as well as, perhaps, a photograph of the painting. Fearing that many of the paintings that he left behind in Paris would be destroyed during the war, Man Ray made full-scale copies of many. It might have been for this same reason that he made a series of works based on the Arcimboldo copy, which he might also have feared was lost. In 1942, for example, he made a painting that consisted of little more than a spider web superimposed over an opaque silhouette of the figure's head (Fig. 6). He gave the picture the title L'attente [Waiting], as if to suggest a spider silently and patiently awaiting its prey. Since the spider itself is conspicuously absent from the image, it would be logical to conclude that Man Ray might have wanted the spectator to assume the position, or he may simply have been attracted to the intricate mathematical structure of a web, and felt that it was naturally suited to being positioned on dried tree roots. Whatever he may have intended, the spider web would eventually become associated with Man Ray himself, for in several photographs made in the 1940s, he superimposed the center of a web over the crotch of a nude female figure, where the symbolism of predator and prey take on an entirely new meaning. 

The last and final work in this series is the present painting, Winter [After Arcimboldo] (Fig. 1), where Man Ray has faithfully replicated his copy (Fig. 2), but on a considerably larger scale.  It is not known whether or not the artist based this painting on the drawing he made in 1940 (Fig. 5), or on a photograph of the painting. Either way, he has replicated the image with remarkable precision.  Aside from the addition of his signature (in the form of a monogram) and date in red pigment on the lower right, the only difference he introduced comes in the form of a delicately rendered spider web that—like its equivalent in nature—is barely visible, but which, upon inspection, can be seen to stretch from a branch growing from the figure's neck, to the hollow-root structure that defines its ear.  Knowing the symbolic significance that Man Ray ascribed to this element in earlier works, it is tempting to imagine that in this particular case he wanted it to be associated with him, a symbolic surrogate for the artist himself, thereby taking on the same significance as his signature.

In 1946, Man Ray married Juliet Browner in a double ceremony with Max Ernst and his wife Dorothea Tanning. It may have been in celebration of this event that Man Ray gave Ernst this painting as a gift.  In Paris, Man Ray had already acquired Ernst's Qui est ce grande malade (1923-24)-  The Ernst painting was identified by Tanja Wessolowski of the Deutsches Forum für Kunstgeschichte Forschungsstelle Max Ernst (see Werner Spies, Günther und Sigrid Metken, Max Ernst, Werke 1906-1925, Cologne, 1975, cat. no. 657) - a painting that he brought with him to Hollywood.  In a photograph taken of Man Ray smoking his pipe and seated in the corner of his apartment (Fig. 6), the Ernst painting can be seen hanging high on a wall at the left, while directly below it (to the left of the standing lamp) can be seen an image of Man Ray's Winter.  Careful examination of the photograph reveals that it is not the painting itself (which was already given to Ernst), but rather a photographic reproduction of it.  The two works are likely placed next to one another as reminders of their dual wedding.  Man Ray's Winter [After Arcimboldo] remained in Max Ernst's possession until the end of his life.  It was sold by his widow in the 1970s and, until recently, formed part of a private collection in New York.