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Amedeo Modigliani
Description
- Amedeo Modigliani
- PORTRAIT DE PICASSO
huile sur carton
- 43,2 x 26,7 cm; 17 x 10 1/2 in.
Provenance
Perls Galleries, New York (no. 13850) (vente : Sotheby's New York, 10 mai 1995, lot 336)
Acquis lors de cette vente par le propriétaire actuel
Exhibited
Livourne, Museo Progressivo d'Art Contemporanea, Modigliani gli anni della scultura, 1984, no. 25, illustré p. 94
Condition
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Catalogue Note
oil on board. Painted circa 1914-15.
Fig. 1, Amedeo Modigliani, Pablo Picasso et André Salmon, le 12 août 1916, photographiés par Jean Cocteau
Fig. 2, Amedeo Modigliani, Portrait de Frank Burty Haviland, 1914, huile sur toile, Collection Gianni Mattioli, Milan (longtemps prêté à la Guggenheim Collection à Venise)
Fig. 3, Amedeo Modigliani, Portrait de Picasso, 1915, huile sur carton, Collection particulière
Fig. 4, Frank Burty Haviland photographié par Pablo Picasso dans son atelier, boulevard de Clichy, vers 1911-12
Fig. 5, Amedeo Modigliani, Portrait de Picasso, reproduit le 5 novembre 1916 dans le journal norvégien Dagbladet
Fig. 6, Amedeo Modigliani, Juan Gris, 1915, huile sur toile, Metropolitan Museum of Art, New York
Le 12 août 1916, Jean Cocteau photographie Modigliani et Picasso en conversation sur la terrasse de la Rotonde, le café des artistes à Montparnasse (Fig. 1). Accompagnés du critique d'art André Salmon, les deux hommes, bras en l'air et sourire aux lèvres, montrent un entrain particulier. Cet instantané et le second cliché, plus composé, où les deux artistes prennent la pose, sont caractéristiques de la relation qui unit Modigliani et Picasso. C'est moins dans les rapports humains que dans les œuvres respectifs des deux artistes que se lisent toute la richesse et la complexité d'une relation inédite dont le présent portrait est exemplaire.
Les deux hommes se rencontrent en 1906, à une époque où l'œuvre de Picasso se modifie profondément et où le travail sur Les Demoiselles d'Avignon annonce des révolutions futures. En 1908, Modigliani enrichit sa collection d'art nègre chez Picasso dont l'atelier compte à cette date nombre de masques et de statuettes primitives. En 1913, de retour à Paris, les préoccupations de Picasso et le passage au cubisme synthétique le rapprochent de Modigliani qui, lui, se remet à la peinture. En 1914, à l'époque où, après le cubisme, Picasso repart à la conquête du portait, Modigliani lui-même réinvente le genre après les premiers essais de 1907 et 1911. Durant la guerre et plus que jamais, l'un et l'autre œuvre témoignent de convergences et des discussions que les deux artistes, étrangers non mobilisés restés à Paris, eurent eu l'occasion d'avoir. De ce point de vue, "les photographies prises ce jour-là, qui représentent deux grands peintres de style et de tempéraments aussi différents que Modigliani et Picasso bavardant à l'angle d'une rue de Montparnasse, attestent un moment unique de l'amitié unissant les artistes en 1916, lorsque au nez et à la barbe des privations, de la guerre et de ses horreurs les membres de la communauté artistiques s'unirent en des manifestations et des expositions pour se soutenir les uns les autres et affirmer leur engagement au nom de l'importance de l'art" (in Modigliani, l'ange au visage grave (catalogue d'exposition), Paris, Musée du Luxembourg, 2002, p. 80).
C'est ainsi qu'en décembre 1915, à l'initiative d'Amédée Ozenfant, Modigliani et Picasso exposent chez Germaine Bongard, la sœur de Paul Poiret. En juillet 1916, André Salmon les invite à exposer au Salon d'Antin : Picasso pour la première fois expose Les Demoiselles d'Avignon, Modigliani, trois portraits. Comme l'explique John Richardson, c'est pendant ces années de guerre que sur les conseils d'André Salmon et Max Jacob, Picasso "acquiert une œuvre importante de Modigliani [...] et pose plus d'une fois pour son portrait" (John Richardson, A life of Picasso, 1907-1917, Londres, 1996, p. 368). Les seuls témoignages qui subsistent de ces séances de pose uniques, sont notre tableau, une autre huile (Fig. 3) et deux dessins, l'un conservé au Musée Picasso d'Antibes et l'autre (Fig. 5) publié dans l'édition du 5 novembre 1916 de la revue norvégienne Dagbladet à l'occasion de l'exposition d'art français de Christiana (Oslo).
Portrait de Picasso a appartenu à Frank-Burty Haviland, fils de l'industriel Charles Haviland et ami de Picasso. Fondateur du Musée d'Art Moderne de Céret, il fut un collectionneur passionné qui devait marquer le XXème siècle et l'histoire du goût. Dans les collections de cet homme raffiné dont Modigliani fait le portrait en 1914 (Fig 2.), les pièces d'art africain captivent le jeune artiste. Leur contemporain, Adolphe Basler, raconte comment : "Il alla chez Frank-Burty Haviland, peintre et collectionneur qui habitait à côté de chez Picasso, rue Schoelcher. Haviland lui prêta couleurs, pinceaux et toiles. Modigliani cherchait à transposer en peinture ce qu'il avait acquis comme sculpteur. Les difficultés de l'existence de la guerre le contraignirent d'ailleurs à pratiquer un art moins compliqué que la sculpture, occasionnant moins de frais et plus facile à réaliser. Ce fut chez Haviland qu'il vit la plus belle collection de sculptures nègres. Leur charme le fascina. Il ne se lassait pas de les admirer. Il ne voyait plus que leurs formes et leurs proportions [...]. Modigliani s'achemina lentement vers un type de formes aux lignes allongées, aux proportions exagérées avec goût, avec des détails portant l'empreinte de son admiration pour les sculptures nègres. L'ovale de la tête, le nez uniforme et géométrisé, transposé des fétiches de l'Afrique noire, donnèrent tout de suite à ses portraits un air très piquant" (in Adolphe Basler, Modigliani, Paris, 1931, pp.10-11). On retrouve cette influence dans le Portrait de Picasso qui devient par son caractère sculptural et sa puissance primitive une idole de la modernité et un véritable hommage à l'Art Nègre dont Picasso fut un immense admirateur.
On 14th August 1916, Jean Cocteau photographed Modigliani and Picasso in conversation on the terrace of La Rotonde, the artists' café in Montparnasse (Fig. 1). Accompanied by the art critic André Salmon, the two men are captured in good spirits, smiling, with their arms in the air. This snapshot and a second, more composed, photo of the two artists posing, highlights the bond that united Modigliani and Picasso. The richness and complexity of this unique relationship is demonstrated not only in their personal rapport, but also, more significantly in the respective work of the two artists, as exemplified by the present portrait.
The two met in 1906, at a time when Picasso's work was at a crucial stage of development and Les Demoiselles d'Avignon of the following year heralded the revolution to come. In 1908, Modigliani visited Picasso's studio which at the time contained many tribal masks and statues, and hoped to enrich his own collection and appreciation of African art. When Picasso returned to Paris in 1913, his preoccupation with the transition into total Cubism brought him closer to Modigliani, who had by then taken up painting, and the following year, as Picasso once again sought to master the portrait post-Cubism, Modigliani was himself reinventing the genre after his first attempts in 1907 and 1911. During the World War I, more than ever, their work bore witness to the similarity and dialogue between the two artists, both non-conscripted foreign nationals living in Paris. From this point of view, "the photographs taken on that day, depicting two great painters whose style and temperament were as different as Modigliani and Picasso chatting on a Montparnasse street-corner, record a unique moment in the friendship that united the artists in 1916, when, flying in the face of the hardship and horror of the war, members of the artistic community came together in demonstrations and exhibitions to support one and other and champion their belief in the importance of art" (in Modigliani, l'ange au visage grave, Paris, Musée du Luxembourg, 2002, p. 80).
Thus it was that in December 1915, after an initiative by Amédée Ozenfant, Modigliani and Picasso exhibited at the gallery of Germaine Bongard, Paul Poiret's sister. In July 1916, André Salmon invited them to exhibit at the Salon d'Antin where Picasso unveiled Les Demoiselles d'Avignon, while Modigliani showed three portraits. As John Richardson has explained, it was during the war years that, following the advice of André Salmon and Max Jacob, "Picasso had come to like Modigliani and his work well enough to acquire a major painting... and to sit to him for a portrait more than once." (John Richardson, A Life of Picasso, 1907-1917, London, 1996, p. 368). The only testimonies that survive of these unique sittings are this painting, another oil (Fig. 3), and two drawings, one housed in Musée Picasso in Antibes and the other published in the Norwegian review Dagbladet on 5th November 1916 (Fig. 5) on the occasion of an exhibition of French art in Christiana (Oslo).
Portrait de Picasso once belonged to Frank-Burty Haviland, the son of the industrialist Charles Haviland and a friend of Picasso. Founder of the Musée d'Art Moderne de Céret, he was a passionate collector who would make his mark on the history of twentieth century taste. Modigliani was captivated by the African artworks in the collections of this refined gentleman, and painted his portrait in 1914 (Fig. 2). Adolphe Basler, their contemporary, recounts how "He would go to see Frank Burty Haviland, a painter and collector who lived near Picasso on the Rue Schoelcher. Frank lent him paints, brushes and canvases. Modigliani tried to transpose into painting all that he had learned as a sculptor. The difficulties of daily life during the war restricted him to practising a less complicated art than sculpture, one that was less expensive and easier to achieve. It was in Haviland's home that he saw the most beautiful collection of African sculptures. Their charm fascinated him. He could not stop admiring them. He was transfixed by their forms and proportions [...]. Modigliani slowly progressed towards a type of form with elongated lines, tastefully exaggerated proportions, and details that attest to his admiration for African sculptures. The oval heads, the uniform and geometric noses, transposed from fetishes from Sub-Saharan Africa, immediately give his portraits a very striking look" (in Adolphe Basler, Modigliani, Paris, 1931, pp. 10-11). We see this process in the Portrait de Picasso, whose sculptural character and sophisticated brutality capture the very essence of the influence of African art on twentieth-century painting. The work is thus both a modernist icon and a fitting homage to the tribal art that both the model and the artist so admired.